Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

20 juin 2015


« Ah, Michel, j’ai pensé à toi, j’ai installé des sièges ». Ainsi m’accueille dans le bar de l’Hôtel de l’Europe, Georges-André, le maître des lieux, ce vendredi soir. Rachel Ries doit y donner concert. Mieux qu’un siège, j’opte pour une place sur la banquette.
En première partie, j’assiste au nourrissage d’une enfançonne, un spectacle auquel d’autres sont fort sensibles. Ils félicitent le père pour son savoir-faire. La mère, comme on pouvait si attendre, déclare que c’est parce qu’il y a du monde.
Du monde, il y a, mais peu. C’est une bonne chose. Je vais ainsi pouvoir profiter dans des conditions optimales de la jolie voix de Rachel Ries, fille du Dakota du Sud. Elle y vit dans une ville de mille habitants et est à Rouen en résidence, invitée par Europe and Co, afin d’écrire de nouvelles chansons loin de son univers habituel, comme l’explique en introduction l’un des membres de l’association.
La première session est à l’eau plate. Rachel Ries y chante assise au clavier Yamaha puis debout à la guitare électrique. Elle présente en anglais ses chansons. Son accent américain me permet de la comprendre à soixante-quinze pour cent quand elle parle, mais pas du tout quand elle chante, ce qui ne m’empêche pas d’aimer.
A la pause, je commande un verre de vin blanc à Georges-André. Il est excellent. Quand je lui demande son nom, il me répond « Secret ». C’est effectivement ce qui est écrit sur la bouteille. Il m’explique que les meilleurs bordeaux sont soumis à un numerus clausus. Les bouteilles excédentaires sont commercialisées sans que l’on puisse y mettre un nom.
La deuxième session est au ouiski. Rachel Ries y chante assise à la guitare électrique puis au clavier Yamaha. Elle invite à la fin à faire « la la la » avec elle. J’y arrive un peu.
Après les chaleureux applaudissements, le maître des lieux met en place un généreux buffet (pâté, saucisson, houmous et guacamole). J’offre un verre à l’homme au chapeau et en reprends un de « Secret ». Une discussion s’instaure sur le fait de chanter en anglais ou en français quand on est d’ici, à laquelle je ne me mêle pas. Un artiste local explique qu’il chante en anglais parce qu’il parle anglais (il l’enseigne) mais qu’à l’inverse de certaine qui chante en anglais une vie fantasmée d’irlando-bretonne, lui chante sa vie réelle de natif de Saint-Etienne-du-Rouvray. L’important, dit-il, ce n’est pas la langue dans laquelle on chante mais l’authenticité.
Pour moi, ne lui dis-je pas, une chanson en anglais est une chanson dont je ne comprends pas les paroles, donc authentique ou pas c’est kif-kif.
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Dans ses compositions, Rachel Ries évoque notamment Chicago, sa grand-mère agricultrice disparue trop tôt, un pigeon récemment mort (une des chansons écrites à Rouen et intitulée The Cathedral Bells, celles d’un bâtiment proche sonnent au moment où elle en parle), son ancien amour pour son ingénieur du son qui a fait l’objet d’un disque entier « c’est trop », l’erreur d’avoir été une épouse (si j’ai bien compris).
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Elle dessine aussi. L’une de ses pochettes de disques montre une femme entourée de fleurettes. Si je n’avais connu que ça d’elle, je n’aurais pas mis l’oreille à son concert.
 

