Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Le plagiat par anticipation chez Madame du Deffand

8 novembre 2022


Plusieurs fois, lors de ma lecture des Lettres à Voltaire de Madame du Deffand, je me suis dit : On dirait Cioran. La Marquise était aveugle, pas de quoi voir la vie en rose. Au-delà de ça, sa lucidité était remarquable. Et ses idées sont aussi les miennes :
Toutes les conditions, toutes les espèces me paraissent également malheureuses, depuis l’ange jusqu’à l’huître ; le fâcheux, c’est d’être né, et l’on peut pourtant dire que de ce malheur-là que le remède est pire que le mal. Paris, vingt-huit octobre mil sept cent cinquante-neuf
Rien ne me retient ici, et je n’ai pour y rester d’autres raisons que celle de la chèvre : où elle est attachée, il faut quelle broute. Paris, vingt-trois juillet mil sept cent soixante
La vieillesse serait supportable si l’on avait à qui parler, mais il me semble que tous les hommes aujourd’hui sont des fous ou des bêtes. Je me dis souvent que c’est peut-être moi qui suis l’un et l’autre, que je suis comme ceux qui ont une jaunisse qui leur fait voir tout jaune ; qu’il est impossible que je sois meilleur juge que tous ceux qui ont tant de célébrité : ainsi, après avoir été mécontente de tout le monde, je conclus, je finis par l’être encore plus de moi-même. Paris, quatorze janvier mil sept cent soixante-quatre
Jugez de ce qui me paraît bon aujourd’hui, où tout est cynique ou pédant ; nulle grâce, nulle facilité, point d’imagination, tout à la glace ; de la hardiesse sans force, de la licence sans gaieté ; point de talent, beaucoup de présomption, voilà le tableau du moment présent. Paris, quatorze mars mil sept cent soixante-quatre
Il n’y a aucun état, quel qu’il puisse être, qui me paraisse préférable au néant. Paris, deux mai mil sept cent soixante-quatre
Tous discours sur certaine matière me paraissent inutiles ; le peuple ne les entend point, la jeunesse ne s’en soucie guère, les gens d’esprit n’en ont pas besoin, et peut-on se soucier d’éclairer les sots ? Que chacun pense et vive à sa guise, et laissons chacun voir par ses lunettes. Ne nous flattons jamais d’établir la tolérance ; les persécutés la prêcheront toujours, et s’ils cessaient de l’être, ils ne l’exerceraient pas. Quelque opinion qu’aient les hommes, ils y veulent soumettre tout le monde. Paris, vingt-huit décembre mil sept cent soixante-cinq
Le goût est perdu, parce qu’il n’y a plus de bons critiques ; chacun loue les ouvrages de son voisin, pour obtenir l’approbation des siens. Paris, treize décembre mil sept cent soixante-huit
Vous serez surpris, si je vous avoue que la perte de la vue n’est pas mon plus grand malheur ; celui qui m’accable, c’est l’ennui. Paris, premier mars mil sept cent soixante-neuf
Il y a longtemps que je pense que la seule chose qu’on puisse bien savoir, c’est que nous sommes faits pour ignorer tout. Paris, vingt-quatre mai mil sept cent soixante-dix
Je ne sais pas si vous trouvez que ce soit un bon lot que de parvenir à la vieillesse ; pour moi, je le trouve détestable, et je suis toujours indignée de l’injustice qu’on a eue de nous faire naître sans notre consentement, et de nous faire vieillir malgré nous. Paris, vingt-sept février mil sept cent soixante et onze
J’éprouve ce qu’a dit Saint-Lambert, et qu’il a très bien dit, sur celui qui a le malheur de vieillir :
Il voit autour de lui tout périr, tout changer,
A la race nouvelle il se trouve étranger, etc.
Paris, le vingt-quatre octobre mil sept cent soixante-treize
                                                                        *
Un point Rouen chez Madame du Deffand :
On est accablé de remontrances, d’arrêtés, de lettres, de discours. Hors ceux qui nous viennent de Rouen, tous me semblent détestables, surtout ceux de notre bonne ville, qui sont pleins de belles phrases, et qu’on dirait être faits pour concourir aux prix de l’Académie. Paris, vingt-sept février mil sept cent soixante et onze
 


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