Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
10 juillet 2025
Le bruit des hélicoptères, c’est tout ce que j’aurai connu de l’arrivée du Tour à Rouen. Lequel, je l’ai appris d’un mieux informé que moi, faisait un crochet dans le centre-ville, de la Gare au Boulingrin par la rue de la Jeanne et la rue du Canuet. Il fallait qu’il passe devant l’Hôtel de Ville pour la gloire de notre Maire, Mayer-Rossignol. J’aurais pu m’en douter. Celui qui est le plus souvent soupçonné de tricher a gagné l’étape et il y a eu une attaque au couteau dont on a peu parlé (il ne fallait pas gâcher la fête).
Ce mercredi, le calme est de retour du côté de la Gare que je rejoins pour prendre le sept heures vingt-deux. Il s’agit de retrouver Paris. C’est un train des familles, vacances obligent, que des enfants en bas âge trop bien réveillés. J’y commence la lecture de Journal d’un étranger à Paris de Curzio Malaparte. Je ne sais ce qui est le plus fatiguant des vociférations de Génération Cinquante ou des chut ! parentaux. Une mère à son deux ans chouinant à plat ventre dans le couloir : « Tu veux qu’on fasse une activité ? » Elle lui enfourne un croissant. C’est aussi efficace qu’un bâillon.
Notre crèche ambulante arrive à l’heure dans la capitale où, comme en Normandie, le ciel est bleu et la température supportable. Bus Vingt-Neuf, départ dans neuf minutes. Grâce au ciel, comme disent certains, sans moutards. Rue Beaubourg, nous dépassons deux Gendarmes à cheval puis, pour raison de travaux, « dévions le Marais ». On longe la Seine, Paris Plages fermée, les boîtes des bouquinistes fermées, Notre-Dame à moitié réparée.
De la Bastille, je rejoins le Marché d’Aligre où Emile et Amin ont sorti tous leurs livres. Rien chez le premier. Du bon chez le second : Carnets de guerre 1914-1918 d’Edouard Cœurdevey (Terre Humaine Plon), Journal d’un Poilu sur le front d’Orient de Jean Leymonnerie (Pygmalion) et Exégèse des lieux communs de Léon Bloy (Dix Dix-Huit), ce dernier cherché depuis longtemps. « C’est toujours cinq pour trois ? » « C’est pas assez » « Ah ! » « Ça vient d’arriver » « Combien alors ? » « Six ». J’ai un bon contact avec Amin (ou Amine, je ne sais) et je l’entretiens en le remerciant et en lui souhaitant une bonne journée.
Je prends un café au comptoir du Camélia qui semble avoir retrouvé une clientèle puis je vais voir s’il y a aussi du bon parmi les livres à un euro au Book-Off de Ledru-Rollin. Il y en a : Souvenirs personnels de Joseph Conrad (Autrement), Lettres de collège d’Alexandre Vialatte et Henri Pourrat (Presses Universitaires Blaise Pascal), Schubert et l’infini de Jacques Drillon (Actes Sud) et Vraie blonde, et autres de Jack Kerouac (Folio).
Quiche lorraine salade et tartare de thon avocat mangue frites salade, c’est mon déjeuner chez Au Diable des Lombards. De là, profitant d’une journée pas trop chaude, au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin. En bas des marches, tout de suite me fait signe le récent numéro dix du Manifeste incertain titré Les Etrangers Malcolm Lowry Alberto Giacometti de Frédéric Pajak (Editions Noir sur Blanc) à huit euros. Heureusement, je ne trouve rien d’indispensable parmi les livres à un euro. Mon sac est déjà trop lourd.
Il est quatorze heures. Je me traîne jusqu’à la terrasse de La Terrasse pour un café verre d’eau lecture à l’ombre de l’auvent. Derrière moi, dans la conversation de deux filles que je ne vois pas, il est question de se connecter à ses traumas et les faire avancer par des tapotements puis d’autistes de bas niveau et de haut niveau. Vers quinze heures, de nombreux passages d’avions militaires en répétition du Quatorze Juillet font lever les têtes et sortir les smartphones.
C’est fatigué que j’attends le seize heures quarante à la Gare Saint-Lazare, me demandant combien de temps encore je pourrai faire une virée le mercredi à Paris. Le train du retour est à l’heure et ma place préférée disponible dans la voiture Cinq où aucun enfant ne se trouve. Je lis toujours Journal d’un étranger à Paris de Curzio Malaparte, trop de réflexion, pas assez d’action, une déception. Sur la plate-forme, trois membres de la Sûreté Ferroviaire veillent.
On aurait besoin d’eux ou de leurs semblables sur le parvis de la Gare de Rouen où deux zonards en viennent aux mains (comme on dit) à propos du chien de l’un perdu par l’autre.
*
Au rayon Voyage du Book-Off de Ledru-Rollin : Voyage en Grande Garabagne d’Henri Michaux.
*
De nous, les cocus du monde, qui ne sommes ni beaux ni laids, ni riches ni bien nés, de nous que la vie effraie, que le vent pousse à son gré, qui nous consumons en vains regrets, de nous les êtres sans mémoire et sans force, sans gloire et sans orgueil, de nous les vieillis avant l’âge, les menteurs, les lâches, les pauvres en esprit, les tendres et les enfantins, aux haines fragiles, aux vénérations incertaines, de nous, les jaloux et les craintifs, de nous Schubert est le frère. (Jacques Drillon)
Ce mercredi, le calme est de retour du côté de la Gare que je rejoins pour prendre le sept heures vingt-deux. Il s’agit de retrouver Paris. C’est un train des familles, vacances obligent, que des enfants en bas âge trop bien réveillés. J’y commence la lecture de Journal d’un étranger à Paris de Curzio Malaparte. Je ne sais ce qui est le plus fatiguant des vociférations de Génération Cinquante ou des chut ! parentaux. Une mère à son deux ans chouinant à plat ventre dans le couloir : « Tu veux qu’on fasse une activité ? » Elle lui enfourne un croissant. C’est aussi efficace qu’un bâillon.
Notre crèche ambulante arrive à l’heure dans la capitale où, comme en Normandie, le ciel est bleu et la température supportable. Bus Vingt-Neuf, départ dans neuf minutes. Grâce au ciel, comme disent certains, sans moutards. Rue Beaubourg, nous dépassons deux Gendarmes à cheval puis, pour raison de travaux, « dévions le Marais ». On longe la Seine, Paris Plages fermée, les boîtes des bouquinistes fermées, Notre-Dame à moitié réparée.
De la Bastille, je rejoins le Marché d’Aligre où Emile et Amin ont sorti tous leurs livres. Rien chez le premier. Du bon chez le second : Carnets de guerre 1914-1918 d’Edouard Cœurdevey (Terre Humaine Plon), Journal d’un Poilu sur le front d’Orient de Jean Leymonnerie (Pygmalion) et Exégèse des lieux communs de Léon Bloy (Dix Dix-Huit), ce dernier cherché depuis longtemps. « C’est toujours cinq pour trois ? » « C’est pas assez » « Ah ! » « Ça vient d’arriver » « Combien alors ? » « Six ». J’ai un bon contact avec Amin (ou Amine, je ne sais) et je l’entretiens en le remerciant et en lui souhaitant une bonne journée.
