Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Echappée en Loire-Atlantique, Paimbœuf

27 mai 2017


Rien qu’à voir la tête de la patronne de l’Hôtel de Bretagne quand je débarque avec ma valise ce vendredi matin, je sais qu’il y a un problème. Effectivement, elle ne m’attendait que demain. Elle prétend que je me suis trompé dans ma date d’arrivée lors de la réservation. Toutes les chambres sont prises et en plus l’ordinateur est bloqué. Je suis certain de moi, l’erreur vient d’elle. Je la lui reproche. Vous vous rendez compte que je ne vais rien pouvoir trouver d’autre à Saint-Nazaire et que je vais devoir rentrer chez moi dès aujourd’hui alors que j’ai déjà un billet de train non modifiable pour mardi prochain. Les clients en salle de petit-déjeuner tendent l’oreille. Elle m’accuse de l’agresser. Je lui dis que je vais rester jusqu’à ce qu’elle ait trouvé une solution. Elle va chercher son mari, qui d’un clic débloque l’ordinateur. Il constate que ma réservation n’est pas seulement décalée d’un jour pour l’arrivée mais aussi pour le départ. C’est évidemment sa femme qui s’est trompée en saisissant les dates. Il ne le dit pas, mais je vois bien qu’il le pense. Il trouve la solution : me mettre pour cette nuit dans une chambre réservée par quelqu’un d’autre.
Cette chambre est à cinquante-neuf euros. Je lui demande s’il peut faire un geste (comme on dit dans le métier). Il refuse, car il n’a fait que déplacer le problème. Il va devoir annoncer ce soir à un autre qui aurait payé ce prix que la chambre n’est pas libre. Je demande à régler tout de suite et à avoir la facture afin de partir l’esprit tranquille.
A dix heures, je monte dans le minibus pour Paimboeuf, commune du bord de la Loire qui eut son heure de prospérité comme avant-port de Nantes jusqu’à ce que la Loire soit désenvasée. Je descends devant la Mairie, sise au milieu de petites maisons colorées construites parallèlement au fleuve. Celui-ci est large et paisible. J’en remonte le cours par le chemin qui le longe jusqu’au Jardin étoilé de l’artiste japonais Kinya Maruyama, une évocation, par de grandes structures en bois dans lesquelles on peut grimper, de la Fête de Tanabata (histoire d’amour entre deux étoiles), des quatre divinités du taoïsme et du conte Train de nuit dans la voie lactée de Kenji Miyazawa. Ce jardin est lamentablement contigu à un parquigne de campigne-cars.
Pour déjeuner, il faut aller à l’autre bout de Paimbœuf. Je reviens sur mes pas à l’ombre, par la rue intérieure. L’Estuaire est un restaurant-bibliothèque situé à l’entrée du parc de la ville. On peut y emprunter des livres et surtout y manger sous des pins aussi odorants que ceux du sud. Dans le menu à dix-sept euros, je choisis les poivrons marinés, la zarzuela et la « tuerie au chocolat », avec un demi-pichet de sauvignon. Des cyclistes en maillot et à lunettes de soleil occupent une table de sept. Pour le reste, ce sont des duos, couples ou non. Près de moi sont deux collègues de travail (Elle : « La Pologne, c’est en Europe ? » Lui : « Oui, mais y a un bout de Russie dedans »).
Après le café, je poursuis ma lecture des lettres de Truffaut au bord de la Loire sous un pin. Il y fait bon grâce à un petit vent coulis. En face, c’est la raffinerie de Donge, je ne serais pas contre une petite explosion pour pimenter mon après-midi, mais on ne peut pas tout avoir.
                                                                *
Je suis le seul des convives du restaurant L’Estuaire à savoir ce qu’est une zarzuela. Souvenir d’un repas en terrasse au bord de la mer à Collioure avec l’une qui me tenait la main. Souvenir aussi de la nymphette aux seins nus sur la plage.
 


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