Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

26 juillet 2024


Les yeux me grattent, les yeux me démangent, depuis, me semble-t-il, mon rendez-vous à l’usine ophtalmologique. Dans un premier temps, considérant ce qui m’attend en novembre et l’angoisse que cela crée chez moi, je me dis que c’est psychologique.
Comme cela dure, que je passe mon temps, surtout la nuit, à me frotter les yeux, je me décide ce jeudi à neuf heures à appeler mon médecin traitant. La secrétaire me propose un rendez-vous à dix heures. Je ne m’attendais pas à une telle célérité.
Je monte la côte du Conservatoire et arrive au Boulingrin tout suant, avec un quart d’heure d’avance.
Le médecin vient me chercher à l’heure pile. Je lui explique mon problème. Effectivement, cela peut être psychologique, mais pas forcément, me dit-il. Il m’examine, trouve une légère conjonctivite et me prescrit un collyre pour la traiter. Il en profite pour renouveler mes traitements en cours et me faire une ordonnance pour la prise de sang annuelle en décembre. Nous nous souhaitons un bon été et je redescends comme je suis venu, pédestrement.
                                                                            *
Lecture de train du mercredi : Confidences d’une jeune fille de Pauline de Pange. Je ne connaissais pas celle qui s’avère être la sœur de Louis de Broglie, le prix Nobel de physique, et l’arrière-arrière-petite-fille de Madame de Staël. C'est une aristocrate au parcours très personnel.
En mil neuf cent vingt-trois, elle publie son premier roman, Le Beau Jardin, et devient chroniqueuse pour des journaux dont Le Figaro puis traductrice des poèmes de Vita Sackville-West qui était son amie et des Origines de la famille et du clan de James Frazer. En mil neuf cent trente-six, elle publie une thèse sur Madame de Staël. Durant la Deuxième Guerre Mondiale, avec son mari, elle entre dans la Résistance tout en devenant membre du Prix Fémina puis sa Présidente. Après la guerre, elle milite pour l’unité européenne et meurt à l’âge de quatre-vingt-quatre ans en mil neuf cent soixante-douze.
J’ai douze ans, quinze ans, dix-huit ans même dans les dernières pages. Je sens pousser mes ailes et je regarde par-dessus le mur. écrit Pauline de Pange dans la préface aux Confidences d’une jeune fille rédigées à Broglie, en ce maussade été de 1965.
Extrait :
Comme je crois l’avoir déjà dit, ma mère blâmait sévèrement le « salon mêlé » de sa cousine Elizabeth, la comtesse Greffulhe, qui recevait dans son intimité des gens aussi suspects que Pochet de Tinan soupçonné de dreyfusisme, ou bien Robert de Montesquiou, la comtesse Mathieu de Noailles, Arthur Meyer, le directeur du Gaulois, ou bien encore de jeunes inconnus tels que Maurice Barrès ou Marcel Proust.
 