Je prends un café au comptoir du Camélia qui semble avoir retrouvé une clientèle puis je vais voir s’il y a aussi du bon parmi les livres à un euro au Book-Off de Ledru-Rollin. Il y en a : Souvenirs personnels de Joseph Conrad (Autrement), Lettres de collège d’Alexandre Vialatte et Henri Pourrat (Presses Universitaires Blaise Pascal), Schubert et l’infini de Jacques Drillon (Actes Sud) et Vraie blonde, et autres de Jack Kerouac (Folio).
Quiche lorraine salade et tartare de thon avocat mangue frites salade, c’est mon déjeuner chez Au Diable des Lombards. De là, profitant d’une journée pas trop chaude, au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin. En bas des marches, tout de suite me fait signe le récent numéro dix du Manifeste incertain titré Les Etrangers Malcolm Lowry Alberto Giacometti de Frédéric Pajak (Editions Noir sur Blanc) à huit euros. Heureusement, je ne trouve rien d’indispensable parmi les livres à un euro. Mon sac est déjà trop lourd.
Il est quatorze heures. Je me traîne jusqu’à la terrasse de La Terrasse pour un café verre d’eau lecture à l’ombre de l’auvent. Derrière moi, dans la conversation de deux filles que je ne vois pas, il est question de se connecter à ses traumas et les faire avancer par des tapotements puis d’autistes de bas niveau et de haut niveau. Vers quinze heures, de nombreux passages d’avions militaires en répétition du Quatorze Juillet font lever les têtes et sortir les smartphones.
C’est fatigué que j’attends le seize heures quarante à la Gare Saint-Lazare, me demandant combien de temps encore je pourrai faire une virée le mercredi à Paris. Le train du retour est à l’heure et ma place préférée disponible dans la voiture Cinq où aucun enfant ne se trouve. Je lis toujours Journal d’un étranger à Paris de Curzio Malaparte, trop de réflexion, pas assez d’action, une déception. Sur la plate-forme, trois membres de la Sûreté Ferroviaire veillent.
On aurait besoin d’eux ou de leurs semblables sur le parvis de la Gare de Rouen où deux zonards en viennent aux mains (comme on dit) à propos du chien de l’un perdu par l’autre.
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Au rayon Voyage du Book-Off de Ledru-Rollin : Voyage en Grande Garabagne d’Henri Michaux.
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De nous, les cocus du monde, qui ne sommes ni beaux ni laids, ni riches ni bien nés, de nous que la vie effraie, que le vent pousse à son gré, qui nous consumons en vains regrets, de nous les êtres sans mémoire et sans force, sans gloire et sans orgueil, de nous les vieillis avant l’âge, les menteurs, les lâches, les pauvres en esprit, les tendres et les enfantins, aux haines fragiles, aux vénérations incertaines, de nous, les jaloux et les craintifs, de nous Schubert est le frère. (Jacques Drillon)
8 juillet 2025
L’évènement de l’été à Rouen, c’est l’arrivée du Tour de France ce mardi. La circulation va être perturbée. Au point que certaines boutiques choisissent de fermer. Ainsi Le Bibliovore. La libraire ira-t-elle voir les coureurs ? Qu'est-ce que tu fais ? Mais tu tapines en bourg ? Pas du tout, c'est l'arrivée du Tour !
Les coureurs, on ne les verra pas en ville. Leur pédalage a lieu sur les hauteurs. Il faut du dénivelé positif. Cela se passera côte de Bonsecours et côte de Neufchâtel avec pour arrivée le Boulingrin.
A l’occasion de cette arrivée du Tour à Rouen, la Mairie propose une exposition Jacques Anquetil. Elle choque l’ancien bouquiniste du bas de la rue Cauchoise. Avec sa syntaxe, sa ponctuation et son orthographe personnelles, il s’offusque sur le réseau social Effe Bé :
« Je ne comprends pas qu’on puisse, mettre en avant, dans cette ville de Rouen, qui se veut porteuse de valeurs, (le droit des femmes en premier) le cas Anquetil, qui donna un enfant à sa belle fille, avec la bénédiction de sa propre femme, c’est à dire la mère de cette même belle fille, il fera même un deuxième enfant avec l’épouse du fils de sa femme…
De surcroît, un homme qui a avoué avoir pris des substances illicites (ce qui lui a valu de ne pas homologuer un record du monde)
Donc je m’interroge sur le fait de mettre avant un homme certes champion dans son domaine, en faisant fi du caractère incestueux de sa relation avec sa belle fille, du caractère polygame dans sa vie et des valeurs morales et éthiques du sport, qui me semble plus que bafouée. »
Il n’y avait pourtant là qu’un arrangement entre adultes consentants.
*
Monsieur rêve d’un poste de Maire Adjoint aux Bonnes Mœurs.
Les coureurs, on ne les verra pas en ville. Leur pédalage a lieu sur les hauteurs. Il faut du dénivelé positif. Cela se passera côte de Bonsecours et côte de Neufchâtel avec pour arrivée le Boulingrin.
A l’occasion de cette arrivée du Tour à Rouen, la Mairie propose une exposition Jacques Anquetil. Elle choque l’ancien bouquiniste du bas de la rue Cauchoise. Avec sa syntaxe, sa ponctuation et son orthographe personnelles, il s’offusque sur le réseau social Effe Bé :
« Je ne comprends pas qu’on puisse, mettre en avant, dans cette ville de Rouen, qui se veut porteuse de valeurs, (le droit des femmes en premier) le cas Anquetil, qui donna un enfant à sa belle fille, avec la bénédiction de sa propre femme, c’est à dire la mère de cette même belle fille, il fera même un deuxième enfant avec l’épouse du fils de sa femme…
De surcroît, un homme qui a avoué avoir pris des substances illicites (ce qui lui a valu de ne pas homologuer un record du monde)
Donc je m’interroge sur le fait de mettre avant un homme certes champion dans son domaine, en faisant fi du caractère incestueux de sa relation avec sa belle fille, du caractère polygame dans sa vie et des valeurs morales et éthiques du sport, qui me semble plus que bafouée. »
Il n’y avait pourtant là qu’un arrangement entre adultes consentants.
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Monsieur rêve d’un poste de Maire Adjoint aux Bonnes Mœurs.
3 juillet 2025
Lundi est le jour où la chaleur finit par atteindre Rouen. Je la sens déjà bien quand en début d’après-midi, je lis au Son du Cor où je dois changer deux fois de place pour fuir une fille soûlante. Je la sens encore plus en début de soirée au jardin où je termine Correspondances croisées, les lettres reçues et envoyées par Pierre Belfond, un pavé de neuf cent dix pages édité « à ses dépens » uniquement pour ses correspondants.
Cette chaleur pesante me conduit à annuler mes billets de train du mercredi deux juillet. Dans la capitale, côté température, c’est pire depuis plusieurs jours. Le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin doit être une étuve.
Je suis tenté de remplacer cette journée à Paris par une journée à Dieppe. J’y renonce quand j’apprends que le temps va changer ce mercredi avec possibilité d’orages en Seine-Maritime.
Mon ordinateur ressuscité me permet d’organiser mon automne ailleurs. Ce qui n’est pas simple, un hébergement, puis un autre, annoncés libres ne l’étant pas.