19 juin 2015


Pas question de terminer la semaine parisienne sans passer au Book-Off de Saint-Augustin. J’y vais pour l’ouverture, à un moment où il est peu fréquenté, et peux donc flâner à mon aise et trouver quelques livres à mon goût.
Je remonte à pied jusqu’à Notre-Dame de Lorette où se trouve le métro le plus pratique pour rejoindre le Dix-Huitième et avant de le prendre déjeune à L’Alvéole, rue Saint-Georges, dont la cuisine est si basique qu’il n’est pas utile d’en dire plus (il est vrai qu’après Le Bon Coin d’hier…). Des habitués en semblent pourtant satisfaits, qui parlent de la naissance d’une petite Léa dont les parents ont eu l’appartement cambriolé pendant l’accouchement (ordinateurs, bijoux, etc.). On soupçonne un voisin.
Rentré dans l’appartement prêté par une rame dans laquelle un mendiant demande une pièce pour manger en pleurant bruyamment (une technique improductive), je mets de l’ordre dans l’appartement et passe l’après-midi en compagnie des deux bestioles à longue queue sur fond de bruit des travaux de la dent creuse à terminer la lecture de « Merci, Dr Tchekhov », la correspondance entre Gorki l’impétueux et Tchekhov le mesuré.
Lourdement chargé, je rejoins la gare Saint-Lazare en début de soirée et par un train de dix-neuf heures trente surchauffé regagne Rouen où le ciel est gris. Un message de Chine m’attend sur le répondeur, visant à me rassurer, la communication via Internet laissant à désirer ces derniers jours.
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Maxime Gorki à Anton Tchekhov (début de juillet mil neuf cent) :
Cher Anton Pavlovitch, 
Allons en Chine ! Un jour à Yalta vous avez dit que vous iriez volontiers. Partons ! J’ai une envie formidable d’aller là-bas et je pense me proposer comme correspondant à quelque journal. Ma femme ne tient pas à me laisser partir seul, mais elle serait tout à fait tranquille si vous veniez aussi. Partons, Anton Pavlovitch ! Là-bas la vie est intéressante, ici elle est grise.
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Anton Tchekhov à Maxime Gorki (douze juillet mil neuf cent) :
Cher Alexis Maximovitch,
Votre proposition d’aller en Chine m’a étonné. Et votre pièce ? Où en est votre pièce ? C’est donc que vous l’avez achevée ? Quoi qu’il en soit, il est déjà tard pour aller en Chine car la guerre touche manifestement à sa fin. Et je ne peux aller là-bas que comme médecin. Médecin militaire. Si la guerre dure, j’irai, mais en attendant je reste ici et j’écris tout doucement.
 

18 juin 2015


Ce mardi, à treize heures j’attends l’ami Philippe Dumez devant une Mairie du Dix-Huitième couverte de slogans et de drapeaux syndicaux, ce sont les postiers qui ne sont pas contents. Quand il arrive, je lui suggère un restaurant que j’ai repéré mais il a mieux à me proposer, une brasserie ouverte depuis mil neuf cent trente-quatre, nommée Le Bon Coin, à deux pas de là où je passe mes nuits.
Cet endroit mérite son nom. Il offre une cuisine à base de plats du Massif Central et un accueil chaleureux. Nous y déjeunons excellemment, pour un prix des plus raisonnables, tout en parlant (entre autres) de nos expériences d’écriture et de notre fréquentation assidue des vide greniers. La tarte pomme rhubarbe est somptueuse en qualité et en quantité, nous aurions eu tort de nous priver de dessert. Il est presque quinze heures quand nous nous séparons devant la dent creuse où les ouvriers forent toujours.
Un peu plus tard, je prends à nouveau le bus Soixante et en descends au canal de l’Ourcq au long duquel je marche un moment puis je m’assois au bord du bassin de la Villette où voguent les bateaux sans permis et commence à lire la correspondance entre Maxime Gorki et Anton Tchekhov publiée aux Cahiers Rouges chez Grasset sous le titre « Merci, Dr Tchekhov ». J’y trouve ceci à propos de l’écriture sous la plume de Tchekhov, qui n’est pas sans me faire songer à notre conversation méridienne : L’unique défaut, c’est l’intempérance, le manque de grâce. Lorsque pour un effet déterminé, on met en jeu le minimum de gestes, cela s’appelle la grâce.
Au retour, je descends à Pont-Cardinet afin de voir à quoi ressemble ce Ground Control dont m’a parlé Philippe Dumez, un lieu éphémère installé dans d’anciens locaux de la Senecefe rue Ordener, immense endroit où se côtoient bars, restaurants, boulodrome, expositions, concerts, poulailler et friches à jardiner, mais bizarrement il est fermé.
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Pas de prise de courant dans la salle de bains. Je vais rentrer à Rouen membre de la tribu des néo barbus.
 

