réflexion

Le Syndicat de la Librairie Française (qui représente les librairie indépendantes) se lance ces jours-ci dans ce que toute institution moderne se sent obligée de faire: une campagne de communication.
Passons sur le pourquoi de cette décision et penchons-nous plutôt sur le comment en découvrant dans Livres Hebdo l’affiche que recevront les libraires affiliés le 26 novembre — à un mois de Noël, probablement la période de l’année ou les libraires sont le plus occupés et ou les librairies sont visuellement le plus saturées, mais passons aussi là-dessus…
sortez d’ici

Étrangement la librairie est représentée par une étagère comme celles que l’on voit en bibliothèque, présentant les livres par leur dos.
Je ne dis pas qu’il n’y a pas ce genre de meuble en librairie, mais le support qui est vraiment travaillé par les libraires c’est plutôt la table, plus visible, plus représentative du lieu.
On pourrait utiliser la même image pour parler des bibliothèques, ça marcherait aussi bien mieux.
Mais la véritable question est: est-ce qu’une librairie est avant tout un lieu ou l’on stocke des livres, que ce soit sur une table ou une étagère?

Je ne répondrai pas ici mais je profite d’avoir capté votre attention pour l’attirer vers un détail qui a son importance: la seule couverture vraiment identifiable est le prix Goncourt 2014.
Ce choix pose à lui seul deux problèmes: d’abord le caractère éphémère de l’intérêt public pour ce type d’honneur (déjà souligné par d’autres) qui met à mal la longévité même de cette campagne mais ensuite plus gravement le rôle même du libraire indépendant.
Ces gens (et j’en connais) on plus d’ambition que de vendre un Goncourt déjà très bien représenté dans toutes les grandes surfaces culturelles.

Tournons-nous maintenant, si vous le voulez bien, vers la gauche de l’affiche où ce sont les clients qui sont représentés, ou plutôt une certaine idée que les libraires du SLF doivent se faire de leur clientèle et, à travers eux de la littérature, et par extension de leur métier.
Les clients, les lecteurs donc, envisageraient le livre comme un moyen de transport exotique et confortable, la lecture comme un abandon lénifiant, pour reprendre la formule de Cécile Boulaire ?
Réduire la littérature à ce seul aspect est déjà bien triste mais c’est surtout nier la richesse du livre et de la librairie dont le champ s’étend bien au-delà (cuisine, histoire, essais, jardinage, je ne vais pas vous faire la visite guidée).
Le livre renferme toute la pensée du monde, la librairie est le lieu où l’on croise Anouck Ricard et le Dalloz, Emmanuel de Waresquiel et Edward Gorey, Étienne Robial et Molière.

Descendons un peu dans la partie basse de cette affiche et découvrons… un nouveau logo!
Oui, encore un, mais les institutions en raffolent à en juger par l’amoncellement qui se produit à la fin de l’article dédié à cette campagne sur le site du SLF.
Je connaissais (et vous aussi) la pollution visuelle que ces petites cochonneries égocentriques imposent au bas des affiches ou au dos de dépliants destinés à la corbeille, mais en fin de billet sur un blog, voilà du neuf.
Probablement trop fonctionnel de faire une simple liste des partenaires avec des liens.

Mais revenons à notre campagne qui parvient donc à associer concept faible et réalisation confuse: il y a parfois des campagnes de communication si contre-productives que l’on aurait souhaité pour leur objet (ici la librairie, objet auquel je suis moi-même très attaché comme certains d’entre vous le savent) qu’elles n’aient pas eu lieu. Il y a aurait eu tellement de choses efficaces qui auraient pu être réalisées pour 200 000 €.


PS: Je n’ai pas traité du texte lui-même, ces deux mots qui voudraient provoquer un oxymore, le titre de mon billet s’en charge.