*
Chacun se plaint du dérèglement climatique. Chacun contribue à l’aggraver. Comme si la plupart des humains avaient fait le choix du suicide collectif. Un exemple local : By Me, le coiffeur de la rue de la Champmeslé utilise deux climatiseurs mobiles dont par la porte entrouverte les tuyaux crachent la chaleur (déjà l’an dernier, il faisait ainsi). Autre exemple local : L'Échappoterie, le café atelier de peinture sur céramique de la rue d’Amiens fait de même avec un seul climatiseur, bien que fréquenté par une jeunesse (surtout féminine) tenant sans doute de beaux discours écolos. Une pratique que la loi interdit mais qui n’est sanctionnée par personne.
Cette chaleur pesante me conduit à annuler mes billets de train du mercredi deux juillet. Dans la capitale, côté température, c’est pire depuis plusieurs jours. Le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin doit être une étuve.
Je suis tenté de remplacer cette journée à Paris par une journée à Dieppe. J’y renonce quand j’apprends que le temps va changer ce mercredi avec possibilité d’orages en Seine-Maritime.
Mon ordinateur ressuscité me permet d’organiser mon automne ailleurs. Ce qui n’est pas simple, un hébergement, puis un autre, annoncés libres ne l’étant pas.
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Chacun se plaint du dérèglement climatique. Chacun contribue à l’aggraver. Comme si la plupart des humains avaient fait le choix du suicide collectif. Un exemple local : By Me, le coiffeur de la rue de la Champmeslé utilise deux climatiseurs mobiles dont par la porte entrouverte les tuyaux crachent la chaleur (déjà l’an dernier, il faisait ainsi). Autre exemple local : L'Échappoterie, le café atelier de peinture sur céramique de la rue d’Amiens fait de même avec un seul climatiseur, bien que fréquenté par une jeunesse (surtout féminine) tenant sans doute de beaux discours écolos. Une pratique que la loi interdit mais qui n’est sanctionnée par personne.
1er juillet 2025
Un écran noir et rien qui se passe, tel est l’état de mon ordinateur depuis son retour de Colmar. Il n’a pourtant subi aucun choc durant le voyage. Comment en trouver un autre quand on a besoin d’un pour cela. Je lance deux ou trois appels à l’aide dans le voisinage. Nul n’en a un de disponible.
Bien sûr, je dois dans le même temps faire face aux contingences du retour à la vie normale. Vendredi à neuf heures je passe à la Pharmacie du Centre où j’apprends que mon indispensable collyre destiné à retarder mon glaucome est indisponible. Rupture chez le fournisseur, on ne peut pas le commander. Quand même, le pharmacien, grâce à son ordinateur, m’apprend qu’il en reste un flacon à la Pharmacie de la Gare et trois à celle de Jouvenet. Il appelle la première pour qu’on le mette de côté pour moi. J’y monte et me voilà tranquille pour un mois mais après ?
L’avantage d’habiter à Rouen, c’est que je me trouve sur l’étroite bande de territoire qui reste verte sur la carte de la météo. Il n’y fait pas trop chaud, surtout en comparaison de ce que j’ai subi en Alsace. Le soir venu, je tente une dernière fois de mettre en route mon vieil ordinateur. Il redémarre, comme une fleur, rien à y comprendre.
Samedi matin, au lieu d’aller au Marché des Emmurées me ravitailler en fruits et légumes, je trouve plus nécessaire d’aller à la vente de livres d’occasion du Secours Populaire au Centre Commercial des Docks. J’y trouve quelques livres dont je ferai commerce et deux que je lirai un jour j’espère : La dédicace de Botho Strauss (Gallimard) et Souvenirs sur Igor Strawinsky de Ramuz (Séquences). Au retour, je dois faire avec trois clochards malodorants qui profitent du bus gratuit. Se cramponnant à la barre, déjà saouls, ils vont boire.
Dimanche matin, rue de la République, tandis que des filles saoules se courent après, j’attends le bus Effe Un de sept heures treize (le premier de la journée). Il se remplit en cours de route de celles et ceux qui vont au même endroit que moi. Tout le monde descend à Mairie de Bois-Guillaume. De là, il faut marcher un moment avant d’arriver au vide-greniers organisé par le cleube de foute de la ville. Autrefois, c’était un bon pour ce qui est de trouver des livres.
Encore trop peu d’exposants sont installés à huit heures trente quand j’en ai fait le tour, une partie sur un terrain défoncé à se faire une entorse, l’autre sur un terrain de foute. L’organisation est tellement tatillonne qu’ils doivent attendre une heure, moteur tournant, avant de pouvoir déballer. Vraiment rien pour moi. Je m’apprête à rentrer quand je repère l’album Les Chats de Dubout chez Hoebeke. Je n’ai pas envie de l’acheter mais quand je demande le prix à sa vendeuse et qu’elle me dit deux euros, j’ouvre mon porte-monnaie. Et voilà un livre de plus. J’aime le dessin de couverture qui montre un chat de dos et son orifice anal. Il me rappelle un chat que j’ai eu au temps où j’étais marié : Trouduc.
Revenu à Rouen, je me rends au Marché du Clos Saint-Marc pour y acheter un neufchâtel. Un homme pose sa mini-bicyclette contre le trottoir au carrefour de la rue Martainville et de la rue Victor-Hugo. Il sort un marqueur rose et se met à écrire sur une des bandes blanches du passage piétonnier en chantonnant « Je suis Tonton. Je suis Tonton. Je suis pas net. Je suis pas net. » Je sais maintenant qui est celui qui écrit « Tonton, pas nèt » partout en ville depuis des mois, sur les murs, sur les sols, sur le mobilier urbain. Pour passer inaperçu, il porte une casquette à carreaux, un pantalon orange et des lunettes rouges.
*
A la boulangerie, une femme en surpoids (comme on dit) demande un pain bio, puis au moment de payer : « Et mettez-moi aussi la viennoise au chocolat. » A peine sortie, elle la mange goulûment.
*
Tandis que je lis Le Couteau de Salman Rushdie au Son du Cor passe une fille avec un mini-ventilateur coincé entre les seins. Un peu plus tard, à la table voisine de la mienne, une lycéenne interrompt sa conversation pour dire « Bonjour Madame » à une qui passe. La Madame en question est une de ses profs qui lui demande à quelle heure les résultats demain. Elles ont une courte conversation. Quand la prof s’éloigne, la lycéenne à celui avec qui elle boit un verre : « Je la déteste. »
Bien sûr, je dois dans le même temps faire face aux contingences du retour à la vie normale. Vendredi à neuf heures je passe à la Pharmacie du Centre où j’apprends que mon indispensable collyre destiné à retarder mon glaucome est indisponible. Rupture chez le fournisseur, on ne peut pas le commander. Quand même, le pharmacien, grâce à son ordinateur, m’apprend qu’il en reste un flacon à la Pharmacie de la Gare et trois à celle de Jouvenet. Il appelle la première pour qu’on le mette de côté pour moi. J’y monte et me voilà tranquille pour un mois mais après ?
L’avantage d’habiter à Rouen, c’est que je me trouve sur l’étroite bande de territoire qui reste verte sur la carte de la météo. Il n’y fait pas trop chaud, surtout en comparaison de ce que j’ai subi en Alsace. Le soir venu, je tente une dernière fois de mettre en route mon vieil ordinateur. Il redémarre, comme une fleur, rien à y comprendre.
