Coup de blues


            Voilà Mélo qui pleure au téléphone :
            -Ma vie est vide. Tu es loin. Je ne te vois au mieux qu’une fois par semaine. Et tous mes copains et copines me laissent tomber. Personne ne pense à moi. Je ne sais pas à quoi je sers.
            -Tu sais, c’est comme ça pour tout le monde, lui dis-je. On a des amis au lycée et à l’université et puis après chacun trouve un emploi ici ou là, se marie, divorce, déménage et redéménage et chacun se retrouve seul et attend que son téléphone sonne. C’est la société qui est faite comme ça. Ni toi ni moi ne pouvons y échapper.
            -Oui mais il y a encore Jeanne qui m’appelle lorsqu’elle vient à Clermont et que j’y suis chez mes parents.
            -Evidemment. Elle t’appelle parce qu’elle n’y connaît plus personne à part toi. Elle t’appelle par nécessité mais en fait elle se fiche pas mal de toi.
            -Tu es sûr ? Pourtant je sais qu’il y a des gens qui ont plein d’amis, qui sont toujours invités dans des fêtes.
            -Bien sûr. Ce sont des mecs qui ont de l’argent, des connaissances et du pouvoir et que l’on fréquente parce qu’un jour ou l’autre ils pourront servir. Ou alors si ce sont des filles, c’est parce qu’elles font bien dans le décor et qu’on espère les baiser.
            -Tu crois ?
            -Oui, je t’assure. C’est fini les vraies relations entre les gens. Chacun est dans sa bulle et se fout pas mal des autres sauf quand ils peuvent lui être utiles.
            -Toi, on peut dire que tu es doué pour remonter le moral, me dit Mélo en riant avant de raccrocher.
                                                                          Michel Perdrial
(Une première version de ce texte a paru dans la revue Diérèse n°17 au printemps 2002.)