Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
14 novembre 2025
L’exposition hommage à Clovis Trouille organisé par la Galerie Arts Factory à l'occasion du cinquantième anniversaire de la mort de celui-ci se termine le quinze novembre. Il est temps d’y aller, me suis-je dit à Paris ce mercredi, car j’aime cet artiste qui se désignait voyant, voyou et voyeur, qui fut un temps associé au mouvement surréaliste (qualifié de grand maître du tout est permis par André Breton) et qui s’en éloigna rapidement préférant n'adhérer qu'à lui-même.
Mon sac confié à l’homme de l’accueil, je passe de l’étage au sous-sol où quinze artistes revisitent son œuvre entre détournements, réappropriations et relectures. Ce sont Gilles Berquet, Stéphane Blanquet, Pakito Bolino, Marie-Pierre Brunel, Coco, Foolz, Gérard Lattier, Mïrka Lugosi, Maya McCallum, Stu Mead, Moolinex, Jean-Luc Navette, Tom de Pékin, Amandine Urruty et Anne Van Der Linden.
L’ensemble est complété par des documents d'archives, des reproductions et des éditions limitées. Une place particulière est accordée au peintre Gérard Lattier, aujourd'hui âgé de quatre-vingt-sept ans, qui entretint au cours des années soixante une correspondance avec Clovis Trouille.
Beaucoup des œuvres présentées sont vendues. Une qui ne l’est pas me plaît bien, le grand tableau d’Anne Van Der Linden Un p’tit air de Mona Lisa. Elle l’a cette femme près de qui un homme nu se branle sous le regard baveux d’un chien tandis qu’à l’arrière-plan une innocente cueille la pomme.
*
Souvenir de l’exposition Clovis Trouille que je vis un mercredi, bien accompagné, au Musée de Picardie à Amiens. C’était en août deux mille quatorze.
Mon sac confié à l’homme de l’accueil, je passe de l’étage au sous-sol où quinze artistes revisitent son œuvre entre détournements, réappropriations et relectures. Ce sont Gilles Berquet, Stéphane Blanquet, Pakito Bolino, Marie-Pierre Brunel, Coco, Foolz, Gérard Lattier, Mïrka Lugosi, Maya McCallum, Stu Mead, Moolinex, Jean-Luc Navette, Tom de Pékin, Amandine Urruty et Anne Van Der Linden.
L’ensemble est complété par des documents d'archives, des reproductions et des éditions limitées. Une place particulière est accordée au peintre Gérard Lattier, aujourd'hui âgé de quatre-vingt-sept ans, qui entretint au cours des années soixante une correspondance avec Clovis Trouille.
Beaucoup des œuvres présentées sont vendues. Une qui ne l’est pas me plaît bien, le grand tableau d’Anne Van Der Linden Un p’tit air de Mona Lisa. Elle l’a cette femme près de qui un homme nu se branle sous le regard baveux d’un chien tandis qu’à l’arrière-plan une innocente cueille la pomme.
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Souvenir de l’exposition Clovis Trouille que je vis un mercredi, bien accompagné, au Musée de Picardie à Amiens. C’était en août deux mille quatorze.
13 novembre 2025
Faute de tarif adapté dans mon habituel, j’innove ce mercredi en prenant le train Nomad de huit heures pour Paris et en voyageant à l’étage, arrivée prévue dans la capitale à neuf heures vingt. J’y lis Blesse, ronce noire de Claude Louis-Combet. Ma voisine d’outre couloir, qui porte une perruque pour masquer la calvitie due à un traitement anticancer, lit la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne d’Olympe de Gouges. La Députée, Socialiste, voyage en première pour aller voter la suspension de la réforme des retraites.
Un ciel bleu accompagne l’arrivée à Paris. Le bus Vingt-Neuf part dès que je suis assis. Une jeune bourgeoise veut descendre à Victoires. Elle ne sait pas prendre le bus, dit-elle au chauffeur. « Ça sera annoncé », lui dit-il. Bien qu’elle n’ait pas sonné, il s’arrête. Elle descend par la porte avant sans un mot. « Même pas au revoir », constate-t-il.
Je reste peu au Marché d’Aligre où Emile essaie de se débarrasser de ses vieilleries en vendant un euro le livre. Au Camélia, où je bois un café au comptoir, l’habituelle vieille petite dilapide sa retraite dans les jeux à perdre. « Ah ! ils ont raison quand ils disent qu’on ne gagne jamais », soliloque-t-elle. Je lis dans Le Parisien comment les spectateurs de la Cinémathèque ont été dévorés par des punaises de lit en présence de Sigourney Weaver (ce n’est pas une défèque niouze russe).
