Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

D’un livre l’autre, d’un journal à une correspondance

19 mai 2020


Soudain, le trente et un mai mil six cent soixante-neuf, Samuel Pepys décide d’arrêter son Journal commencé le premier janvier mil six cent soixante car sa vision diminue énormément. Ses yeux lui font mal, il craint de devenir aveugle s’il continue à les fatiguer en écrivant. Brutalement, je perds cet ami dont j'aime particulièrement les faiblesses, les lâchetés et les mauvaises pensées. Comme l’écrivit Robert-Louis Stevenson, Il semble que Pepys n’ait eu d’autre désir que de se montrer respectable et qu’il ait tenu un journal pour montrer qu’il ne l’était justement pas.
Ce qui est très dommage, c’est qu’il arrête son activité de diariste peu de temps avant de partir en voyage en Hollande, en Flandre et en France avec son épouse. Ce voyage, dont on ne saura donc rien, sera fatal à Elisabeth, qu’il ne nomme jamais autrement que « ma femme » dans ses écrits. Fille d’Alexandre le Marchant de Saint-Michel, huguenot sans fortune exilé en Angleterre, elle avait quatorze ans quand elle épousa Samuel Pepys, lui-même âgé de vingt-deux ans. Dès leur retour à Londres, elle mourra d’une fièvre maligne alors qu’elle n’avait que vingt-neuf ans. Lui vivra jusqu’au vingt-six mai mil sept cent trois, sans avoir perdu la vue.
A peine refermé ce deuxième tome du Journal de Samuel Pepys (Bouquins/Laffont), j’ouvre le premier tome d’une correspondance en trois volumes intitulée Lettres à sa maitresse (La Part Commune). Il s’agit des lettres que Gustave Flaubert écrivit à Louise Colet. Changements de pays, de siècle, d’univers, et un premier constat : en amour Gustave est un balourd.
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Après cela, je fais un crochet par Paul Verlaine et Arthur Rimbaud chantés par Léo Ferré. D’efficaces musiques mettent en valeur des textes poétiques pour certains fort érotiques :
L'une avait quinze ans, l'autre en avait seize / Toutes deux dormaient dans la même chambre / C'était par un soir très lourd de septembre / Frêles, des yeux bleus, des rougeurs de fraise (Paul Verlaine Pensionnaires)
Un soir, tu me sacras poète / Blond laideron / Descends ici, que je te fouette / En mon giron (Arthur Rimbaud Mes petites amoureuses)
Elles assoient l'enfant devant une croisée / Grande ouverte où l'air bleu baigne un fouillis de fleurs / Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée / Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs (Arthur Rimbaud Les chercheuses de poux)
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Retrouvailles avec Pepys dans l’après-midi, pour le tapotage des notes prises lors de la lecture du premier tome de son Journal :
Vingt-sept août mil six cent soixante-trois : Lever, après avoir échangé avec ma femme maints propos agréables, et quelques-uns qui me fâchent, car je vois qu’elle est persuadée que tout ce que je fais est par calcul, et que le fait de laisser la maison dans un tel état de saleté, et tout ce que je fais d’autre dans la maison, n’ont d’autre but que de lui fournir de quoi s’occuper pour l’empêcher de sortir et de se distraire. Cela, bien que je sois fâché qu’elle s’en soit aperçue, est fort exact pour une large part.
Vingt-quatre septembre mil six cent soixante-trois : L’après-midi, ayant dit à ma femme que je me rendais à Deptford, j’allai en barque au palais de Westminster ; j’y trouvai Mrs Lane, l’emmenai à Lambeth au même endroit que naguère, et là fis ce que je voulais avec elle, sauf le principal, à quoi elle ne voulut pas consentir, Dieu soit loué ! et pourtant, j’en fus si près, j’étais si excité que j’éjaculai. Mais, avec l’aide de Dieu, je ne recommencerai jamais tant que je vivrai.
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Deux mails appréciables reçus ces derniers jours, de lecteurs récents de mes écritures qui me proposent de découvrir les leurs : Michel Courty pour Léautaud.com, où j’apprends que Véronique Valcault était de la Seine-Inférieure, et quelqu’un qui veut rester discret sur son identité, pour parisdiaries1990s.com/version-française. « Il est souvent question du journal de Pepys que je lisais tout au long de la décennie 1990 », m’écrit-il. Deux découvertes qu’il me faudra du temps pour explorer.
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Une nouvelle qui m’attriste ce jour : l’historique bouquinerie Boulinier du vingt boulevard Saint-Michel, aux livres de trottoir à vingt centimes, dirigée par la même famille depuis mil neuf cent trente-huit, fermera définitivement ses portes le trente juin prochain par la faute d’un propriétaire devenu trop gourmand en matière de loyer.
Un lieu dont le sous-sol m’a souvent vu passer et où je ne pourrai pas retourner avant sa fin, vu les circonstances. Restent les succursales, mais ce n’est pas pareil.
 


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