25 juillet 2024


Le ciel est gris tandis que le sept heures vingt-trois va son train jusqu’à Paris ce mercredi.
Un peu de ciel bleu m’accueille à la sortie du métro Ledru-Rollin mais aussi des barrières neuves des deux côtés de la rue du Faubourg-Saint-Antoine. La zone occupée, dite zone grise, terrain de jeu de Thomas Jolly, autrefois dans le domaine culturel, aujourd’hui dans le divertissement, ne s’étend pourtant pas jusqu’ici.
Pas de terrasse au Camélia, je le crois fermé, mais non. J’en suis le seul client. La patronne me dit que la Mairie interdit la terrasse jusqu’à samedi. Elle ne sait pas pourquoi. Le Parisien, que je lis au comptoir, annonce aux dizaines de milliers qui seront sur le quai haut pour la parade à Jolly vendredi soir, qu’ils ne verront rien ou pas grand-chose.
Désagréable surprise à l’arrivée place d’Aligre, le Marché n’y est pas. Un commerçant des Halles m’apprend que c’est à cause des barnums, pour des raisons de sécurité. La cause en est la course olympique de bicyclette rue du Faubourg-Saint-Antoine, laquelle rue est pourtant loin. Les barrières et l’interdiction des terrasses sont également dues à cette course. La compétition c’est samedi et l’entraînement aujourd’hui.
Je passe voir si Le Rallye est ouvert. Il l’est et a même sorti un bout de terrasse. La patronne me dit que la rue sera bloquée à quatorze heures « pour la course préparatoire ». Comme on peut encore traverser, je rejoins Re-Read. Une nouvelle fois, j’en ressors sans achat.
Chez Book-Off, on entend Bertrand Belin, ce sous Bashung (comme Capdevielle fut un sous Higelin). Je ne fais miens que deux livres à un euro : Cochon d’Allemand de Knud Romer (Les Allusifs) et Blesse, ronce noire de Claude Louis-Combet (Corti).
Au Rallye, j’opte pour le filet de harengs pommes à l’huile suivi des saucisses de Toulouse et Francfort accompagnées de purée. Avec le café, j’en ai pour quatorze euros quatre-vingt-dix.
Je sors du métro à Hôtel de Ville, frôlant la zone occupée, sévèrement gardée par les uniformes. Dès mon arrivée au sous-sol du deuxième Book-Off, je tombe sur quatre des cinq volumes du Journal de Pierre Loti publié aux Indes Savantes, à huit euros pièce, très gros, très lourds, heureusement très dénués d’intérêt à mes yeux, mais je ne laisse pas passer, à sept euros, le volumineux Correspondance des routes croisées de Nicolas Bouvier et Thierry Vernet (Zoé). Je complète avec de jolies trouvailles à un euro : Voyages à Rome de Goethe (Maisonnneuve et Larose), Pour un herbier de Colette (Fayard), Les maquereaux des cimes blanches précédé de La haine du passé de Maurice Chappaz (Zoé), Perles de vie de René de Obaldia (Grasset), Mon amitié avec Marcel Proust (souvenirs et lettres inédites) de Fernand Gregh (Grasset), Vagabondages littéraires dans Paris de Jean-Paul Caracalla (La Petite Vermillon), Aux Deux Magots (de la bonneterie à la limonade) du même (La Petite Vermillon) et Le noble art de la brouille de Matthias Debureaux (Allary Editions).
Un café au comptoir du Bistrot d’Edmond où il n’y a quasiment personne, trois derniers livres à un euro au troisième Book-Off : Les Chats de Paris de Joseph Delteil (Le Rocher), Journal de ce qui s’est passé à la tour du Temple pendant la captivité de Louis XVI, roi de France de Cléry, son valet de chambre (Mercure de France) et Prostitution troublante énigme de Louis Roubaud (L’Eveilleur) puis me voilà rentré
                                                                        *
Comme pendant l’Occupation, la zone occupée l’est complètement et la zone libre ne l’est que partiellement.
 

23 juillet 2024


Ce dimanche soir alors que je suce un bonbon à la menthe j’ai soudain la sensation qu’il n’est pas seul dans ma bouche.
La prothèse d’une de mes incisives supérieures se balade avec lui. Je la récupère avant de l’avaler. Elle semble plus petite que le cratère qu’elle laisser dans ma dentition. Il ne s’agirait pas de la perdre. Je la mets dans une enveloppe et me couche avec une drôle d’impression buccale.
Ce lundi, un peu après neuf heures, j’arrive au cabinet dentaire où exerce mon dentiste. Une secrétaire que je ne connais pas m’informe qu’il est en vacances, mais me dit-elle, sa consœur pourra s’occuper de moi à dix heures quarante-cinq. Je n’en espérais pas tant. Elle fait une recherche dans mon historique pour savoir de quand date cette prothèse et ne trouve rien. Ce qui signifie qu’elle est d’avant deux mille deux. Elle a du être posée par ma dentiste de Val-de-Reuil au cabinet mutualiste que je fréquentais lorsque j’habitais là-bas.
Revenu pour l’heure indiquée, j’ai peu à attendre avant que la dentiste vienne me chercher, grande mince blonde à lunettes, et me conduise dans son tout petit cabinet. L’intervention dure un quart d’heure pendant lequel elle me détaille chacun de ses gestes « Je nettoie » « Je désinfecte » « Je rince » « Je sèche ».
A l’issue, j’ai de nouveau une figure humaine. « Cela restera fragile », me prévient-elle. « Pas question de croquer brutalement dans un sandwich », ajoute-t-elle en joignant le geste à la parole. Je la remercie chaleureusement.
Je paie cinquante euros à la secrétaire qui me seront remboursés en partie par ma mutuelle lorsque je lui aurai envoyé la facture qu’elle m’imprime. Je profite de l’occasion pour lui dire que mon dentiste en titre voulait me revoir cet été. « Il est trop tard pour prendre un rendez-vous, me dit-elle, c’est complet jusqu’à fin août. » Etant indisponible en septembre octobre novembre, mon rendez-vous d’été aura lieu en décembre.
                                                                     *
C’est également un bonbon qui m’a conduit pour la première fois dans ce cabinet dentaire où s’était occupé de moi le dentiste parti à la retraite dont le nom figure encore à l’entrée. Un méchant caramel mangé dans l’école maternelle du Chapitre à Bihorel m’avait cassé une dent. C’est la femme de service de ma classe qui m’avait donné son nom et son adresse. En deux mille deux donc.
                                                                     *
« Vous semblez intéressé par les Jeux Olympiques », me répète chaque jour le site du Parisien. On veut que je m’inscrive à une lettre de niouzes. Le Parisien devrait se doter d’un traceur plus performant. Je ne lis que ses articles sur les dommages créés par ces foutus Jeux.
 

