Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

2 décembre 2014


Horaire inhabituel, dix-huit heures, et musique inhabituelle, jazz cubain, à l’Opéra de Rouen ce dimanche, Frédéric Roels, maître des lieux, a confié les clés à Michel Jules, tête de Rouen Jazz Action. Celui-ci est applaudi par son fane-cleube avant même d’avoir dit un mot au micro. Il se lance dans une longue série de remerciements, se félicite de ce premier concert ici, un autre suivra, et présente rapidement Omara Portuondo et Roberto Fonseca, la première bien connue depuis le film de Wim Wenders Buena Vista Social Club et son duo Silencio avec Ibrahim Ferrer, le second pour avoir été le pianiste du même.
La salle est comble et si une partie du public est également inhabituelle, cela ne modifie pas la moyenne d’âge, bien élevée. J’ai place au premier balcon d’où je vois les choses de haut. Outre Roberto Fonseca sont sur scène un batteur, un percussionniste et un contrebassiste.
Après un morceau instrumental, le pianiste va chercher la chanteuse. Elle arrive à petits pas, accrochée à son bras, quatre-vingt-quatre ans, vêtue d’une robe rouge en lamé, un turban sur la tête, très diva, et va s’asseoir pour sa première chanson. Elle se lève ensuite et esquisse quelques mouvements dans la deuxième, va jusqu’au piano pour les suivantes. Sa voix est intacte et capable de faire passer bien des émotions.
Roberto Fonseca la reconduit en coulisses. Les quatre musiciens laissent parler leurs instruments dont ils savent faire merveille mais, comme toujours dans le jazz, ce côté « tu as vu ce que je sais faire » m’irrite un peu.
Omara Portuondo revient pour la fin et a droit à une première ovation debout (ce qui pour une fois est justifié), donne quelques standards, Guantanamera, Besame Mucho, fait monter sur scène un spectateur du premier rang pour un pas de danse, est de nouveau applaudie debout avant de se diriger comme à regret vers la coulisse. Chacun de ses concerts peut être le dernier.
Tout le monde est très content d’avoir assisté à l’un des quatre donnés en France (deux autres furent pour Paris et le premier à Courbevoie). Je redescends derrière deux femmes lentes, qui ont pour excuse d’être elles aussi nées dans les années trente, songeant à celle qui, alors toute jeune, m’avait fait découvrir le film de Wenders lors de sa sortie et dont je n’ai pas de lettre depuis trois mois.
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Public élargi donc pour ce concert de l’Opéra de Rouen, ce qui demande davantage d’interventions des placeuses et placeurs avant l’ouverture des portes, afin notamment d’empêcher certain(e)s de prendre l’escalier :
-Les étages ne sont pas encore ouverts.
-Ah bon, c’est en construction ? demande une novice, croyant être drôle.
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Envie réelle d’ouvrir l’Opéra de Rouen à une musique dite populaire ou manque de moyens pour présenter suffisamment de musique dite classique, je ne sais.
 

1er décembre 2014


Retour à l’Opéra de Rouen ce vendredi soir, un lieu que je ne peux fréquenter sans penser à celle qui y était souvent avec moi, d’autant plus quand y revient celui qu’elle appelait le leprechaun, Antony Hermus, chef d’orchestre.
Celui-ci semble ignorer l’entrée des artistes. Sortant de l’ascenseur, casquette et sac à dos, il se dirige franco sur la salle mais comme il ouvre la porte d’une loge ne peut aller loin. Il ressort, trouve la bonne porte, se fait arrêter par une ouvreuse qui lui demande si elle peut le renseigner.
-Renseigner ? répète-t-il avec un regard d’incompréhension totale.
Elle passe à l’anglais.
-I am the conductor, lui apprend-il.
-Oh, pardon.
Une demi-heure plus tard, il réapparaît sur scène dans sa tenue de fonction, survolté, content d’en découdre avec Wolfgang Amadeus Mozart dont il mène à la baguette l’Ouverture de la Clémence de Titus.
Vient le moment de la création mondiale du Concerto pour violoncelle écrit pour la virtuose Emmanuelle Bertrand par le renommé Thierry Escaich suite à leur rencontre ici-même lors d’un précédent concert. Ce concerto obtient un beau succès. Thierry Escaich monte sur scène recevoir sa part d’applaudissements puis en bis est redonnée la fin.
Après l’entracte, Antony Hermus revient sans partition pour diriger la Symphonie numéro trois en la mineur, dite Ecossaise de Felix Mendelssohn, une œuvre qu’il possède à fond et qui semble le posséder, que je découvre et qui me plaît fort. Le triomphe est au bout des quatre mouvements. Le Maestro fait de nombreux allers et retours entre la coulisse et la scène, le ventre en avant, plus leprechaun que jamais.
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Pour rentrer je dois contourner le marché de Noël encore illuminé sur lequel veillent les vigiles. Nous sommes en novembre mais c’est déjà décembre bien qu’il fasse doux comme en septembre. « Si ça continue, on n’aura pas d’hiver », entends-je au moins une fois par jour.
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Parmi les décorations de Noël rouennaises, le pseudo sapin posé devant la gothique église Saint-Maclou. Constitué d’une haute pyramide métallique maintenue au sol par des blocs de béton et entourée par des barrières de chantier, il est du plus bel effet.
 

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