A Paris après qu’il a plu et avant qu’il ait plu (et à propos d’un texte qui n’a pas plu)

29 décembre 2022


Il ne pleut plus quand j’arrive à Paris ce mercredi. Comme c’est la semaine d’entre fêtes et qu’il est tôt, le bus Vingt-Neuf file dans des rues dégagées. Nous ne sommes que trois à l’intérieur.
Au Marché d’Aligre, si la moitié des vendeurs sont absents, les deux marchands de livres sont là. Cependant je n’y vois rien pour moi.
Le Café du Faubourg faisant relâche, je trouve refuge au Caveau pour un café comptoir à un euro trente. J’y lis la double page que consacre Le Parisien au cinglé qui a tué trois Kurdes rue d’Enghien. On y voit des photos de lui à toutes les époques de sa vie, celle-ci étant racontée en détail par son père, un nonagénaire cultivé et consterné.
Cette fois, je repars du Book-Off de Ledru-Rollin sans livre dans mon sac à dos. Il en est de même quand je ressors du Boulinier de Joachim-du-Bellay pour aller déjeuner Chez Vigouroux. Une soupe de légumes, une palette de porc aux lentilles et me voici reparti.
La pêche est heureusement fructueuse dans le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin. Dans mon panier s’entassent des livres à un euro Voyages et autres voyages d’Antonio Tabucchi (Arcades/Gallimard), Maua conte lesbien inédit de Marcel Schwob (La Table Ronde), Un coco de génie de Louis Dumur (Tristram) et Le Pleure-Misère de Flann O’Brien (Petite bibliothèque Ombres) auxquels j’ajoute, vendu huit euros, Journal secret, 1886-1889 du Marquis de Breteuil (Le Temps Retrouvé, Mercure de France). A cette heure, il y a foule dans les rues, notamment des familles qui errent de façon incertaine.
J’en trouve également à l’intérieur du Book-Off de Quatre Septembre, encombrant les allées. Il y a là des personnes qui n’ont vraiment rien à faire dans une librairie. Cela s’aggrave quand il se remet à pleuvoir. Malgré cette difficulté, je trouve à un euro Pierre Dac mon maître soixante-trois de Jacques Pessis, La vie de Misia Sert d’Arthur Gold et Robert Fizdale (Folio Gallimard) et Palimpseste, les mémoires de Gore Vidal (Points Seuil).
Il me reste, avant de quitter la capitale et qu’augmentent les prix au premier janvier, à recharger à fond (vingt voyages) ma carte Navigo.
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Fini le temps où j’achetais à Paris des livres un euro chez Book-Off dans le but de les revendre deux euros à Rouen au bouquiniste du Rêve de l’Escalier.
Celui-ci m’a envoyé un message car mon texte de mardi ne lui a pas plu. Notamment parce que j’y fais l’éloge de ses prédécesseurs et que, je l’ignorais, ce sont eux les propriétaires des murs qui, en vendant, l’obligent à partir. Il me reproche aussi de ne pas être triste. Quant aux livres qu’il ne m’achetait plus, ce n’était pas lié à la fermeture à venir « mais juste à un choix subjectif conditionné à ce que je désire mettre en avant à la librairie ».
« Aucun grief de ma part juste le constat que ma librairie ne fut, pour vous, que le lieu d'un échange commerciale succinct presque quotidien. » C’est exact, mais pour s’attarder à discuter, il aurait fallu avoir des intérêts communs. Contrairement à lui, je ne m’intéresse ni au cinéma ni aux séries, mais à la littérature.
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Pourquoi Un coco de génie de Louis Dumur ? Parce que je côtoie ce personnage tous les soirs dans le deuxième volume du Journal littéraire de Paul Léautaud. C’était son collègue de bureau au Mercure de France et il détestait ses livres anti allemands. Celui-ci est différent. Il date de mil neuf cent trente-neuf et est présenté en quatrième de couverture comme un plagiat par anticipation de Borges.
Pourquoi Le Pleure-Misère de Flann O’Brien ? Parce qu’en quatrième de couverture figure une citation de Dylan Thomas : Voilà le genre de livre à offrir à celle de vos sœurs qui est du type grosse cochonne alcoolo. Je n’ai qu’une sœur. J’espère ne pas recevoir d’elle un message.