22 juillet 2024


Ce dimanche en début d’après-midi, n’écoutant que mon courage, je traverse la Seine et descends sur le quai bas de la rive gauche que je n’ai pas foulé depuis très longtemps. Mon objectif est le Hangar Cent Sept où se termine l’exposition Resonance Paintings-Nympheas du plasticien Oliver Beer, trente-huit ans, originaire du Kent, batteur dans un groupe de rock, « une exposition vibratoire en écho au chef-d’œuvre de Claude Monet ».
Je passe devant des jeunes gens que je soupçonne d’être des vendeurs de cigarettes de contrebande ou d’autres marchandises prohibées puis arrive à Rouen-sur-Mer, cette fausse plage d’où émane toujours une atmosphère de morosité.
Avant le Hangar Cent Six, salle de musiques zactuelles, est maintenant un double bâtiment de verre, le Hangar Cent Cinq Bis dans lequel s’épanouit la Cité Immersive des Vikings financée par le fonds d’investissement catholique de l’homme d’affaires traditionnaliste Pierre-Edouard Stérin, un proche de la famille de Villiers et du Puy-du-Fou, et le Hangar Cent Cinq où on trouve des restaurants et, plus surprenant, la librairie café théâtre Les Mots Ephémères.
Après le Hangar Cent Six, en toute logique, c’est le Hangar Cent Sept, autre bâtiment récent où on trouve des restaurants et la galerie d’art où j’entre.
Je l’imaginais plus vaste. Au mur de ses deux salles sont accrochées les œuvres d’Oliver Beer. Le plasticien a « peint » une série de tableaux avec des pigments bleu profond saupoudrés sur une toile vibrant au fil d’un son enregistré par lui-même, le bruissement de l’eau du jardin de Claude Monet à Giverny. Les ondulations sonores des bassins sont fixées sur la toile à l’aide d’une technique qui lui est propre et reste mystérieuse.
C’est ce qu’explique la médiatrice à une femme arrivée avant moi, ce qui me permet d’y échapper. C’est peu de choses, me dis-je en ressortant. Comme souvent dans l’art contemporain, la démarche est plus intéressante que le résultat.
En repassant devant le Hangar Cent Cinq, je vois écrit « Ouvert » sur la porte de la librairie. Je la pousse. Elle me résiste. « Non monsieur, ça n’ouvre qu’à quatorze heures trente », me dit la jeune femme assise non loin, la libraire à n’en pas douter. Il est quatorze heures vingt. Je pourrais attendre mais ce « Non monsieur » m’a refroidi. Direction la maison où j’arrive les pieds cuits.
                                                                   *
Tôt ce dimanche, je me rends au vide grenier rouennais Pucelle Vicomté. Au premier stand, quelques livres attirent mon regard. Je demande au vendeur combien l’un. « Cinquante centimes », me répond-il. « Il vaut mieux qu’ils soient chez quelqu’un d’autre que dans ma cave », ajoute-t-il en guise de justification.
C’est ainsi que pour un euro cinquante deviennent miens Des souvenirs de Joseph Conrad, Notes sur le cinématographe de Robert Bresson et Poèmes de John Donne en édition bilingue, tous trois chez Gallimard.
 

