Des bananes, des figues (et plus si affinité)

Texte paru au Québec dans la revue Les Saisons Littéraires n°17, automne/hiver 1999/2000 et en Belgique dans la revue Traversées n°41 à l’hiver 2005/2006


« Mieux vaut écrire qu’oser vivre, bien que vivre ne soit rien d’autre qu’acheter des bananes au soleil, tant que dure le soleil et qu’il y a des bananes à vendre. » C’est Fernando Pessoa qui le prétend. Ou plutôt son hétéronyme Bernardo Soares dans Le Livre de l’intranquillité. Une phrase à laquelle je pense lorsque j’aligne des mots sur le papier et à laquelle je songe parfois lorsque je ne dors pas.
Etrange d’avoir pris l’exemple des bananes. Le moindre freudien doit s’y faire les dents, sur ces bananes. Pessoa aimait-il seulement les bananes ? Et pourquoi en acheter ? Pourquoi ne pas simplement les cueillir ? Comme ça, au soleil. S’il y a des bananiers au Portugal. Ce qui est assez vraisemblable.
Quant à moi, je préfère les figues. Et je n’en achète pas. Je les cueille. Au soleil. Et même à l’ombre.
-Tu dors ? me demande Mélo.
-Non, je rêvais et toi ?
-Moi, j’ai envie d’un gros câlin. Et plus si affinité.
Je prends la main de Mélo et la glisse entre mes cuisses.
-Tiens, tu la sens mon affinité ?
-Une vraie banane, me dit Mélo.
La suite serait fort excitante à raconter. Seulement, pour cela, il faudrait trouver les mots et donc, réfléchir, bâtir, biffer et raturer. User le temps surtout. Et pour quel résultat ?
Mieux vaut vivre qu’oser écrire.
(Peut-être.)