Samedi matin, au lieu d’aller au Marché des Emmurées me ravitailler en fruits et légumes, je trouve plus nécessaire d’aller à la vente de livres d’occasion du Secours Populaire au Centre Commercial des Docks. J’y trouve quelques livres dont je ferai commerce et deux que je lirai un jour j’espère : La dédicace de Botho Strauss (Gallimard) et Souvenirs sur Igor Strawinsky de Ramuz (Séquences). Au retour, je dois faire avec trois clochards malodorants qui profitent du bus gratuit. Se cramponnant à la barre, déjà saouls, ils vont boire.
Dimanche matin, rue de la République, tandis que des filles saoules se courent après, j’attends le bus Effe Un de sept heures treize (le premier de la journée). Il se remplit en cours de route de celles et ceux qui vont au même endroit que moi. Tout le monde descend à Mairie de Bois-Guillaume. De là, il faut marcher un moment avant d’arriver au vide-greniers organisé par le cleube de foute de la ville. Autrefois, c’était un bon pour ce qui est de trouver des livres.
Encore trop peu d’exposants sont installés à huit heures trente quand j’en ai fait le tour, une partie sur un terrain défoncé à se faire une entorse, l’autre sur un terrain de foute. L’organisation est tellement tatillonne qu’ils doivent attendre une heure, moteur tournant, avant de pouvoir déballer. Vraiment rien pour moi. Je m’apprête à rentrer quand je repère l’album Les Chats de Dubout chez Hoebeke. Je n’ai pas envie de l’acheter mais quand je demande le prix à sa vendeuse et qu’elle me dit deux euros, j’ouvre mon porte-monnaie. Et voilà un livre de plus. J’aime le dessin de couverture qui montre un chat de dos et son orifice anal. Il me rappelle un chat que j’ai eu au temps où j’étais marié : Trouduc.
Revenu à Rouen, je me rends au Marché du Clos Saint-Marc pour y acheter un neufchâtel. Un homme pose sa mini-bicyclette contre le trottoir au carrefour de la rue Martainville et de la rue Victor-Hugo. Il sort un marqueur rose et se met à écrire sur une des bandes blanches du passage piétonnier en chantonnant « Je suis Tonton. Je suis Tonton. Je suis pas net. Je suis pas net. » Je sais maintenant qui est celui qui écrit « Tonton, pas nèt » partout en ville depuis des mois, sur les murs, sur les sols, sur le mobilier urbain. Pour passer inaperçu, il porte une casquette à carreaux, un pantalon orange et des lunettes rouges.
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A la boulangerie, une femme en surpoids (comme on dit) demande un pain bio, puis au moment de payer : « Et mettez-moi aussi la viennoise au chocolat. » A peine sortie, elle la mange goulûment.
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Tandis que je lis Le Couteau de Salman Rushdie au Son du Cor passe une fille avec un mini-ventilateur coincé entre les seins. Un peu plus tard, à la table voisine de la mienne, une lycéenne interrompt sa conversation pour dire « Bonjour Madame » à une qui passe. La Madame en question est une de ses profs qui lui demande à quelle heure les résultats demain. Elles ont une courte conversation. Quand la prof s’éloigne, la lycéenne à celui avec qui elle boit un verre : « Je la déteste. »
30 juin 2025
Le soir de mon retour de Colmar, dépité par ce qui arrive à mon ordinateur, je me couche tôt et m’endors. Vers dix heures, je suis réveillé par des bruits bizarres en provenance du jardin. Je regarde par la fenêtre. La vieille voisine d’origine anglaise du duplex de deuxième et troisième étages en face du mien jette tout par la fenêtre du troisième.
Cette femme a toujours été étrange. Une quinzaine d’années qu’elle est là, derrière ses fenêtres aux rideaux toujours fermés au deuxième et obturées par des cartons au troisième. Elle ne sort que le soir, et surtout la nuit, comme ses chats.
Je ne la vois pas. Elle jette. Je me dis qu’un(e) voisin(e) a déjà appelé les Pompiers ou la Police. La fille de cette dame arrive en compagnie d’une amie à elle. Elle crie : « Cette fois, c’est l’HP, c’est l’HP ! »
Elle ne monte pas. Elle fait des photos et filme. Plusieurs fois, j’ai vu cette fille brusquer sa mère. On ne peut pas dire que ce soit un modèle d’amour filial. Elle est au téléphone avec je ne sais qui. « T’as entendu ? T’as entendu ? » Un objet en verre vient de se casser en arrivant au sol.
Elle finit par monter. Une voisine et son fils sortent. La vieille femme descend. Le fils de la voisine lui crie qu’elle pouvait blesser quelqu’un ou tuer un de ses chats. Si elle avait jeté des oreillers ou ses vêtements, cela aurait été aussi grave, me dis-je. Personne ne semble prendre conscience qu’on a affaire à une malade en pleine crise. Je fais le Dix-Huit.
Je tombe sur un centre d’appel où celui qui me répond met un certain temps à situer l’endroit. Il me demande ce que fait la fille de cette dame. « Elle lui crie dessus. » Ma vieille voisine ramasse ce qu’elle a jeté par la fenêtre et le met dans la poubelle. « T’es en train de ruiner le tri des déchets. » « Si tu veux jeter du papier, il faut aller rue de la République. » « Je vais transférer votre appel à la Police, ne quittez pas », me dit le Pompier.
Suit une musique classique qui s’éternise. C’est le même Pompier qui reprend la conversation. Il me dit que quelqu’un d’autre a appelé et que comme la famille est sur place le Samu arrive.
Deux grands costauds. « C’est vous ? » dit l’un à l’amie de la fille. Elle fait un bond en arrière. La vieille voisine a regagné son appartement. Ils montent avec la fille. Au bout d’un moment, la fille redescend. « Je vais partir avec eux, dit-elle, sinon elle va leur raconter n’importe quoi et ils vont la relâcher. »
La vieille voisine se laisse emmener. L’amie de la fille et le fils de la voisine mettent dans les poubelles tout ce qui a été jeté, dont un ordinateur qui m’aurait été utile.
*
Au matin du vendredi, les chats sont toujours dehors, des plastiques sont accrochés aux fenêtres du voisin du premier absent, la fenêtre par laquelle tout a été jeté est restée ouverte malgré la pluie, des objets bouchent la gouttière.
Cette femme a toujours été étrange. Une quinzaine d’années qu’elle est là, derrière ses fenêtres aux rideaux toujours fermés au deuxième et obturées par des cartons au troisième. Elle ne sort que le soir, et surtout la nuit, comme ses chats.
Je ne la vois pas. Elle jette. Je me dis qu’un(e) voisin(e) a déjà appelé les Pompiers ou la Police. La fille de cette dame arrive en compagnie d’une amie à elle. Elle crie : « Cette fois, c’est l’HP, c’est l’HP ! »
Elle ne monte pas. Elle fait des photos et filme. Plusieurs fois, j’ai vu cette fille brusquer sa mère. On ne peut pas dire que ce soit un modèle d’amour filial. Elle est au téléphone avec je ne sais qui. « T’as entendu ? T’as entendu ? » Un objet en verre vient de se casser en arrivant au sol.