20 juillet 2024


Un petit vélo rouge dans la ruelle, devant la porte du porche, posé sur sa béquille, sans antivol, bizarre, me dis-je ce jeudi midi quand je sors pour rejoindre le Son du Cor où j’avance sans enthousiasme excessif dans ma lecture de la Correspondance de Gustave Courbet.
Ce petit vélo rouge est encore là quand je rentre vers treize heures quarante-cinq puis quand je ressors quinze minutes plus tard pour aller prendre un second café au Sacre. Vraiment bizarre.
Je rentre vers quinze heures trente, chassé de la terrasse du Sacre par l’installation de nouveaux parasols publicitaires. Le petit vélo rouge est toujours là. Je décide d’agir.
Je le rentre chez moi, un bel engin pliable, l’air neuf. Je compose le Dix-Sept. Une aimable Policière me dit que ce vélo n’étant pas déclaré volé, la Police Nationale ne peut s’en occuper. C’est un objet trouvé, il faut appeler la Police Municipale. Elle me donne le numéro.
Une aimable Policière Municipale me demande si je reste chez moi. Sur ma réponse positive, elle me dit qu’elle envoie un équipage pour venir chercher ce petit vélo rouge. « On vous recontacte. » Personne ne me rappelle. Le petit vélo rouge passe la nuit sur sa béquille dans mon salon.
Ce vendredi vers sept heures, je consulte le groupe Rouen Vélo Volé du réseau social Effe Bé pour voir si personne n’a signalé volé ce petit vélo rouge. Rien. Je juge bon de signaler le vélo trouvé sur cette page mais un quart d’heure plus tard mon annonce est supprimée par le gestionnaire, Guidoline « atelier de bicyclette ». Peut-être parce que c’est un vélo trouvé ou alors parce que c’est moi qui ai mis cette annonce. Chez Guidoline, on ne m’a jamais apprécié, je ne sais pas pourquoi.
Vers dix heures, je rappelle la Police Municipale. La Policière qui me répond est au courant de l’affaire. Elle ne comprend pas pourquoi personne n’est venu hier. Elle m’annonce qu’un équipage passera dans le quart d’heure.
Effectivement, un duo femme homme sonne à ma porte. « Ça vaut cher un vélo comme ça, me dit le Policier, il est neuf en plus. » La Policière n’est pas certaine qu’il ait été volé. « Quand même, lui dis-je,, on ne laisse pas son vélo comme ça pendant des heures dans la rue sans antivol. » « Plus rien ne nous étonne », me répond-elle.
                                                                   *
Je ne donne pas la marque de cette bicyclette. Il ne faudrait pas qu’un malhonnête me lisant aille la récupérer en la disant sienne. Peut-être aurais-je dû me faire enregistrer comme découvreur. Au bout d’un an, j’en serais devenu propriétaire si personne ne la réclame.
                                                                  *
Auparavant ce vendredi, passage à la Grande Pharmacie du Centre pour renouveler mon médicament contre l’excès de tension oculaire. Mauvaise surprise, il est en rupture. C’est la première fois que ça arrive. Il m’est indispensable. Heureusement, le pharmacien, grâce à l’informatique, m’indique les deux pharmacies du centre ville où il en reste un ou deux flacons. Je file à la Pharmacie Saint-Marc et me voilà sauvé.
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Le petit vélo rouge parti, porteur d’un lourd sac de livres à vendre, je me traîne jusqu’à la bouquinerie Théo-Phil, rue Beauvoisine, laquelle ouvre à onze heures. J’y trouve porte close. Rien ne l’indique en vacances. J’attends jusqu’à onze heures vingt. En vain. Je rentre avec mon lourd sac. Plus rien ne m’étonne.
                                                                   *
Le Petit Vélo Rouge, boutique rouennaise de surplus militaire où je me vêtais parfois dans les années Soixante-Dix.
 

