Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En relisant Jours tranquilles à Clichy d’Henry Miller

28 novembre 2019


Cela fait un moment que j’ai relu Jours tranquilles à Clichy, notant sur mon carnet Muji quelques passages remarquables de ce livre de souvenirs écrit par Henry Miller aux Etats-Unis bien après les faits :
A mon avis, ce charme insidieux de Montmartre est largement dû aux trafics sexuels qui s’y étalent au grand jour. La sexualité, surtout lorsqu’elle est commercialisée, n’a rien de romantique ; mais elle crée une atmosphère, puissante et nostalgique, beaucoup plus exaltante et séduisante que les illuminations tapageuses de Broadway.
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D’un côté de la place Clichy se trouve le café Wepler qui fut longtemps mon repaire préféré. Je m’y suis assis, à l’intérieur ou sur la terrasse, par tous les temps. Je le connaissais comme un livre. Les visages des serveurs, des directeurs, des caissières, des putains, des habitués, même ceux des dames des lavabos sont gravés dans ma mémoire comme les illustrations d’un livre que le lirais tous les jours.
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- (…) Figure-toi que j’ai ramené une fille ici – une gosse abandonnée. Elle peut pas avoir plus de quatorze ans. Je viens de la baiser. Tu m’as entendu ? J’espère que je ne l’ai pas foutue en cloque. Elle est vierge.
-Tu veux dire qu’elle l’était ? rétorquai-je.
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… mais il ne s’agissait pas d’optimisme, seulement de la conviction que, même si le monde creusait fébrilement sa propre tombe, nous avions le temps de jouir de la vie, d’être joyeux, insouciants, de travailler ou de ne pas travailler.
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Colette, la pauvre petite sans abri, devint bientôt à la fois Cendrillon, concubine et cuisinière. Il nous fallut tout lui apprendre, y compris l’art de se brosser les dents.
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Le simple fait de regarder Nys manger me ravissait. Elle prenait plaisir à chaque bouchée, qu’elle choisissait avec grand soin. (…) Je regrettais même parfois de ne pas être une femme, comme elle, dont les biens terrestres se réduisaient à un con fabuleux. Quelle merveille que de faire travailler son con et d’utiliser son cerveau pour le plaisir !
                                                                    *
Je dis adieu à Colette comme à une petite orpheline que nous aurions recueillie avant de la rendre – Dieu soit loué ! – à ses chers parents. Je leur demandai s’ils avaient retrouvé sa montre. Non, mais ils comptaient sur nous pour cela. C’était un souvenir, expliquèrent-ils. (…)
-Joey, je crois que tu m’as sauvé la vie. (…) A propos, elle a quinze ans, et ce n’est pas la première fois qu’elle part de chez elle. En tout cas, il m’a assuré que j’en prendrais pour dix ans, si jamais il me traînait devant les tribunaux. Il m’a demandé si je le savais. Je lui ai répondu que oui. Il est resté sur le cul en constatant que je n’essayais même pas de me défendre. Mais ce qui l’a encore plus terrassé, c’est de découvrir que nous étions écrivains. Les Français ont un immense respect pour les écrivains, tu le sais. Un écrivain n’est jamais un criminel ordinaire. (…)
-Et la mère, qu’est-ce qu’elle a dit ?
-La mère ! Est-ce-que tu l’as bien regardée ? Non seulement elle était belle, mais elle était divine. (…) Dommage que je n’aie pas dragué la mère plutôt que la fille. A propos, ça fera une bonne fin pour mon livre, non ?
                                                                   *
Cet épisode était à peine terminé quand les Anglaises entrèrent en scène, puis l’épicière qui mourait d’envie d’apprendre l’anglais, enfin Jeanne, et entre-temps la fille du vestiaire, sans oublier une godiche de l’impasse située juste derrière le Wepler… (…)
Puis arriva la somnambule au revolver, qui nous tint sur des charbons ardents pendant quelques jours.
                                                                   *
C’est incroyable ce qu’on faire en public dans un bar français. (…) Adrienne m’entraîna vers la piste, la braguette grande ouverte, et, se collant contre moi, elle dirigea vers le centre où tout le monde était serré comme des sardines dans leur boîte. Nous pouvions à peine remuer, tant la masse des couples était compacte. Sa main replongea vers ma braguette, en sortit ma queue, qu’elle mit en batterie contre son con. C’était affolant. Pour rendre la chose encore plus affolante, l’une de ses petites amies coincée près de nous me saisit impudemment l’outil. Je ne pus me retenir davantage : je lui giclai dans la main.
                                                                   *
Enfin cet aphorisme qui donne à penser :
Le livre de comptes de l’existence ne connaît pas les avoirs gelés.
 


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