Elle finit par monter. Une voisine et son fils sortent. La vieille femme descend. Le fils de la voisine lui crie qu’elle pouvait blesser quelqu’un ou tuer un de ses chats. Si elle avait jeté des oreillers ou ses vêtements, cela aurait été aussi grave, me dis-je. Personne ne semble prendre conscience qu’on a affaire à une malade en pleine crise. Je fais le Dix-Huit.
Je tombe sur un centre d’appel où celui qui me répond met un certain temps à situer l’endroit. Il me demande ce que fait la fille de cette dame. « Elle lui crie dessus. » Ma vieille voisine ramasse ce qu’elle a jeté par la fenêtre et le met dans la poubelle. « T’es en train de ruiner le tri des déchets. » « Si tu veux jeter du papier, il faut aller rue de la République. » « Je vais transférer votre appel à la Police, ne quittez pas », me dit le Pompier.
Suit une musique classique qui s’éternise. C’est le même Pompier qui reprend la conversation. Il me dit que quelqu’un d’autre a appelé et que comme la famille est sur place le Samu arrive.
Deux grands costauds. « C’est vous ? » dit l’un à l’amie de la fille. Elle fait un bond en arrière. La vieille voisine a regagné son appartement. Ils montent avec la fille. Au bout d’un moment, la fille redescend. « Je vais partir avec eux, dit-elle, sinon elle va leur raconter n’importe quoi et ils vont la relâcher. »
La vieille voisine se laisse emmener. L’amie de la fille et le fils de la voisine mettent dans les poubelles tout ce qui a été jeté, dont un ordinateur qui m’aurait été utile.
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Au matin du vendredi, les chats sont toujours dehors, des plastiques sont accrochés aux fenêtres du voisin du premier absent, la fenêtre par laquelle tout a été jeté est restée ouverte malgré la pluie, des objets bouchent la gouttière.
28 juin 2025
De mes deux craintes principales en cette journée de retour à Rouen, la première est celle d’un orage au moment du départ. Un fort coup de vent vers deux heures du matin, des nuages noirs au lever du jour, mais rien encore quand avec le bus F je rejoins la Gare de Colmar. Ouf !
La seconde est aussi liée à des orages, à celui d’hier et à celui de la semaine dernière à Rouen, tous deux violents qui pourraient avoir endommagé mon appartement. Je redoute la grêle car la petite chambre est dotée d’un vasistas à la vitre fragile. Qu’en sera-t-il ?
J’ai d’autres craintes que je n’énumère pas. Jamais je ne voyage décontracté.
Je rentre ce jeudi avec le Tégévé pour Paris de dix heures une. Pour quelques euros de plus, j’ai une place en première, voiture Deux, place Douze, siège isolé. Avant de quitter mon logis Air Bibi de la rue Charles Grad, j’ai fait un semblant de ménage. La tactique est de ne rien salir pour n’avoir rien à nettoyer. Et, ce qui me semble curieux, mais j’ai obéi au désir de ma logeuse, j’ai mis les draps et serviettes dans la baignoire. Bien logé j’étais. Certes un peu excentré, mais c’était gérable et pour un prix me convenant, trente et un euros la nuit, grâce à la réduction de moitié pour occupation d’un mois.
Je suis en avance. Jamais je ne peux m’attarder dans un appartement que je dois quitter. Je trouve refuge à l’Espace Côté Ouest. Comme à mon arrivée, il y a plus d’un mois. Ce matin, par bonheur, pas de musique pendant mon allongé verre d’eau croissant à trois euros soixante.
Sur la voie d’à côté, le petit train Fluo pour Metzeral laisse tourner son moteur diesel. Le Tégévé arrive de Paris. Il repart dans l’autre sens. Je suis du bon côté pour voir une dernière fois l’église Saint-Joseph, les villages de la Route du Vin, les châteaux de Ribeauvillé et le Haut-Koenigsbourg. Le chef de bord annonce que le train allemand avec lequel le nôtre doit s’accoupler à Strasbourg aura un retard de quinze minutes, lequel sera sexuellement transmissible au nôtre (j'image son propos fort décent). Nous stagnons donc à Strasbourg, moins qu’annoncé.
Une femme montée au dernier moment croque dans une baguette tradition et ça y est on va bientôt à fond vers Paris et vers le gris. « Combattez l’ennui en vous connectant au réseau ouifi » La femme à la baguette se plaint au chef de bord. On lui a envoyé un message avec un quart d’heure de retard, alors qu’il n’y en avait que dix, et donc elle a failli manquer son train. « Même quand tu réussis à diminuer le retard, tu te fais engueuler », commente le chef de bord. Elle porte un ticheurte Life Is Beautiful.
Elle en est déjà à la moitié de sa baguette quand je commence mon pan bagnat au thon de chez Éric Colle (quatre euros vingt). Cinq minutes seulement de retard à Paris et plus qu’un petit bout de baguette. Notre chef de bord fait son numéro de petit rigolo : il espère que tout s’est passé trainquillement et que notre voyage sera inouibliable.
J’ai deux heures pour aller de la Gare de l’Est à la Gare Saint-Lazare. C’est bien trop, et aucun endroit où boire un café à Saint-Laz depuis la fermeture d’A la Ville d’Argentan, mais c’était risqué de réserver dans le treize heures quarante. Pendant que j’attends le quatorze heures quarante passe la Députée pour qui j’ai voté, avec son sac à tout de l’Assemblée Nationale, qu’on sache bien que … Le téléphone greffé à l’oreille, elle se dirige vers les taxis.
Mon train Nomad est affiché à l’heure. Je trouve place dans la voiture Cinq. Il fait frais à Rouen. Arrivé à la maison, je monte à l’étage avec appréhension. Ouf !
Malheureusement, un souci imprévu marque mon retour : écran noir pour mon ordinateur portable (celui du bureau est hors d’usage depuis longtemps). Me voilà mal.
*
Colmar, Rouffach, Munster, Metzeral, Sélestat, Ribeauvillé, Muhlbach-sur-Munster, Wintzenheim, Turckheim, Ingersheim, Riquewihr, Hunawihr, Zellenberg, Kaysersberg, Katzenthal, Orbey, Le Bonhomme, Lapoutroie, Col de la Schlucht, Kientzheim, Eguisheim, Saint-Hippolyte, Bergheim, Grand Ballon, Gérardmer, Gueberschwihr, Colmar.
La seconde est aussi liée à des orages, à celui d’hier et à celui de la semaine dernière à Rouen, tous deux violents qui pourraient avoir endommagé mon appartement. Je redoute la grêle car la petite chambre est dotée d’un vasistas à la vitre fragile. Qu’en sera-t-il ?
J’ai d’autres craintes que je n’énumère pas. Jamais je ne voyage décontracté.
Je rentre ce jeudi avec le Tégévé pour Paris de dix heures une. Pour quelques euros de plus, j’ai une place en première, voiture Deux, place Douze, siège isolé. Avant de quitter mon logis Air Bibi de la rue Charles Grad, j’ai fait un semblant de ménage. La tactique est de ne rien salir pour n’avoir rien à nettoyer. Et, ce qui me semble curieux, mais j’ai obéi au désir de ma logeuse, j’ai mis les draps et serviettes dans la baignoire. Bien logé j’étais. Certes un peu excentré, mais c’était gérable et pour un prix me convenant, trente et un euros la nuit, grâce à la réduction de moitié pour occupation d’un mois.
