Les cigognes du Café du Marché claquent du bec quand passe la montgolfière ce samedi matin au-dessus de la Halte Ferroviaire de Saint-Joseph. J’attends le petit train Fluo de six heures cinquante pour la Gare de Colmar. C’est l’été, il va faire très chaud, le jour parfait pour atteindre le sommet des Vosges par une boucle nécessitant deux trajets en train et quatre trajets en car. Pour la première fois, je laisse Balzac à la maison.
A la Gare, je prends le car Fluo partant à sept heures trente qui passe par Kaysersberg, Orbey et Le Bonhomme et mène au Lac Blanc (Col du Calvaire) d’où démarre la Navette des Crêtes qui suit la Route des Crêtes. « J’ai un billet de train », dis-je au chauffeur. « Allez-y », me dit-il sans vérifier. Nous sommes quatre voyageurs. Un autre monte à Orbey. On passe au-dessus du Lac Blanc que je suis heureux de revoir et on arrive à la Station du Lac Blanc où j’apprends que c’est le même car qui devient Navette des Crêtes, faisant la route jusqu’au Grand Ballon en passant par le Col de la Schlucht et la Station du Markstein.
Nous repartons à huit heures quarante avec peu de monde. Des randonneurs ont tellement l’habitude de porter un sac à dos qu’ils ne l’enlèvent pas dans le car. A chaque arrêt, c’est un peu qui descendent, un peu qui montent. Beaucoup de forêts, on ne voit au loin que lors de rares trouées. Ça remonte après la Schlucht. Le car a du mal. Un arrêt un peu prolongé au Pied du Hohneck. Des voitures garées partout. Superbes vues après le Pied du Hohneck, sur le lac de la Lande, le lac de Blanchemer et le lac de Kruth. Au loin, le radar du Grand Ballon se fait voir. De l’autre côté de la route, le lac de la Lauch. Passage à la Station du Markstein. Col du Haag. Nous sommes trois à descendre à l’arrivée, au bout de quarante-deux kilomètres à petite vitesse.
Un sentier pierreux me permet de monter pédestrement en vingt minutes en haut du Grand Ballon. Me voici au sommet des Vosges à mille quatre cent vingt-quatre mètres d'altitude. Le tour du radar permet une vue panoramique sur les lointains, même si le ciel est un peu voilé. Vue aussi en contrebas sur le Monument aux Diables Bleus (les Chasseurs Alpins). Quand je redescends les marches du radar, je me rencontre avec un groupe de Kanaks drapeau au vent. « Vous le reconnaissez ce drapeau ? C’est le drapeau des indépendantistes calédoniens », me dit l’un. « Vous êtes venus prendre possession du Grand Ballon ? » (rires) comme on écrit dans les compte-rendu journalistiques. Mes pieds me font souffrir dans la descente.
Des motos, des motos, des motos partout devant le bar du Grand Ballon, même sur l’arrêt du car. Pas une motarde, que des couillus, presque tous Allemands. Ils sont mieux entre eux qu’avec leur femme, ou même avec une autre. Je prendrais bien un café mais c’est service au comptoir, il faudrait se mettre à la file derrière ce troupeau. Je m’y refuse. Je monte à l’étage à une terrasse inemployée dont j’ai l’usage pour moi seul. Vue sur la plaine d’Alsace et la Forêt Noire. Il ne fait pas vraiment moins chaud à cette altitude.
Un car de la Navette doit repartir à onze heures dix, dont la conductrice fait dégager les motos. Elle va s’acheter un café. « Vous avez un ticket ? » me demande-t-elle quand elle revient. « J’ai un billet de train. » « Okay. » Je peux monter m’asseoir avant l’heure du départ. Je suis le seul voyageur quand elle démarre et je fais tout le voyage en solo avec elle jusqu’au Col de la Schlucht où je descends. Je bois un allongé verre d’eau servi à table à la terrasse du Tétras face à l’église, en regardant passer les courageux randonneurs. Ici aussi trop de motos, des cyclistes et un bon lot de familles vulgaires.
A douze heures quarante-deux, je prends le car Fluo pour Munster. Là encore, je suis seul avec le chauffeur qui ne fait aucune difficulté pour mon billet de train. La descente est impressionnante jusqu’à la vallée (l’autre jour, c’était dans la brume). J’arrive à Côté Gare à treize heures trente. Un peu sonné, comme si j’avais conduit toute la matinée.
Je commande une pizza Montagnarde (au munster) et un quart d’edelzwicker. Je suis mieux ici que là-haut, même si à la table voisine sont cinq motards allemands. La serveuse qui m’appelle « l’artiste » n’est pas là, mais celle qui s’occupe de moi, une étrangère à l’accent indéfinissable, peut-être Anglaise, peut-être Ukrainienne, est tout à fait sympathique. « Are you a writer ? Vous êtes écrivain ? », me demande-t-elle au moment où je paie. « Un petit peu, lui dis-je, je raconte mon voyage, je dis du bien de votre restaurant. »
Direction la Gare, j’explore la cabane aux livres en vain et m’assois sur un banc pour attendre le petit train Fluo de quatorze heures trente pour Colmar. A côté de moi, trois jolies collégiennes parlent d’une autre dont le père accepte qu’elle boive un Picon. « Quand même, à quatorze ans, ça se fait pas. » Elles trouvent que vingt et une minutes à pied de la Gare pour aller au centre de Colmar, c’est beaucoup. Je leur apprends l’existence de la navette gratuite et leur dis où la trouver. « Ah cool, on va faire ça ! »
Je descends à Saint-Joseph, la boucle est bouclée.