17 juin 2015


Peu de bus au cœur du Dix-Huitième, la faute à la butte Montmartre. Ce lundi matin, je prends l’un des deux passant rue Ordener, le Soixante, direction Gambetta, une façon économique de visiter Paris. C’est ainsi que je passe au carrefour de la rue Pajol où il y a peu la Police s’en prenait violemment aux refugiés d’Erythrée et d’ailleurs, puis enjambe le canal de l’Ourcq, frôle les Buttes-Chaumont et arrive à un endroit qui m’est familier depuis les vide greniers du ouiquennede.
De ces hauteurs je n’ai plus qu’à me laisser descendre à pied par l’avenue Gambetta qui longe le Père-Lachaise et la rue du Chemin-Vert, tourner à gauche avenue Parmentier puis à droite rue de Charonne pour aboutir à midi pile au restaurant Chez Céleste et m’y installer en terrasse. J’y déjeune d’un confit de canard pas aussi bon que celui du Péhemmu chinois de la rue du Faubourg-Saint-Antoine en bénéficiant de la conversation de deux hommes actifs dans le domaine de l’urbanisme :
-C’est là que tu te rends compte que les intellectuels, c’est hyper réac, ils sont anti architecture, ils veulent toujours conserver l’existant.
Jean-Paul Raynaud est ensuite l’objet de leur critique : « arrogant » « agressif », « mais il est vrai que dès que l’on met un mec derrière une tribune… »
Au point où j’en suis, je n’ai plus qu’à aller chez Book-Off. Auparavant je passe boire le café à la Brasserie du Faubourg à l’angle de Ledru-Rollin où l’on s’étonne de la présence d’un nouveau personnel. La jeune femme blonde des pays de l’Est qui avait remplacé le bougon de Nasbinals n’est plus là. L’une demande qui est le nouveau gérant.
-C’est moi depuis ce matin, répond le remuant jeune homme derrière le comptoir, vous m’avez pris pour le barman ?
Il explique que sa gérance est aléatoire, tout l’immeuble est vendu et doit être cassé puis refait. Il ne sait pas pour combien de temps il est là mais ça peut durer car il y a les locataires au-dessus qui ne veulent pas partir. En attendant, il ne peut pas faire grand-chose, simplement changer la carte, qui ne lui plaît pas, et donner un coup de propre.
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Mœurs des cafetiers entourant la Mairie du Dix-Huitième : plus de boissons chaudes en terrasse après seize heures et on est tenu de renouveler sa consommation toutes des quarante minutes.
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Femme s’asseyant au bout de la terrasse. Au barman venu prendre sa commande :
-Non non, c’est juste pour téléphoner.
 

