Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En lisant les Maximes, pensées, caractères et anecdotes de Chamfort

22 mars 2017


Un récent voyage en train jusqu’à Paris m’a permis d’en savoir plus sur les écritures de Chamfort, né Sébastien-Roch Nicolas, dont je ne connaissais que quelques maximes, et non des meilleures.
Ses anecdotes reprenant des racontars de cour sont un peu lassantes, mais dans les maximes j’ai fait ma sélection :
Combien de militaires distingués, combien d’officiers généraux sont morts, sans avoir transmis leurs noms à la postérité : en cela moins heureux que Bucéphale, et même que le dogue espagnol Bérécillo, qui dévorait les Indiens de Saint-Dominique, et qui avait la paie de trois soldats !
Les fléaux physiques et les calamités de la nature humaine ont rendu la société nécessaire. La société a ajouté aux malheurs de la nature. Les inconvénients de la société ont amené la nécessité du gouvernement, et le gouvernement ajoute aux malheurs de la société. Voilà l’histoire de la nature humaine.
Il y a des siècles où l’opinion publique est la plus mauvaise des opinions.
Quand on veut éviter d’être charlatan, il faut fuir les tréteaux ; car, si l’on y monte, on est bien forcé d’être charlatan, sans quoi l’assemblée vous jette des pierres.
Il est à parier que toute idée publique, toute convention reçue, est une sottise, car elle a convenu au plus grand nombre.
De mille traits que j’ai entendu raconter, je conclurais que, si les singes avaient le talent des perroquets, on en ferait volontiers des ministres.
Les bourgeois, par une vanité ridicule, font de leurs filles un fumier pour les terres des gens de qualité.
N’est-ce pas une merveille que la société subsiste avec la convention tacite d’exclure du partage de ses droits les dix-neuf vingtièmes de la société ?
Le public de ce moment-ci est comme la tragédie moderne, absurde, atroce et plat.
On dit quelquefois d’un homme qui vit seul : « Il n’aime pas la société. » C’est souvent comme si on disait d’un homme qu’il n’aime pas la promenade, sous le prétexte qu’il ne se promène pas volontiers le soir dans la forêt de Bondy.
La pauvreté met le crime au rabais.
La plupart des livres d’à présent ont l’air d’avoir été fait en un jour avec des livres lus de la veille.
Ce qui fait le succès de quantité d’ouvrages est le rapport qui se trouve entre la médiocrité des idées de l’auteur et la médiocrité des idées du public.
Le titre le plus respectable de la noblesse française c’est de descendre immédiatement de quelques-uns de ces trente mille hommes casqués, cuirassés, brassardés, cuissardés, qui, sur de grands chevaux bardés de fer, foulaient aux pieds huit ou neuf millions d’hommes nus, qui sont les ancêtres de la nation actuelle.
Le public est gouverné comme il raisonne. Son droit est de dire des sottises, comme celui des ministres est d’en faire.
                                                             *
Chamfort, acteur de premier plan de la Révolution, est aussi connu pour son suicide raté, consécutif à la crainte d’être arrêté suite à son opposition à Marat et Robespierre (Je suis un homme libre ; jamais on ne me fera rentrer vivant dans une prison.).
Ginguené le raconte ainsi (il fut le premier éditeur des Maximes, de façon posthume, Chamfort étant mort l’année suivant ce suicide raté des suites de ses atteintes corporelles, le treize avril mil sept cent quatre-vingt-quatorze, à l’âge de cinquante-quatre ans) :
Il charge un pistolet, veut le tirer sur son front, se fracasse le haut du nez et s’enfonce l’œil droit. Étonné de vivre, et résolu de mourir, il saisit un rasoir, essaie de se couper la gorge, y revient à plusieurs fois et se met en lambeaux toutes les chairs : l’impuissance de sa main ne change rien aux résolutions de son âme ; il se porte plusieurs coups vers le cœur et, commençant à défaillir, il tâche par un denier effort de se couper les deux jarrets et de s’ouvrir toutes les veines. Enfin, vaincu par la douleur, il pousse un cri et se jette sur un siège, où il reste presque sans vie. Le sang coulait à flots sous la porte.
                                                            *
Bondy (Seine-Saint-Denis), ville qui m’est chère. Ma grand-mère y vivait. Ma mère et ses sœurs y ont passé leur enfance et leur adolescence. Je ne me suis jamais promené dans sa forêt, laquelle autrefois avait très mauvaise réputation (Victor Hugo y place la maison des Thénardier et Sade le premier viol de Justine).