Je suis en avance. Jamais je ne peux m’attarder dans un appartement que je dois quitter. Je trouve refuge à l’Espace Côté Ouest. Comme à mon arrivée, il y a plus d’un mois. Ce matin, par bonheur, pas de musique pendant mon allongé verre d’eau croissant à trois euros soixante.
Sur la voie d’à côté, le petit train Fluo pour Metzeral laisse tourner son moteur diesel. Le Tégévé arrive de Paris. Il repart dans l’autre sens. Je suis du bon côté pour voir une dernière fois l’église Saint-Joseph, les villages de la Route du Vin, les châteaux de Ribeauvillé et le Haut-Koenigsbourg. Le chef de bord annonce que le train allemand avec lequel le nôtre doit s’accoupler à Strasbourg aura un retard de quinze minutes, lequel sera sexuellement transmissible au nôtre (j'image son propos fort décent). Nous stagnons donc à Strasbourg, moins qu’annoncé.
Une femme montée au dernier moment croque dans une baguette tradition et ça y est on va bientôt à fond vers Paris et vers le gris. « Combattez l’ennui en vous connectant au réseau ouifi » La femme à la baguette se plaint au chef de bord. On lui a envoyé un message avec un quart d’heure de retard, alors qu’il n’y en avait que dix, et donc elle a failli manquer son train. « Même quand tu réussis à diminuer le retard, tu te fais engueuler », commente le chef de bord. Elle porte un ticheurte Life Is Beautiful.
Elle en est déjà à la moitié de sa baguette quand je commence mon pan bagnat au thon de chez Éric Colle (quatre euros vingt). Cinq minutes seulement de retard à Paris et plus qu’un petit bout de baguette. Notre chef de bord fait son numéro de petit rigolo : il espère que tout s’est passé trainquillement et que notre voyage sera inouibliable.
J’ai deux heures pour aller de la Gare de l’Est à la Gare Saint-Lazare. C’est bien trop, et aucun endroit où boire un café à Saint-Laz depuis la fermeture d’A la Ville d’Argentan, mais c’était risqué de réserver dans le treize heures quarante. Pendant que j’attends le quatorze heures quarante passe la Députée pour qui j’ai voté, avec son sac à tout de l’Assemblée Nationale, qu’on sache bien que … Le téléphone greffé à l’oreille, elle se dirige vers les taxis.
Mon train Nomad est affiché à l’heure. Je trouve place dans la voiture Cinq. Il fait frais à Rouen. Arrivé à la maison, je monte à l’étage avec appréhension. Ouf !
Malheureusement, un souci imprévu marque mon retour : écran noir pour mon ordinateur portable (celui du bureau est hors d’usage depuis longtemps). Me voilà mal.
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Colmar, Rouffach, Munster, Metzeral, Sélestat, Ribeauvillé, Muhlbach-sur-Munster, Wintzenheim, Turckheim, Ingersheim, Riquewihr, Hunawihr, Zellenberg, Kaysersberg, Katzenthal, Orbey, Le Bonhomme, Lapoutroie, Col de la Schlucht, Kientzheim, Eguisheim, Saint-Hippolyte, Bergheim, Grand Ballon, Gérardmer, Gueberschwihr, Colmar.
26 juin 2025
Assis sur le muret de la boutique bio à côté de la Boulangerie Eric Colle, tandis que je mange mon pain au chocolat et bois mon café long, j’observe les habituels clients du petit matin : des hommes seuls, venus en voiture, habillés de façon négligée, peut-être pas lavés. Ils repartent avec leur baguette et leur tristesse. Dans le ciel, les deux montgolfières volent plus haut que d’habitude. La journée va être très chaude.
Je vais attendre le bus F de sept heures trois. Passe un adepte de la marche sportive. De sa boîte à musique sort Mon enfance de Jacques Brel Et la guerre arriva. Bizarre de se donner ça comme source d’énergie. Les cigognes du Bar du Marché en claquent du bec.
C’est mon dernier tour de ville à Colmar. Pas de matinaux pour me gêner ce mercredi, mais les poubelles sont de sortie et le soleil aussi évidemment. Photographier un bâtiment moitié à l’ombre moitié au soleil donne un résultat décevant.
Je ne rate pas la Maison des Têtes au sommet de laquelle est la statue d’un tonnelier due à Bartholdi (c’est aujourd’hui un Hôtel Relais & Châteaux cinq étoiles avec Restaurant Eric Girardin, un menu du jour entrée plat dessert au prix raisonnable de vingt-neuf euros), ni l’Ancienne Douane ou Koïfhus et sa toiture bourguignonne avec derrière la Fontaine Schwendi et sa statue due à Bartholdi, ni les « ici est né » « ici a vécu » Martin Schongauer et Jean Rapp.
Quand sonne huit heures à la Collégiale, je m’installe à la terrasse du Jupiter Café où je fais le point à l’aide de mon vieux Guide du Routard. Je n’ai pas tout vu de Colmar mais il fait déjà trop chaud pour que je poursuive ma visite. Je me contente d’entrer dans la Collégiale en grès jaune de Rouffach, « intérieur assez sobre et plutôt sombre », comme dit le Routard pour qui les rues qui l’entourent sont « agréables, fraîches et vivantes ». Fraîches ?
Ensuite, seconde terrasse de la matinée, une dernière fois au Café Rapp sur la place Rapp partiellement entourée de barrières. « Je crois qu’ils préparent le 14 juillet », dit la serveuse à une cliente. « Si tôt ? » « Oui, si tôt. » Encore un témoignage de la lenteur des gens de l’Est. Un quatuor composé de deux vieux couples me voisine. Les deux hommes prennent un café, les femmes rien ça ira comme ça. L’une est en communication avec sa petite-fille qui doit avoir dans les douze treize ans, si j’en juge par l’image. « C’est sur Ouate Sape que tu es là ? » « Nous on est à Colmar, tu regardes sur ton portable, c’est très joli » et elle épelle Colmar. Je reprends Balzac, Lettres à Madame Hanska Les billets de mille francs s’envolent comme des hirondelles. J’arrive au cahier photo du milieu du livre quand je cesse de lire. J’espère le reprendre en septembre, je ne sais où.
A midi, je retrouve la même table que l’autre jour, réservée cette fois via le réseau social Effe Bé, à la winstub Au Cygne, dans le jardin, à l’ombre. C’est la fille de la maison qui doit avoir dans les treize quatorze ans qui prend ma commande (nous sommes mercredi) : tomates farcies à la niçoise, assiette de viande froide (poulet, porc, veau) pommes grenailles et crudités, mousse glacée passion et un quart d’edelzwicker.
Derrière moi, une fille fête la fin de l’année scolaire avec quelqu’un de sa famille. Sa grand-mère a Alzheimer, sa mère qui a quarante et un an est prise en charge par les services sociaux, son frère est dans un foyer et son oncle, pas très net non plus. « Je suis passé entre les mailles du filet, si j’avais grandi dans cette famille, je ne sais pas ce que je serais devenue. » Elle vient de terminer ses études d’éducatrice.
A ma gauche, deux anciens chefs de chantier qui ont bossé là-haut, aux Trois Epis (où je n’ai pu aller faute d’horaire adapté du car Fluo), à la Mutuelle Générale de l’Education Nationale. « Oh la la, ça y allait ! » Ils draguaient toutes les profs déprimées. D’ailleurs, elles n’étaient pas déprimées. Elles venaient passer des vacances. « Ah la la, ce qu’on a pu faire ! »
Je rentre sous un soleil implacable (comme on dit). De toutes les journées les plus chaudes de la semaine, celle-là est la plus chaude.
