de l’innocence à l’expérience: troisième jour
Nell Leyshon ayant repris des forces, c’est donc elle qui va ouvrir la journée. Sa conférence est plutôt une performance: elle dit son texte dans une semi-obscurité, évoquant la petite fille de Glastonbury qu’elle fut, celle qui grandit entre le Roi Arthur et Joseph d’Arimathie. La manière dont cette enfant fut perdue puis retrouvée par celle qu’elle est devenue fut magistralement narrée par cette autrice qui ne manque pas de prix littéraires (un seul texte traduit en français mais aussitôt primé ici aussi).

Pour nous remettre de nos émotions le bâtiment historique qui nous accueille pour l’ensemble de nos travaux révèle une nouvelle surprise: un bar creusé dans la falaise attenant à une nouvelle série de terrasses arborées, en aplomb de la rivière. Pendant ce temps, dans le ciel d’Albarracín des oiseaux qui ressemblent à de petites corneilles laissent éclater leur plaisir d’être en vie en jouant contre le vent.

Retour à la salle de conférence, cette fois c’est Lucas Ramada, chercheur à l’université de Barcelone qui nous entretient des fictions numériques pour les enfants, exemples à l’appui. La narration passe souvent par le jeu et ce qui en découle est qu’il faut avoir la même exigence lorsqu’on achète un jeu vidéo que celle que l’on peut avoir quand il s’agit d’acheter de la littérature, car il y a au moins la même diversité et le même écart qualitatif. Mais les propositions réellement intéressantes dans le domaine numérique ayant simplement plus de mal à se faire connaître face à certaines productions qui ne font que stimuler l’habileté digitale (au sens premier du terme).

Alors que quatorze heures sonnent, arrive le moment du passage à table, pendant lequel la sagesse recommande de ne plus s’étonner de rien. Après la traditionnelle salade composée collective qui ouvre tous les repas, nous avons été servi d’une délicieuse assiette de spaghettis au champignons. Sitôt ce plat débarrassé le voilà remplacé par une nouvelle assiette, pleine d’un gros morceau de poisson blanc seulement accompagné d’une cuiller de coulis de tomate car les pâtes n’étaient en réalité qu’une entrée. Bref, après le dessert la plupart des convives verse le plus naturellement du monde sa tasse de café dans un grand verre plein d’énormes glaçons avant de le boire…

À seize heures trente et jusqu’à vingt heures commencent alors les ateliers, par petits groupes tournants, ce qui fait que chacun des quatre intervenants répètera ce moment quatre fois entre ce jour et le lendemain.
J’ai intitulé le mien ¿Quién está al otro lado de la página? Encore assisté de la précieuse Raquel pour la traduction, je vais esquisser un panorama historique de l’édition française pour la jeunesse dans la première moitié du XXe siècle pour ensuite m’attarder sur des albums décisifs des années 1968 et suivantes. Le fil rouge restant les contradictions entre les acteurs rattachés à l’innocence (illustrateurs, auteurs) et ceux qui se placent du côté de l’expérience (éditeurs).
M’appuyant sur la valise de livres que j’ai transportée avec moi ainsi que sur certains titres de la collection de Raquel, je détaille les différentes approches formelles, lis quelques extraits, compare les versions d’un même album et saupoudre l’ensemble d’anecdotes.

Après un passage dans un autre restaurant «Non mais celui-là est vraiment bon, tu verras.» où je mesure 78 décibels à table, une nouvelle projection est organisée Plaza Mayor: une sélection de dessins de William Steig relatifs à l’enfance, des photographies, des autoportraits d’enfants. Tout ça fait que je ne me couche guère tôt mais avec la petite sieste d’après déjeuner ça va très bien. On dirait que je commence à me faire à cette vie, qu’elle me plait, même.

PS: Les photographies sont toujours du grand Rubén Vicente.

FLAI 2018
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