Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En lisant les Lettres à Moune et au Toutounet (1929-1954) de Colette (un)

25 février 2017


Moune et le Toutounet sont Hélène Jourdan-Morhange et Luc-Albert Moreau. La première fut musicienne avant d’être atteinte de la crampe des violonistes (c’est Maurice Ravel qui lui donna son surnom). Le second fut peintre et lithographe et épousa tardivement la première qui lui donna le surnom repris par l’écrivaine avec laquelle tous deux furent amis. D’où cette correspondance que publièrent les Editions des Femmes en mil neuf cent quatre-vingt-cinq sous le titre Lettres à Moune et au Toutounet (1929-1954).
Le style imagé de Colette s’y épanouit tout autant que dans ses récits et romans. En témoignent les extraits prélevés pendant ma lecture, dont voici la première partie. Nous sommes avant guerre, la deuxième mondiale, une période pendant laquelle Colette séjourne plusieurs fois dans l’Eure et en Seine-Inférieure :
Je suis allé deux fois en ville, et la deuxième fois, j’ai un peu écrasé, -non, bousculé de mon aile droite avant – le père de Giraud. Il a quatre-vingts ans et s’échappe comme un enfant en bas âge. J’ai eu une peur ! Sa femme était en fureur… contre lui. « Une paire de gifles, voilà ce qu’il mérite ! » L’autre jour on a dû le redescendre de l’Aïoli, il avait gravi la côte et n’avait plus la force de redescendre. « Ne le dites pas à ma femme ! » suppliait-il. (Vingt-cinq juin mil neuf cent trente et un, Saint-Tropez, faisant ses débuts de conductrice d’automobile)
Ce n’est pas un château, c’est une petite maison restauration. Ce n’est pas une demeure isolée, elle est dans le village. On ne voit pas la Seine, il n’y a pas assez de pente. Il n’y a pas de parc, c’est un jardin assez petit. Tout cela admis, nous ne sommes pas mal. (Douze mai mil neuf cent trente-neuf, Alizay (Eure), note infrapaginale : « Colette est allée au château d’Alizay, hostellerie située près de Rouen, pour travailler et se reposer. »)
Mais que les environs sont beaux ! La route de Saint-Pierre-du-Vauvray est littéralement embaumée de lilas. Les pommiers délirent. (Seize mai mil neuf cent trente-neuf, Les Andelys)
Devant l’établissement thermal, des orangers en fleurs luttaient courageusement ; ils étaient toujours vaincus. La bourgeoisie arthritique était pareille à elle-même. Mais cette année-là il y avait une petite bourgeoisicule de quatorze ans, qui changeait en criminels sadiques tous les hommes présents. (Vingt-sept juin mil neuf cent trente-neuf)
Ce matin, je regardais arriver, -d’où et par quels moyens ? –des familles étranges, pauvres, pourvues d’enfants, et qui n’avaient peut-être pas plus vu la mer que les natifs de Vidauban. Deux petites filles très petites avaient déjà choisi le souvenir qu’elles voulaient rapporter de la plage : des galets énormes, dans les trois kilos chacun. (Quatorze août mil neuf cent trente-neuf, Hôtel Métropole, Dieppe)
Oui, nous nous plaisons à Dieppe. C’est déjà assez démodé pour rejoindre les presse-papier et les porte-plume en os chantourné avec vue de la plage et les boites à ouvrage en coquillages. (…)
Calme, calme parfait, les émotions n’étant fournies que par la troupe Hitler-Mussolini-Staline, exercices acrobatiques, corde raide et jeu des couteaux. (Vingt-cinq août mil neuf cent trente-neuf, Hôtel Métropole, Dieppe)