*
Couples de Japonais : c’est toujours la dame qui porte une ombrelle, l’homme se contente d’un chapeau de paille, ou de rien.
*
Dans le passage souterrain de la voie ferrée, un tout nouveau graffiti : « Tout travail m’irrite sa mère ».
*
Balzac à Madame Hanska : Vous ne savez pas, car je ne crois pas vous l’avoir dit, que j’ai dit à ma famille, que je ne voulais recevoir personne, pas même eux, rue Fortunée, c’est accepté, je suis très heureux de ce résultat.
Je vais attendre le bus F de sept heures trois. Passe un adepte de la marche sportive. De sa boîte à musique sort Mon enfance de Jacques Brel Et la guerre arriva. Bizarre de se donner ça comme source d’énergie. Les cigognes du Bar du Marché en claquent du bec.
C’est mon dernier tour de ville à Colmar. Pas de matinaux pour me gêner ce mercredi, mais les poubelles sont de sortie et le soleil aussi évidemment. Photographier un bâtiment moitié à l’ombre moitié au soleil donne un résultat décevant.
Je ne rate pas la Maison des Têtes au sommet de laquelle est la statue d’un tonnelier due à Bartholdi (c’est aujourd’hui un Hôtel Relais & Châteaux cinq étoiles avec Restaurant Eric Girardin, un menu du jour entrée plat dessert au prix raisonnable de vingt-neuf euros), ni l’Ancienne Douane ou Koïfhus et sa toiture bourguignonne avec derrière la Fontaine Schwendi et sa statue due à Bartholdi, ni les « ici est né » « ici a vécu » Martin Schongauer et Jean Rapp.
Quand sonne huit heures à la Collégiale, je m’installe à la terrasse du Jupiter Café où je fais le point à l’aide de mon vieux Guide du Routard. Je n’ai pas tout vu de Colmar mais il fait déjà trop chaud pour que je poursuive ma visite. Je me contente d’entrer dans la Collégiale en grès jaune de Rouffach, « intérieur assez sobre et plutôt sombre », comme dit le Routard pour qui les rues qui l’entourent sont « agréables, fraîches et vivantes ». Fraîches ?
Ensuite, seconde terrasse de la matinée, une dernière fois au Café Rapp sur la place Rapp partiellement entourée de barrières. « Je crois qu’ils préparent le 14 juillet », dit la serveuse à une cliente. « Si tôt ? » « Oui, si tôt. » Encore un témoignage de la lenteur des gens de l’Est. Un quatuor composé de deux vieux couples me voisine. Les deux hommes prennent un café, les femmes rien ça ira comme ça. L’une est en communication avec sa petite-fille qui doit avoir dans les douze treize ans, si j’en juge par l’image. « C’est sur Ouate Sape que tu es là ? » « Nous on est à Colmar, tu regardes sur ton portable, c’est très joli » et elle épelle Colmar. Je reprends Balzac, Lettres à Madame Hanska Les billets de mille francs s’envolent comme des hirondelles. J’arrive au cahier photo du milieu du livre quand je cesse de lire. J’espère le reprendre en septembre, je ne sais où.
A midi, je retrouve la même table que l’autre jour, réservée cette fois via le réseau social Effe Bé, à la winstub Au Cygne, dans le jardin, à l’ombre. C’est la fille de la maison qui doit avoir dans les treize quatorze ans qui prend ma commande (nous sommes mercredi) : tomates farcies à la niçoise, assiette de viande froide (poulet, porc, veau) pommes grenailles et crudités, mousse glacée passion et un quart d’edelzwicker.
Derrière moi, une fille fête la fin de l’année scolaire avec quelqu’un de sa famille. Sa grand-mère a Alzheimer, sa mère qui a quarante et un an est prise en charge par les services sociaux, son frère est dans un foyer et son oncle, pas très net non plus. « Je suis passé entre les mailles du filet, si j’avais grandi dans cette famille, je ne sais pas ce que je serais devenue. » Elle vient de terminer ses études d’éducatrice.
A ma gauche, deux anciens chefs de chantier qui ont bossé là-haut, aux Trois Epis (où je n’ai pu aller faute d’horaire adapté du car Fluo), à la Mutuelle Générale de l’Education Nationale. « Oh la la, ça y allait ! » Ils draguaient toutes les profs déprimées. D’ailleurs, elles n’étaient pas déprimées. Elles venaient passer des vacances. « Ah la la, ce qu’on a pu faire ! »
Je rentre sous un soleil implacable (comme on dit). De toutes les journées les plus chaudes de la semaine, celle-là est la plus chaude.
*
Couples de Japonais : c’est toujours la dame qui porte une ombrelle, l’homme se contente d’un chapeau de paille, ou de rien.
*
Dans le passage souterrain de la voie ferrée, un tout nouveau graffiti : « Tout travail m’irrite sa mère ».
*
Balzac à Madame Hanska : Vous ne savez pas, car je ne crois pas vous l’avoir dit, que j’ai dit à ma famille, que je ne voulais recevoir personne, pas même eux, rue Fortunée, c’est accepté, je suis très heureux de ce résultat.
25 juin 2025
C’est bientôt la fin de ma tournée d’adieu à l’Alsace, pendant laquelle je serai passé une dernière fois dans la plupart des lieux que je voulais revoir. Ceux laissés de côté, pas de premier ordre, l’ont été pour cause de transport public inadapté.
Le moment est venu de redécouvrir Colmar. Aussi attends-je ce mardi matin le premier bus F, celui de sept heures trois (le suivant dans quarante-quatre minutes). J’en descends à Champ-de-Mars et traverse celui-ci pour rejoindre le Marché Couvert et la Petite Venise (assurément petite).
Impossible d’être totalement seul à cette heure matutinale. Quelques touristes asiatiques sont déjà là. Les hommes mettent un temps fou pour faire une photo de leur femme ou de leur fille. Eux ne se font pas photographier.
Assez vite, je m’assois sur un banc à l’ombre. « Vous écrivez vos pensées du matin ? » me demande un homme bien français qui marche les mains croisées derrière le dos. « Ça doit être ça », lui réponds-je peu désireux d’engager la conversation.
Je rejoins ensuite la place Unterlinden où est une des rares pharmacies de la ville, toujours des médicaments à renouveler, puis je m’assois à nouveau sur un banc à l’ombre, face à la Pâtisserie du Musée, qui elle-même ressemble à un gâteau crémeux. Il est neuf heures, le moment où apparaissent les premiers groupes cornaqués (scolaires et retraités), les quatuors composés de deux vieux couples, les jeunes couples sans enfant et quelques-un(e)s qui vont travailler. Petit Train Blanc et Petit Train Vert s’apprêtent à se disputer la même clientèle. Ils ne s’aiment pas, ne se disent pas bonjour. Petit Train Vert gagne la première manche, démarrant à moitié plein, alors que Petit Train Blanc reste vide.
