Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Confiné (quarante-deux)

28 avril 2020


Une vendeuse que je n’avais pas vue depuis au moins quarante-deux jours m’accueille ce lundi matin à la boulangerie de la rue Saint-Nicolas.
-Ah c’est le retour, lui dis-je.
-Non j’ai toujours travaillé, me répond-elle, mais d’habitude je fais l’après-midi, c’est pourquoi on ne se voit plus.
J’aime bien cette fille à cause de sa voix. Comme sa patronne, elle ne porte pas de masque. Pendant combien de temps encore ? Bientôt, il ne sera plus possible de voir un visage en son entier. Ce qui est encore plus dommageable quand il s’agit d’une jeune fille ou d’une jeune femme.
Rentré, je m’arme de courage. Depuis avant le confinement, j’ai une douleur sourde et permanente du côté de l’aine, un problème que devant aller en escapade d’abord à Nice puis à Roscoff, j’avais décidé de traiter par le mépris. Ne pas pouvoir partir n’a pas arrangé les choses. Refusant de fuir la réalité plus longtemps, je compose le numéro de mon médecin traitant. Après m’avoir demandé pourquoi, la secrétaire me donne un rendez-vous pour la fin de l’après-midi.
Trois coups de tonnerre se font entendre avant ma sortie autorisée pour « consultations et soins ne pouvant être assurés à distance et ne pouvant être différés », tandis qu’une averse rappelle que la pluie ça existe. Cela cesse quand, muni de mon parapluie, je prends pédestrement le chemin du terminus du métro.
Arrivé dix minutes en avance, je reste à l’extérieur, observant une rame qui attend des voyageurs. Ils ne sont que quatre ou cinq quand elle part. Une femme sort de sa voiture et se dirige vers le cabinet en rajustant son masque qu’elle ne portait que sur la bouche au mépris des consignes.
Mon heure venue, après avoir poussé la porte de l’immeuble, puis celle du cabinet médical, je ne trouve personne au secrétariat désormais protégé par des plaques de plexiglas. Une affichette indique qu’il ne faut pas stationner dans le couloir. Je prends place dans la salle d’attente loin des deux femmes sans masque qui s’y trouvent déjà. Les deux autres médecins viennent les chercher puis c’est mon tour. Précédant mon médecin masqué, j’ai la surprise de trouver une jeune femme derrière le bureau, dont je ne vois que le haut du visage.
-Je suis interne, me dit-elle.
-Ah, je croyais que vous étiez tous à l’hôpital.
-Non, il n’y a plus d’internes dans les hôpitaux en ce moment, me répond-elle
J’explique à mon médecin et à sa stagiaire ce qui m’amène. Vu l’endroit à examiner, c’est lui qui s’y colle. Me tâtant en divers endroits il me demande de tousser trois fois.
-Il y a une suspicion de hernie interne, me dit-il, mais ce peut aussi être une tendinite.
Au moins ce n’est pas le cancer que je redoutais, me dis-je. Je ne suis pas rassuré pour autant, surtout quand il me dit que le seul remède à la hernie, c’est l’opération. Une de celles qui a lieu le matin et à la suite de laquelle on vous largue dehors dans la soirée.
Avant cette éventualité, il me prescrit une échographie. La difficulté, m’explique-t-il, cela va être d’obtenir un rendez-vous. Il va sûrement falloir attendre.
Je lui demande s’il est habilité à prescrire le médicament qui est nécessaire à mes yeux. Oui, il le peut. Voilà au moins un problème de résolu.
                                                                    *
Je ne sais pas qui a dit « Etre vieux, c’est avoir peur. » mais il a raison.
 


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