*
Au Markstein, une Gendarmerie fermée avec près de sa porte une boîte à clés.
*
En juillet août, la Navette des Crêtes circule tous les jours. Avec un meilleur succès, je l’espère, pour la Région Grand Est.
A la Gare, je prends le car Fluo partant à sept heures trente qui passe par Kaysersberg, Orbey et Le Bonhomme et mène au Lac Blanc (Col du Calvaire) d’où démarre la Navette des Crêtes qui suit la Route des Crêtes. « J’ai un billet de train », dis-je au chauffeur. « Allez-y », me dit-il sans vérifier. Nous sommes quatre voyageurs. Un autre monte à Orbey. On passe au-dessus du Lac Blanc que je suis heureux de revoir et on arrive à la Station du Lac Blanc où j’apprends que c’est le même car qui devient Navette des Crêtes, faisant la route jusqu’au Grand Ballon en passant par le Col de la Schlucht et la Station du Markstein.
Nous repartons à huit heures quarante avec peu de monde. Des randonneurs ont tellement l’habitude de porter un sac à dos qu’ils ne l’enlèvent pas dans le car. A chaque arrêt, c’est un peu qui descendent, un peu qui montent. Beaucoup de forêts, on ne voit au loin que lors de rares trouées. Ça remonte après la Schlucht. Le car a du mal. Un arrêt un peu prolongé au Pied du Hohneck. Des voitures garées partout. Superbes vues après le Pied du Hohneck, sur le lac de la Lande, le lac de Blanchemer et le lac de Kruth. Au loin, le radar du Grand Ballon se fait voir. De l’autre côté de la route, le lac de la Lauch. Passage à la Station du Markstein. Col du Haag. Nous sommes trois à descendre à l’arrivée, au bout de quarante-deux kilomètres à petite vitesse.
Un sentier pierreux me permet de monter pédestrement en vingt minutes en haut du Grand Ballon. Me voici au sommet des Vosges à mille quatre cent vingt-quatre mètres d'altitude. Le tour du radar permet une vue panoramique sur les lointains, même si le ciel est un peu voilé. Vue aussi en contrebas sur le Monument aux Diables Bleus (les Chasseurs Alpins). Quand je redescends les marches du radar, je me rencontre avec un groupe de Kanaks drapeau au vent. « Vous le reconnaissez ce drapeau ? C’est le drapeau des indépendantistes calédoniens », me dit l’un. « Vous êtes venus prendre possession du Grand Ballon ? » (rires) comme on écrit dans les compte-rendu journalistiques. Mes pieds me font souffrir dans la descente.
Des motos, des motos, des motos partout devant le bar du Grand Ballon, même sur l’arrêt du car. Pas une motarde, que des couillus, presque tous Allemands. Ils sont mieux entre eux qu’avec leur femme, ou même avec une autre. Je prendrais bien un café mais c’est service au comptoir, il faudrait se mettre à la file derrière ce troupeau. Je m’y refuse. Je monte à l’étage à une terrasse inemployée dont j’ai l’usage pour moi seul. Vue sur la plaine d’Alsace et la Forêt Noire. Il ne fait pas vraiment moins chaud à cette altitude.
Un car de la Navette doit repartir à onze heures dix, dont la conductrice fait dégager les motos. Elle va s’acheter un café. « Vous avez un ticket ? » me demande-t-elle quand elle revient. « J’ai un billet de train. » « Okay. » Je peux monter m’asseoir avant l’heure du départ. Je suis le seul voyageur quand elle démarre et je fais tout le voyage en solo avec elle jusqu’au Col de la Schlucht où je descends. Je bois un allongé verre d’eau servi à table à la terrasse du Tétras face à l’église, en regardant passer les courageux randonneurs. Ici aussi trop de motos, des cyclistes et un bon lot de familles vulgaires.
A douze heures quarante-deux, je prends le car Fluo pour Munster. Là encore, je suis seul avec le chauffeur qui ne fait aucune difficulté pour mon billet de train. La descente est impressionnante jusqu’à la vallée (l’autre jour, c’était dans la brume). J’arrive à Côté Gare à treize heures trente. Un peu sonné, comme si j’avais conduit toute la matinée.
Je commande une pizza Montagnarde (au munster) et un quart d’edelzwicker. Je suis mieux ici que là-haut, même si à la table voisine sont cinq motards allemands. La serveuse qui m’appelle « l’artiste » n’est pas là, mais celle qui s’occupe de moi, une étrangère à l’accent indéfinissable, peut-être Anglaise, peut-être Ukrainienne, est tout à fait sympathique. « Are you a writer ? Vous êtes écrivain ? », me demande-t-elle au moment où je paie. « Un petit peu, lui dis-je, je raconte mon voyage, je dis du bien de votre restaurant. »
Direction la Gare, j’explore la cabane aux livres en vain et m’assois sur un banc pour attendre le petit train Fluo de quatorze heures trente pour Colmar. A côté de moi, trois jolies collégiennes parlent d’une autre dont le père accepte qu’elle boive un Picon. « Quand même, à quatorze ans, ça se fait pas. » Elles trouvent que vingt et une minutes à pied de la Gare pour aller au centre de Colmar, c’est beaucoup. Je leur apprends l’existence de la navette gratuite et leur dis où la trouver. « Ah cool, on va faire ça ! »
Je descends à Saint-Joseph, la boucle est bouclée.
*
Au Markstein, une Gendarmerie fermée avec près de sa porte une boîte à clés.
*
En juillet août, la Navette des Crêtes circule tous les jours. Avec un meilleur succès, je l’espère, pour la Région Grand Est.