A dix heures moins le quart, par la rue des Têtes, je rejoins le Café Rapp que j’espère ouvert. Il l’est à peine. Je choisis une place à l’ombre un peu ventée pour un expresso verre d’eau Balzac. Ce sera en 1849, à l’âge de 50 ans, au beau milieu de ma vie. écrit-il le lundi trente et un mai mil huit cent quarante-sept. Il mourra en mil huit cent cinquante, trois ans plus tard.
Dix heures sonnent à la Collégiale que je suis encore le seul client de l’immense terrasse, avantage de l’excentricité de ce lieu. Passe un vieux avec un ticheurte « Je vois la vie en Vosges ».
A onze heures démarrent les jets d’eau et la journée du Café Rapp. A la table d’à côté des Belges, dont l’un dit aux autres : « Sinon, si tu veux voir un beau truc, c’est à une heure de route d’ici, c’est le lac de Gérardmer. »
A midi, une table m’attend chez Meistermann, que j’ai réservée à l’intérieur climatisé. Au menu du jour : croque-monsieur, cuisse de poulet basquaise, verrine orange chocolat. Félix n’est pas là. Un couple occupe sa table. Je m’inquiète. Trois groupes d’Asiatiques, dont un qui mange à l’étage, et un trio d’Asiatiques avec un bébé, composent plus de la moitié de la clientèle du restaurant ce mardi midi. Ce dernier repas est excellent, comme les précédents.
A l’issue, je rejoins l’arrêt du Champ-de-Mars et n’ai que dix minutes à attendre pour voir arriver un bus F qui me ramène à Saint-Joseph dans un appartement aussi chaud que les jours précédents.
*
Revoir ou non Strasbourg ? J’ai hésité, mais la chaleur m’a fait renoncer. Je resterai sur les souvenirs de mes passages là-bas avec celles qui m’ont tenu la main et sur mon séjour d’une semaine seul dans un petit hôtel près de la Cathédrale au temps du Tégévé Rouen Strasbourg, un hiver, quand son Marché de Noël n’était pas aussi couru (l’invitée d’honneur était la Russie).
Celui de Colmar est également victime de surfréquentation, m’a raconté l’homme qui m’a offert un café à Rouffach. Impossible de se croiser à pied dans les rues qui y mènent. La municipalité envisage de le rendre payant pour diminuer l’affluence, m’a-t-il dit.
*
Entre le Café Rapp et le Restaurant Meistermann, une cabine bleue sert de boîtes à livres. Dedans ce mardi matin : Femmes de Nizar Kabbani, en édition bilingue arabe français chez Arfuyen avec une préface de Vénus Khoury-Ghata. Je le mets dans ma poche.
*
Balzac à Madame Hanska : Il faut absolument me médiquer. (Sauvons les mots en voie de disparition)
« Le verbe « médiquer » est à éviter parce qu'il constitue un calque morphosémantique de l'anglais « to medicate » qui entre inutilement en concurrence avec le verbe français « médicamenter ». », s’insurge l’Office Québécois de la Langue Française.
Le moment est venu de redécouvrir Colmar. Aussi attends-je ce mardi matin le premier bus F, celui de sept heures trois (le suivant dans quarante-quatre minutes). J’en descends à Champ-de-Mars et traverse celui-ci pour rejoindre le Marché Couvert et la Petite Venise (assurément petite).
Impossible d’être totalement seul à cette heure matutinale. Quelques touristes asiatiques sont déjà là. Les hommes mettent un temps fou pour faire une photo de leur femme ou de leur fille. Eux ne se font pas photographier.
Assez vite, je m’assois sur un banc à l’ombre. « Vous écrivez vos pensées du matin ? » me demande un homme bien français qui marche les mains croisées derrière le dos. « Ça doit être ça », lui réponds-je peu désireux d’engager la conversation.
Je rejoins ensuite la place Unterlinden où est une des rares pharmacies de la ville, toujours des médicaments à renouveler, puis je m’assois à nouveau sur un banc à l’ombre, face à la Pâtisserie du Musée, qui elle-même ressemble à un gâteau crémeux. Il est neuf heures, le moment où apparaissent les premiers groupes cornaqués (scolaires et retraités), les quatuors composés de deux vieux couples, les jeunes couples sans enfant et quelques-un(e)s qui vont travailler. Petit Train Blanc et Petit Train Vert s’apprêtent à se disputer la même clientèle. Ils ne s’aiment pas, ne se disent pas bonjour. Petit Train Vert gagne la première manche, démarrant à moitié plein, alors que Petit Train Blanc reste vide.
A dix heures moins le quart, par la rue des Têtes, je rejoins le Café Rapp que j’espère ouvert. Il l’est à peine. Je choisis une place à l’ombre un peu ventée pour un expresso verre d’eau Balzac. Ce sera en 1849, à l’âge de 50 ans, au beau milieu de ma vie. écrit-il le lundi trente et un mai mil huit cent quarante-sept. Il mourra en mil huit cent cinquante, trois ans plus tard.
Dix heures sonnent à la Collégiale que je suis encore le seul client de l’immense terrasse, avantage de l’excentricité de ce lieu. Passe un vieux avec un ticheurte « Je vois la vie en Vosges ».
A onze heures démarrent les jets d’eau et la journée du Café Rapp. A la table d’à côté des Belges, dont l’un dit aux autres : « Sinon, si tu veux voir un beau truc, c’est à une heure de route d’ici, c’est le lac de Gérardmer. »
A midi, une table m’attend chez Meistermann, que j’ai réservée à l’intérieur climatisé. Au menu du jour : croque-monsieur, cuisse de poulet basquaise, verrine orange chocolat. Félix n’est pas là. Un couple occupe sa table. Je m’inquiète. Trois groupes d’Asiatiques, dont un qui mange à l’étage, et un trio d’Asiatiques avec un bébé, composent plus de la moitié de la clientèle du restaurant ce mardi midi. Ce dernier repas est excellent, comme les précédents.
A l’issue, je rejoins l’arrêt du Champ-de-Mars et n’ai que dix minutes à attendre pour voir arriver un bus F qui me ramène à Saint-Joseph dans un appartement aussi chaud que les jours précédents.
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Revoir ou non Strasbourg ? J’ai hésité, mais la chaleur m’a fait renoncer. Je resterai sur les souvenirs de mes passages là-bas avec celles qui m’ont tenu la main et sur mon séjour d’une semaine seul dans un petit hôtel près de la Cathédrale au temps du Tégévé Rouen Strasbourg, un hiver, quand son Marché de Noël n’était pas aussi couru (l’invitée d’honneur était la Russie).
Celui de Colmar est également victime de surfréquentation, m’a raconté l’homme qui m’a offert un café à Rouffach. Impossible de se croiser à pied dans les rues qui y mènent. La municipalité envisage de le rendre payant pour diminuer l’affluence, m’a-t-il dit.
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Entre le Café Rapp et le Restaurant Meistermann, une cabine bleue sert de boîtes à livres. Dedans ce mardi matin : Femmes de Nizar Kabbani, en édition bilingue arabe français chez Arfuyen avec une préface de Vénus Khoury-Ghata. Je le mets dans ma poche.
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Balzac à Madame Hanska : Il faut absolument me médiquer. (Sauvons les mots en voie de disparition)
« Le verbe « médiquer » est à éviter parce qu'il constitue un calque morphosémantique de l'anglais « to medicate » qui entre inutilement en concurrence avec le verbe français « médicamenter ». », s’insurge l’Office Québécois de la Langue Française.
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