16 juin 2015


Ce dimanche est l’un des mieux fournis de la saison en vide greniers à Paris et c’est donc de fort bon matin que je traverse la capitale en direction de la Butte aux Cailles dans le Treizième, un lieu autrefois parcouru en même circonstance avec celle chez qui je dors (nous y avions fait un bon repas en terrasse). Ce quartier de boboïtude affirmée est toujours soumis aux dessins bébêtes de Miss Tic. Certaines rues anciennes à pavés y échappent, pas celles où l’on déballe. Beaucoup de livres ici et là parmi lesquels je trouve L’autre fille d’Annie Ernaux, ouvrage de peu d’épaisseur consacré à sa sœur morte avant sa propre naissance (NiL Editions). Pendant que je le paie (cinquante centimes), un quidam s’adresse au vendeur de livres d’à côté pour lui demander le numéro de téléphone d’un autre : « Je lui ai acheté un coffret de dix petits livres de poésie pour dix euros, or j’ai vu à la maison qu’ils sont numérotés. J’ai regardé sur Internet et ils valent soixante-dix euros. Si j’arrive à les vendre, j’aimerais lui filer un petit billet. » Comme on est vertueux ici, ce n’est pas à moi que viendrait une telle idée.
Je rejoins ensuite la place de la Nation pour aller à Charonne, l’un des deux plus importants vide greniers du jour, dont je parcours les allées rectilignes en regardant des deux côtés à la fois. Parmi les vendeurs, je découvre l’homme aux livres d’Algérie d’hier à qui je souhaite une journée fructueuse. Là aussi, je trouve des livres dont, m’attendant en évidence sur le trottoir, le Pascin de Gaston Diehl (Flammarion). Un peu défraîchi, il devient mien pour deux euros.
L’autre plus important vide grenier du dimanche est celui de la rue des Pyrénées et adjacentes et que vois-je m’attendant sur le trottoir ? Pascin, le magicien du réel, le copieux catalogue de l’exposition ayant eu lieu au Musée Maillol en deux mille sept. En excellent état, il me coûte le même prix que l’autre.
Je déjeune sur place, à la terrasse de la brasserie Les Rigoles d’un steak tartare, frites, salade et câpres avec un quart de côtes-du-rhône (dix-sept euros vingt). J’ai bonne vue sur l’extrémité du déballage, regardant qui passe et écoutant le jeune couple de la table voisine. Ils en sont au moment où l’amour ne se suffit plus à lui-même, parlent d’aménagements dans la maison qu’ils vont acheter. Je ne la sens pas motivée par cette histoire d’escalier à refaire et lui envoie des ondes mentales : « Tire-toi pendant qu’il en est encore temps ».
Mon erreur du jour est d’aller par plusieurs métros à Montholon dans le Neuvième où le « grand vide grenier » annoncé n’occupe que deux côtés du square et une courte rue. Je n’y trouve rien et peux enfin faire usage de mon mauvais esprit à l’égard de l’association de charité qui l’organise : « Vous appelez ça un grand vide grenier ? L’an prochain, annoncez un petit vide grenier, on peut être honnête même si on est du Secours Populaire ». Les deux darnes haussent les sourcils sans me répliquer quoi que ce soit.
Après une pause en mon logis, je repars à pied jusqu’à l’arrondissement voisin pour un ultime vide grenier, celui de l’avenue de Saint-Ouen, dont je n’attends pas merveille et cela se confirme. Peu de livres hormis toute une table sans grand intérêt que le vendeur propose à dix euros pièce.
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Conseil d’une vendeuse à un curieux :
-Si vous ne savez pas ce que c’est, il vaut mieux ne pas l’acheter car vous ne saurez pas vous en servir.
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Un vendeur à propos d’un téléphone :
-C’est à la grand-mère. Il est encore fonctionnel et il est collector.
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Encore une journée où j’aurai réussi à ne pas acheter un billet de tombola aux pompiers.
 

