Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Confiné (cinquante-deux)

8 mai 2020


Ce jeudi, à neuf heures, je suis le premier patient (et apparemment le seul en ce début de matinée) de mon médecin traitant et de l’interne qui lui tient compagnie. « Ah, je n’ai pas encore mis mon masque », s’excuse-elle quand j’entre dans la salle d’auscultation. Lui non plus. Ils s’en munissent tandis que je m’assois face au bureau (de mon côté, je m’en passe puisqu’on ne l’exige pas ici).
Je leur montre mon compte-rendu d’échographie et demande combien de temps je peux rester en cet état. Un certain temps, un an peut-être, ou deux ou trois, mais ça finira par s’aggraver et donc l’opération est inéluctable. Le docteur me donne le nom de deux chirurgiens.
Je lui parle alors de mon nouveau souci, une gêne dans l’oreille droite, peut-être un bouchon de cérumen. Il m’examine et récuse cette hypothèse. Cela a plus à voir avec un problème dentaire. Comment savoir lorsque la plupart de mes dents sont dévitalisées ? Il me prescrit un bain de bouche. Si ça persiste, voir le dentiste.
Enfin, je lui demande une ordonnance pour mon contrôle technique annuel par prise de sang que je ne compte pas faire avant la seconde moitié d’août.
Après avoir salué la jeune et sympathique interne et son maître de stage, je règle les vingt-cinq euros sans contact à la secrétaire. « Vous avez du gel hydro alcoolique si vous voulez vous laver les mains avant de sortir », me dit-elle. Je le fais, pour sitôt après toucher deux poignées de portes avant de me retrouver sur le boulevard.
En face, un employé des transports publics nettoie les boutons des portes de la rame de métro du prochain départ. Dès qu’il a terminé, de nouveaux voyageurs y posent leurs mains douteuses.
Je rentre par le réseau des petites rues situées au-dessus du jardin de l’Hôtel de Ville. A un croisement, je vois sortir de chez lui l’un de ma connaissance, pas vu depuis longtemps. Je lui demande comment ça va. Il me raconte ses soucis d’indépendant, deux activités professionnelles arrêtées, l’une qui va reprendre lundi mais pour l’autre, pas tant que les cafés et restaurants ne seront pas rouverts. « Et toi ? » me dit-il. Je lui parle de cette hernie et de l’opération qui m’inquiète.
-Ce n’est rien, me dit-il, ce n’est rien.
Il peut m’en parler, il a été opéré. Oui, on peut bouger dès qu’on est rentré chez soi. Il faut simplement ne rien porter pendant huit jours. Le plus désagréable, c’est le réveil après l’anesthésie.
Bon bon bon, de toute façon, je n’envisage pas l’opération avant cet hiver. Pour le moment, j’ai surtout besoin de me sentir libre de partir ici où là, selon ce qu’il sera possible de faire.
Rentré, j’écoute mon cédé des débuts de Jean Ferrat, d’avant l’époque où il deviendra chanteur du Parti Communiste, quand il se permettait encore des chansons d’amour sans prétention, comme De Nogent jusqu’à la mer Y a de la brume dans tes yeux gris / De Nogent jusqu'à Paris / Lentement va mon chaland / De Paris jusqu'à Rouen / Y a du rêve dans tes yeux verts / De Rouen jusqu'à la mer.
Trois ouvriers sans masques travaillent à moins d’un mètre l’un de l’autre dans le studio en rénovation tandis que je poursuis ma lecture du Journal de Pepys au soleil du jardin. Deux partent à midi et demi et le dernier reste jusqu’à treize heures, tout comme moi.
En ce début d’après-midi, je commence ma grande traversée Ferré, trente-cinq cédés à écouter à peu près dans l’ordre chronologique. Léo Ferré, c’est bien dès le début et ça ne fait que prendre de l’ampleur.
Après ces cinquante jours de confinement, je lui ressemble de plus en plus du point de vue capillaire. Entre deux cédés, j’appelle ma coiffeuse que j’imagine se préparer à la reprise dans son petit salon. Elle n’y est pas mais me rappelle de chez elle en soirée. Rendez-vous est pris. Ce n’est pas pour tout de suite.
                                                                             *
Ce Macron en bras de chemise, hier, pour parler aux professionnel(le)s de la Culture, sa gestuelle surjouée et ses propos un peu perchés, notamment la référence au jambon et au fromage de Robinson Crusoé comme kit de survie.
Quand il retourne dans la cale de son bateau échoué, Robinson n’en revient pas qu’avec de la viande et du fromage. Cela, notre Président s’est bien gardé de le dire, des fois que ça donnerait des idées à certains.
Allons au texte de Daniel Defoe, cité par Simon Leys dans son étude sur Chesterton publiée sur le site de L’Express  le vingt et un avril deux mille douze :
Ainsi, pour Chesterton, l'un des plus grands poèmes jamais écrits se trouve dans Robinson Crusoé: cette liste de toutes les choses que Robinson réussit à sauver du naufrage de son navire: « deux fusils, une hache, trois sabres, une scie, trois fromages de Hollande, cinq pièces de viande de chèvre séchée... »
                                                                               *
Dommage que les bistrots soient fermés, cela aurait été le moment de baptiser le sandouiche jambon fromage : « Garçon, un Macron s’il vous plaît ».
 


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