18 juillet 2024


Ambiance de départ en vacances dans le sept heures vingt-trois pour Paris ce mercredi. Quatre lycéennes occupent le carré famille le plus proche et bavardent « Mais je la connais Cassandre, c’est la fille du chef de mon père. » tandis que je lis Une Anglaise à Paris de Nancy Mitford, des chroniques écrites pour des journaux britanniques au temps de ma naissance. Oh ! comme j’aime Paris au mois de juillet ! Pendant trois jours, les 13, 14 et 15, la population danse dans les rues avant un exode massif en bord de mer et à la montagne.
A l’arrivée, sous un ciel bleu dans lequel ne se dissolvent pas mes idées noires, évitant le métro Trois saturé, je descends par le colimaçon prendre le Quatorze jusqu’à Madeleine et ça passe facilement. Peu de monde dans la Huit qui me conduit ensuite à Ledru-Rollin.
Un café comptoir au Camélia puis je rejoins le Marché d’Aligre. Que des dévédés à un euro chez Emile, et chez Amin, des livres sans intérêt pour moi. Pédestrement, je rejoins. Re-Read où j’arrive à l’ouverture, ayant déjà trop chaud. Il y a là quelques livres que j’aurais acheté un euro mais pas quatre, et plus de personnes vendant des livres qu’en achetant.
A onze heures j’entre chez Book-Off rue du Faubourg-Saint-Antoine où la ridicule petite banderole souhaitant la bienvenue aux chalands a disparu et en ressors à midi moins le quart avec quatre livres à un euro Le Monde horizontal de Bruno Remaury (Editions Corti), Le bonnet rouge de Daniel de Roulet (Héros-Limite), L’appartement d’André Markowicz (Editions Inculte) et Un diamant brut (Vézelay-Paris 1938-1950) d’Yvette Szczupak-Thomas (Métailié).
Faute de déjeuner au Paris avec celle qui travaille à Bastille et qui a annulé, je renoue avec le Rallye, plus Péhemmu chinois que jamais. La fille aînée que j’ai connue bébé tient la caisse. Une nouvelle serveuse m’apporte l’andouillette sauce moutarde à l’ancienne frites salade à douze euros puis le café à un euro.
Il fait chaud au sous-sol du deuxième Book-Off, celui de Châtelet, qui l’apprends-je fermera aussi du cinq au dix-huit août. Les employé(e)s ont installé de façon sommaire un ventilateur près de la table où se trient les livres. Le rayon Littérature a déménagé dans la troisième salle à une hauteur qui est bonne pour moi. Parmi les livres à un euro je prélève Alain-Fournier les chemins d’une vie (Guide biographique illustré) d’Alain Rivière (Le Cherche Midi), Avec mon meilleur souvenir de Françoise Sagan (Gallimard), La critique créatrice d’Oscar Wilde (Editions Complexe) et La dernière année de Dostoïevski d’Igor Volguine (Editions de Fallois / L’Age d’Homme).
Avant d’entrer au troisième Book-Off, je prends le frais sur un banc à l’ombre de la placette derrière la sortie du métro Quatre Septembre. La boutique Nicolas a déposé le bilan, elle s’était mise à vendre de la bière, c’était mauvais signe. Quant au vendeur de fruits à la sauvette, il n’est plus là.
Un café au comptoir du Bistrot d’Edmond et je fais une dernière pêche à un euro au troisième Book-Off, qui à ce jour ne prévoit pas de fermer en août, Lisbonne Livre de bord Voix, regards, ressouvenances de José Cardoso Pires (Arcades Gallimard) et Confidences d’une jeune fille de Pauline de Pange (Les Cahiers Rouges Grasset).
                                                                            *
Rentré, j’apprends que feu l’Abbé Pierre fait la une. Cela me remet en mémoire le texte de mon Journal du vingt-six juin deux mille douze consacré à La passe imaginaire de Grisélidis Réal, écrivaine, peintre, mère de quatre enfants, pute révolutionnaire, sa correspondance avec Jean-Luc Hennig, publiée de son vivant en mil neuf cent quatre-vingt-douze chez Manya.
J’y citais un extrait d’une des lettres à Jean-Luc Hennig, celle écrite par Grisélidis Réal le jeudi vingt-quatre mai mil neuf cent quatre-vingt-dix après s’être fait incendier pour avoir à la télé dans une émission de Christophe Dechavanne révélé que l’Abbé était client des maisons closes suisses :
Quant à mes « excuses » à l’Abbé Pierre, les gens qui me connaissent bien savent que c’était du cinéma (nécessaire, et même indispensable, pour sauver et redorer la cause des Putes). D’ailleurs, attention ! J’ai dit « que je n’avais pas voulu lui faire du mal et que je lui demandais pardon de l’avoir cité », c’est tout. Je ne me suis en aucun cas rétractée. C’est lui qui, en mentant, a ajouté le mensonge au « péché de la chair »… Mais ça, ça le regarde, ça ne me concerne plus.
J’ai fait, ce matin, des téléphones qui m’ont confirmée dans mes convictions que cet Abbé n’avait pas été vu, en endroit « clos », que par moi !! Et en plus, il était soigné, à l’époque, près de Genève, aux « Rives de Prangins », qui est un asile psychiatrique pour riches…
 

