Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En lisant L’Ivrogne et l’Emmerdeur (Lettres à sa femme 1939-1940) de Georges Hyvernaud

26 octobre 2016


J’ai déjà évoqué Georges Hyvernaud plusieurs fois, comment ce professeur d’Ecole Normale, ayant notamment exercé à Rouen, fut embrigadé comme tant d’autres dans l’armée française avec pour mission de défendre son pays contre l’ennemi nazi. Il sera fait prisonnier avant d’avoir l’occasion de se battre. Cette expérience, relatée dans les lettres qu’il envoya à sa femme Andrée, nourrira ses romans La Peau et les Os et Le Wagon à vaches, ouvrages parus dès après la guerre, qui n’eurent aucun succès et l’amenèrent à abandonner l’écriture. Ils sont réédités par Le Dilettante.
Les lettres à Andrée ont paru en mil neuf cent quatre-vingt-onze chez Seghers, huit ans après la mort de leur auteur, dans une édition établie et annotée par sa veuve, sous le titre L’Ivrogne et l’Emmerdeur (surnoms donnés par le lieutenant Hyvernaud à ses commandants successifs).
De la lecture de l’exemplaire acheté à l’un des bouquinistes du Clos Saint-Marc, je retiens ceci :
Cela présente quand même des avantages, les travaux purement physiques ; quand c’est fini, c’est fini, et il ne reste que le plaisir d’avoir fini. Ils ne laissent pas derrière eux cette affreuse traînée de copies à corriger ou de préparations à faire qui se forme derrière nos travaux universitaires. (mardi sept novembre mil neuf cent trente-neuf)
Je n’ai jamais eu, tu le sais, beaucoup de sympathie pour les propagandistes (quelle que soit la nature de leur propagande) qui entrent par effraction dans l’esprit des jeunes. (…)
Au surplus, les victimes  ne m’intéressent pas. Tant pis pour elles si elles ne savent pas se défendre. (…)
Revenons au précieux individualisme, comme le dit et le précise l’auteur peu connu déjà cité, dans un essai sur Stendhal que tu as copié de ta main. (samedi dix novembre mil neuf cent trente-neuf)
Ce matin une mégère venait rouspéter à la compagnie parce qu’un soldat qui couche chez elle l’a menacée de son couteau. (…) non seulement il couche chez la femme, mais il couche avec ses filles, avec les deux ensemble, deux rouquines effroyables dont l’une sort du sana, dont l’autre devrait y être. Des créatures maigres, sales, l’air cochon, sournois et égaré. Tout ce monde-là s’est expliqué en famille. Les filles disaient tout ce qu’on voulait, tout ce qu’elles faisaient avec le type. Elles reprochaient à la mère d’en faire autant. Et comme, dans la même chambre, il y a un frère et deux ou trois autres soldats, l’une des filles expliquait, afin de donner une haute idée de sa pudeur, que ça la gênait de se déshabiller devant tout le monde.(le même jour)
Mon commandant de compagnie est un homme très scrupuleux, très actif, très bien dans l’ensemble. Il a un règlement à la place d’un au moins de ses hémisphères cérébraux –c’est tout ce qu’on peut lui reprocher. (quatorze novembre mil neuf cent trente-neuf)
J’étais bien tranquille, au fond d’une baraque, confortablement assis sur une caisse à outils. J’ai été tiré de ma quiétude par les nécessités de la défense nationale. (dimanche vingt-six novembre mil neuf cent trente-neuf)
Mes notes s’arrêtent là, à la moitié du livre. Peut-être que je n’ai rien trouvé d’exceptionnel ensuite ou alors j’en ai égaré une partie.
Quand même ceci, daté du jeudi vingt-cinq avril mil neuf cent quarante, d’un mari soucieux de tranquilliser son épouse :
Et ta lettre du bombardement de Rouen par la D. C. A. Il ne faut quand même pas te frapper. Dans ton lit, tu es parfaitement en sécurité, tu sais. Il n’est pas indiqué de se balader dans les rues, voilà tout…