A onze heures moins cinq, je suis devant chez Tonton Lulu où j’ai rendez-vous avec l’un à qui j’ai vendu trois livres pour la mirifique somme de huit euros. La transaction effectuée, direction Book-Off où je ne dépense qu’un euro pour Parce que la nuit de Chloé Thomas (Bibliothèque Rivages).
De là non loin au Rallye où je commande mon sempiternel hareng pomme à l’huile, confit de canard pommes sautées et café. Sorti de ce Péhemmu chinois, je remonte la rue de Charonne jusqu’à Arts Factory. La visite de l’exposition en cours terminée, je rejoins l’arrêt de bus du Soixante-Seize en face du Rallye. Un arrive dans lequel je monte pour rejoindre l’Hôtel de Ville.
On entend toujours le bruit des travaux de la future boulangerie au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, moins fort heureusement. Parmi les livres à un euro, je trouve d’abord Portrait d’une femme romanesque Jean Voilier de Célia Bertin (Editions de Fallois) puis, perdu dans les romans, Vider les lieux d’Olivier Rolin (Gallimard) au moment même où sur Fip Jane Birkin chante Encore lui, une chanson mauvais genre signé malsain Gainsbourg, comme le nommait David McNeil. Ma dernière lecture de lit est précisément le journal de Jane Birkin, Post-scriptum. Un journal on ne peut plus intime où l’on en apprend beaucoup sur elle-même, sur les hommes qui ont partagé sa vie, Serge Gainsbourg, Jacques Doillon et Olivier Rolin et sur ses filles, Kate, Charlotte et Lou. Quand la première se suicide, elle cesse d’écrire.
L’Importun m’accueille encore une fois pour un café verre d’eau lecture. J’achève Blesse, ronce noire de Claude Louis-Combet, un récit inspiré par l’histoire de Georg Trakl et de sa sœur et qui se terminera donc mal. Il ne tenait qu’à elle de s’arrêter sur le chemin, elle le ferait bientôt, de se retourner vers son frère, d’ouvrir sa robe et de dire, ainsi qu’elle l’avait écrit : Prends, je t’appartiens, prends cette sœur qui t’es réservée, et blesse, blesse-moi, ronce noire.
*
Sur le trottoir de la rue de Charonne, une cabane en carton sur laquelle est inscrit : « Abri de SDF. Merci de ne pas uriner. »
Un ciel bleu accompagne l’arrivée à Paris. Le bus Vingt-Neuf part dès que je suis assis. Une jeune bourgeoise veut descendre à Victoires. Elle ne sait pas prendre le bus, dit-elle au chauffeur. « Ça sera annoncé », lui dit-il. Bien qu’elle n’ait pas sonné, il s’arrête. Elle descend par la porte avant sans un mot. « Même pas au revoir », constate-t-il.
Je reste peu au Marché d’Aligre où Emile essaie de se débarrasser de ses vieilleries en vendant un euro le livre. Au Camélia, où je bois un café au comptoir, l’habituelle vieille petite dilapide sa retraite dans les jeux à perdre. « Ah ! ils ont raison quand ils disent qu’on ne gagne jamais », soliloque-t-elle. Je lis dans Le Parisien comment les spectateurs de la Cinémathèque ont été dévorés par des punaises de lit en présence de Sigourney Weaver (ce n’est pas une défèque niouze russe).
A onze heures moins cinq, je suis devant chez Tonton Lulu où j’ai rendez-vous avec l’un à qui j’ai vendu trois livres pour la mirifique somme de huit euros. La transaction effectuée, direction Book-Off où je ne dépense qu’un euro pour Parce que la nuit de Chloé Thomas (Bibliothèque Rivages).
De là non loin au Rallye où je commande mon sempiternel hareng pomme à l’huile, confit de canard pommes sautées et café. Sorti de ce Péhemmu chinois, je remonte la rue de Charonne jusqu’à Arts Factory. La visite de l’exposition en cours terminée, je rejoins l’arrêt de bus du Soixante-Seize en face du Rallye. Un arrive dans lequel je monte pour rejoindre l’Hôtel de Ville.