15 juin 2015


C’est lorsque qu’on veut aller d’un arrondissement du bord à un autre qu’on se rend compte qu’il manque des lignes de métro à Paris, me dis-je une nouvelle fois, ce samedi matin désireux d’aller du Dix-Huitième au Vingtième où c’est vide grenier à Saint-Blaise. J’y arrive quand même et découvre les nombreux exposants installés dans les rues du quartier, dont Vitruve où vécut Barbara au numéro cinquante, une plaque en témoigne, de mil neuf cent quarante-six à cinquante-neuf, dans un immeuble à l’aspect modeste dont je fais des photos.
C’est un cédé de Christophe, Paradis retrouvé, que je convoite. L’aimable vendeuse me le laisse à deux euros au lieu de trois. Nous échangeons nos souvenirs de concert dudit puis je continue ma tournée découvrant quelques livres à mon goût et discutant avec un homme qui en cherche sur son pays d’origine, l’Algérie. L’ambiance est détendue dans ce vaste vide grenier parisien sauf à sa fin où est déballé à même le sol ce que des migrants ont trouvé dans les poubelles. Une vendeuse chinoise est prête à se battre avec son client d’origine arabe.
J’en ai fait le tour quand je m’entends appeler. C’est l’homme aux livres d’Algérie qui me fait savoir que la paroisse d’à côté organise une vente de livres dans les sous-sols près de l’église. Nous y allons ensemble. Le premier livre sur lequel je tombe (comme on dit) en est un de Boualem Sansal que je lui donne, à son contentement. En revanche, je ne trouve rien pour moi et il le regrette.
Par un autre métro indirect et bondé je rejoins la rue Petit dans le Dix-Neuvième. Ce vide grenier est moins étendu qu’annoncé mais j’y trouve quand même de quoi me plaire auprès d’une association dont les vendeurs sont des enfants issus de la diversité (comme disent certains). Après avoir refusé les billets de tombola des pompiers, je déjeune en terrasse d’un couscous brochette et d’un quart de brouilly pour vingt-deux euros à la brasserie Le Gymnase au coin de la rue Laumière. Le gymnase pour les sportifs est de l’autre côté de l’avenue Jean-Jaurès, un beau bâtiment à verrière et à campanile.
Ensuite je fais l’erreur d’aller au vide grenier des Halles, déployé le long de l’église Saint-Séverin. On y vend plus cher qu’aux deux autres et souvent dans un esprit proche de celui qui règne au centre commercial, toujours en rénovation.
Je rentre dans mon appartement temporaire et m’y repose un peu avant de repartir à pied jusqu’à la courte rue Budin où les parents d’élèves de l’école du même nom organisent la braderie. On y trouve beaucoup de gâteaux et de quoi satisfaire plus d’un acheteur mais pas moi. J’aurais pourtant aimé trouver un bon livre parmi ceux que me vantait la jolie jeune fille aux traits asiatiques.
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Ici, quand on cherche son chemin, plutôt que demander le vide grenier, dire la braderie ou la brocante.
« Ah, tu fais la braderie ! » (deux nymphettes d’un même collège se croisant à celle de Saint-Blaise, chacune jaugeant l’habillement de sa semblable).
 

13 juin 2015


Beau temps lourd ce vendredi, dès que je suis lassé d’entendre le bruit de la roulette dans la dent creuse d’en face (deux ouvriers y forent avec de grosses fraises en prévision des fondations de l’immeuble qui va y pousser, un Blanc avec casque sur les oreilles, un Noir sans), je rejoins à pied la station Simplon et d’un coup de métro arrive à Saint-Michel où je fais le tour des librairies mais n’achetant rien car je me réserve pour les vide greniers du ouiquennede.
A midi, je déjeune en terrasse, rue de la Harpe, à la pizzeria Sarno d’une honnête pizza napolitaine accompagnée d’un quart de vin blanc, cela fait quinze euros, puis à pied je passe rive droite où je vais au gré de mon inspiration faisant une pause place des Vosges où beaucoup se prélassent sur les pelouses ou bien se prémunissent du soleil ardent sous les arbres.
Pas loin se trouve, rue Saint-Gilles, la Polka Galerie qui expose les photos de jeunes Italiennes en maillot de bain de Claude Nori. J’en fais le tour assez vite, les ayant pour partie déjà vues à la Maison Européenne de la Photographie et dans des livres que je possède. Un second local, sis dans une cour privée, montre des photos de Marc Riboud, certaines vues jadis dans Libération, les plus récentes ont pour sujet la Chine.
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Sirène hurlante, portière ouverte, pistolet mitrailleur dirigé vers la chaussée, passe la Police, boulevard Saint-Michel.
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Sur le banc, à côté de moi, au jardin de Cluny, une fille et un garçon entretiennent une conversation conflictuelle au sujet de leurs prochaines vacances en Irlande (peut-être les dernières).
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-Non mais, de toute façon, Aurélien, il est pas validé, c’est un bâtard. (Une fille énervée au téléphone)
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Le point commun entre le Seizième et le Dix-Huitième, c’est qu’on y trouve aux carrefours de beaux et jeunes pompiers tentant de vendre des billets de tombola « pour le bal ».
 