16 juillet 2024


C’est à dix-huit heures ce dimanche quatorze juillet que doit débuter, sur le parvis de la Cathédrale de Rouen, Gagarine is not dead, la pièce de théâtre de rue antigravitationnel des compagnies Les Sanglés et En corps En l'air, un spectacle gratuit proposé par la Métropole, c’est l’opération estivale Jours de fête.
Les gradins installés autour du cercle au centre duquel se tient une pelle Boki modifiée sont déjà occupés quand je me pointe cinq minutes avant le début. Je me mets debout derrière le dernier rang.
Le spectacle commence avant le spectacle par l’entrée l’air de rien des quatre artistes de rue, deux hommes et deux femmes jeunes. « Ça va ma coiffure ? nous demande l’un, je ne ressemble pas trop à Bardella ? ».
Une des quatre explique qu’il s’agit d’expédier les cendres de son père décédé dans l’espace. L’un annonce que si l’opération réussit, elle sera commercialisée au prix de deux mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf euros quatre-vingt-dix-neuf centimes. Le public est d’ores et déjà invité à s’inscrire. « Vous ne prenez aucun risque, vous serez déjà mort. »
S’ensuivent pour envoyer en l’air l’urne du défunt moult péripéties acrobatiques. La pelle Boki, dont les pieds stabilisateurs évoquent une araignée, bricolée et électrifiée, dotée d’un très long bras, se transforme tour à tour en lanceur spatial, en fusée intergalactique et en module lunaire. Ces circassien(ne)s n’ont pas peur du risque ni le vertige et elles et eux doivent bien s’aimer pour accepter de rentrer à quatre dans une minuscule capsule.
Un imbibé, comme on en trouve toujours dans ce genre de circonstance, ponctue le spectacle de sa petite chanson. « Ça va, Thomas Pesquet ? » lance-t-il à l’un des acrobates en équilibre instable sur le long bras, provoquant les rires.
Vers la fin, ça tourne poétique. Les cendres virevoltent sous le ciel bleu devant la Cathédrale sous des applaudissements nourris et une ovation debout des assis. Combien d’heures de répétition faut-il pour réussir un tel spectacle ? C’est la question que je me pose en rentrant enchanté de cette heure antigravitationnelle.
                                                                         *
Autre spectacle de rue, indigent celui-là, la flamme, telle le Saint Sacrement, en procession dans les arrondissements de la capitale puis installée pour la nuit dans une salle de l’Hôtel de Ville transformée en chapelle de l’Adoration Perpétuelle.
 

15 juillet 2024


Longtemps que je n’ai pas mis le pied au Musée des Beaux-Arts de Rouen, une lacune que je comble ce dimanche quatorze juillet en début d’après-midi pour visiter l’exposition David Hockney, Normandism. Un homme filtre les entrées. Il m’apprend qu’il n’est plus nécessaire de prendre un ticket gratuit à l’accueil et m’explique où trouver ce que je veux voir. Ce n’est pas le chemin le plus court. Il faut monter à l’étage pour redescendre par l’escalier du fond et traverser la longue salle consacrée à l’Impressionisme avant d’apercevoir l’autoportrait du peintre devenu résident de Beuvron-en-Auge.
Suit dans la première pièce une série de portraits de ses connaissances augmentée d’un portrait de Renoir qui n’a rien à voir.
Dans une deuxième salle, quelques paysages sont accrochés au mur en compagnie de deux signés Monet. Ces derniers intéressent bien plus les visiteurs anglo-saxons que je côtoie que les normandismes d’Hockney.
La dernière pièce est la Moon Room où dans une semi obscurité sont exposés des dessins numériques réalisés à l’iPad puis imprimés sur des toiles. Ces clairs de lune qui couvrent les différentes saisons me retiennent davantage que les portraits et surtout que les paysages.
La peinture de David Hockney ne m’excite guère, superficielle et lisse qu’elle est. écrivais-je après ma visite de l’exposition à lui consacrée au Centre Pompidou. C’était le quatorze juillet deux mille dix-sept. Je n’aï pas changé d’avis.
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La veille, entre onze heures et demie et midi, sur le banc du jardin, j’ouïs le concert de carillon de la semaine. Il est donné par Wesley Arai, carillonneur de l’Université de Californie, Santa Barbara. Un jeu velouté d’airs du pays parmi lesquels je ne reconnais que Maria de West Side Story.
                                                                *
Quand même, un centimètre à droite et il était mort Donald Trump, quelle baraka. Et son plongeon au pied du pupitre, quel réflexe. Et puis après, l’oreille en sang, le poing levé, criant « Fight ! », quel contraste avec le diminué Biden.
Le jeune crétin qui lui a tiré dessus lui a rendu un sacré service.
 

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