12 juin 2015


La nuit fut bonne et le beau temps étant assuré je décide d’aller ce jeudi à la découverte de la Fondation Louis Vuitton jouxtant le Jardin d’Acclimatation, l’entrée à la première donne droit au deuxième.
Pour m’en approcher, je passe par le seizième arrondissement où je me balade un moment y découvrant une piscine Henry de Montherlant. Place Victor-Hugo, je bois un café au Victor Hugo puis déjeune à onze heures moins le quart au Mac Do de l’avenue Victor-Hugo, y côtoyant des élèves de Janson de Sailly et le staff réuni pour une inspection par un supérieur bedonnant qui donne des conseils pour optimiser.
Pas facile de rejoindre la Fondation Louis Vuitton, où Bernard Arnault montre une parte de sa collection, car il faut trouver comment traverser le terriphérique. Après avoir frôlé une prostituée en camionnette et des branlotins jouant au foute enfermés dans de grosses boules en plastique je réussis à passer de l’autre côté et, suivant mon intuition, arrive au pied de l’époustouflant bâtiment à midi. Au bout de la file d’attente, une demoiselle distribue des parasols blancs pour s’abriter du chaud soleil. Je ne juge pas nécessaire de me ridiculiser.
L’attente est courte. Allégé de mon sac à dos je descends au niveau moins un où, dans les galeries un et deux, est montrée une exposition temporaire au titre passe-partout Les Clefs d’une passion (celle de collectionneur) qui donne à voir des chefs-d’œuvre de l’art moderne n’appartenant pas à Bernard Arnault dans de vastes salles blanches bien éclairées et climatisées : la première version du Cri de Munch, le Portrait de la danseuse Anita Berber d’Otto Dix, deux grands Nymphéas de Monet, L'homme qui marche de Giacometti, L’été un si grand Bonnard qu’il ne put entrer dans la demeure de son commanditaire et aussi Bacon, Brancusi, Delaunay, Malevitch, Mondrian, Rothko, une belle série de Picabia ; il n’y a que les Kandinsky qui ne soient pas des meilleurs. Ma découverte, ce sont les autoportraits de la Finlandaise Helene Schjerfbeck. Tout cela est surveillé par des gardiens habillés comme les musiciens de l’Opéra de Rouen : costume noir, chaussures noires, cravate rouge.
Je monte au premier pour redescendre par l’auditorium et atteindre le plan d’eau alimenté par une longue cascade venteuse d’où l’on a belle vue sous les jupes du bâtiment puis, au fil des autres galeries disséminées dans le bâtiment, découvre d’autres œuvres moult intéressantes dont l’immense triptyque de Gilbert & George Class War, Militant, Gateway, ou l’installation collée au plafond Speech bubbles (black) de Philippe Parreno
Arrivé sur les terrasses, j’y admire la charpente mi-bois mi-métal, la Défense d’un côté, la Tour Eiffel de l’autre, et croise une visite guidée. « Frank Gehry n’est pas vraiment un adepte de la ligne droite » croit bon de préciser la guide.
Il me reste à trouver les galeries cinq six et sept au premier étage, si bien cachées que je suis seul dans la sept consacrée aux autoportraits d’Andy Warhol dont il me semble être un intime depuis que je suis dans la lecture de son Journal. Le plus impressionnant est celui, spectral, réalisé en mil neuf cent quatre-vingt-six, un an avant sa mort. Après être passé chez Lavier, je retrouve Andy avec l’un des portraits sur commande peints à partir des photos faites avec son Polaroïd Big Shot et sa série des Dix portraits de juifs du vingtième siècle dont il est beaucoup question dans son Journal. Il est en bonne compagnie : celle de Basquiat dont est montré l’impressionnant Grillo.
Il est quinze heures quand je quitte la Fondation Louis Vuitton avec une dernière pensée pour celle qui s’y est épuisée avant l’ouverture et dont le rythme de travail est heureusement moindre en Chine. La sortie s’effectue par le Jardin d’Acclimatation où s’ébattent de nombreuses classes maternelles. Je regarde quelques bêtes, fais des photos de la Fondation puis rejoins Neuilly à pied d’où je rentre en métro.
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Une plaque à son nom en informe le visiteur. Marc-Antoine Jamet est président-directeur général du Jardin d’Acclimatation. Maire de Val-de-Reuil, il est le chaînon entre la Fabiusie et la Vuittonerie.
 

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