On entend toujours le bruit des travaux de la future boulangerie au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, moins fort heureusement. Parmi les livres à un euro, je trouve d’abord Portrait d’une femme romanesque Jean Voilier de Célia Bertin (Editions de Fallois) puis, perdu dans les romans, Vider les lieux d’Olivier Rolin (Gallimard) au moment même où sur Fip Jane Birkin chante Encore lui, une chanson mauvais genre signé malsain Gainsbourg, comme le nommait David McNeil. Ma dernière lecture de lit est précisément le journal de Jane Birkin, Post-scriptum. Un journal on ne peut plus intime où l’on en apprend beaucoup sur elle-même, sur les hommes qui ont partagé sa vie, Serge Gainsbourg, Jacques Doillon et Olivier Rolin et sur ses filles, Kate, Charlotte et Lou. Quand la première se suicide, elle cesse d’écrire.
L’Importun m’accueille encore une fois pour un café verre d’eau lecture. J’achève Blesse, ronce noire de Claude Louis-Combet, un récit inspiré par l’histoire de Georg Trakl et de sa sœur et qui se terminera donc mal. Il ne tenait qu’à elle de s’arrêter sur le chemin, elle le ferait bientôt, de se retourner vers son frère, d’ouvrir sa robe et de dire, ainsi qu’elle l’avait écrit : Prends, je t’appartiens, prends cette sœur qui t’es réservée, et blesse, blesse-moi, ronce noire.
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Sur le trottoir de la rue de Charonne, une cabane en carton sur laquelle est inscrit : « Abri de SDF. Merci de ne pas uriner. »
11 novembre 2025
Me revoici ce lundi matin à la pharmacie Anton et Willem afin d’être repiqué deux fois. La pharmacienne qui s’occupe de moi est la même. Un tas de formalités à remplir via l’ordinateur puis nous sommes tous les deux dans le réduit du bas de l’escalier où je lui présente successivement mes épaules. La droite pour la vaccination sans effet secondaire, celle contre les pneumocoques avec le Prevenar 20. La gauche, sur laquelle je ne dors pas, pour la vaccination qui peut être suivie d’un peu de douleur, celle contre le zona avec le nouveau vaccin Shingrix qui serait efficace à plus de quatre-vingt-dix-sept pour cent.
Le virus du zona est celui de la varicelle, cette maladie que, comme beaucoup, j’ai eu enfant. Après la guérison, le virus de cette varicelle « reste quiescent dans les ganglions nerveux », explique Ouiquipédia et peut resurgir pour donner un zona d’autant plus facilement que l’on est vieux. Je découvre le mot quiescent, lequel signifie « qui n’est pas en action, au repos ».
Je n’en ai pas terminé avec les piqûres en haut des bras car la vaccination contre le zona nécessite une seconde injection dans trois mois et à cette date il sera également nécessaire de me faire une nouvelle injection du vaccin contre le tétanos. Rendez-vous est donc pris pour peu avant l’anniversaire de ma naissance. « Est-ce que je prévois des bougies ? » me demande la pharmacienne.
*
A propos d’anniversaire, ce onze novembre deux mille vingt-cinq est celui de mon Journal : dix-neuf ans.
Le virus du zona est celui de la varicelle, cette maladie que, comme beaucoup, j’ai eu enfant. Après la guérison, le virus de cette varicelle « reste quiescent dans les ganglions nerveux », explique Ouiquipédia et peut resurgir pour donner un zona d’autant plus facilement que l’on est vieux. Je découvre le mot quiescent, lequel signifie « qui n’est pas en action, au repos ».
Je n’en ai pas terminé avec les piqûres en haut des bras car la vaccination contre le zona nécessite une seconde injection dans trois mois et à cette date il sera également nécessaire de me faire une nouvelle injection du vaccin contre le tétanos. Rendez-vous est donc pris pour peu avant l’anniversaire de ma naissance. « Est-ce que je prévois des bougies ? » me demande la pharmacienne.
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A propos d’anniversaire, ce onze novembre deux mille vingt-cinq est celui de mon Journal : dix-neuf ans.
10 novembre 2025
Un café lecture le samedi matin à Sotteville-lès-Rouen au Rocher de Cancale, c’est le moment de reprendre cette agréable habitude d’automne hiver. Comme j’ai un courrier à poster rue de la Jeanne, c’est avec le métro que je rejoins la banlieue. Une femme y parle fort au téléphone avec une semblable et tout le monde en profite via le haut-parleur. On est heureux d’apprendre que sa correspondante va passer l’aspi.
Peu de monde au Rocher de Cancale. La patronne, Martine, me serre la main comme autrefois et le serveur m’apporte mon café et mon verre d’eau. La p’tite serveuse gentille et naïve n’est plus là. Il y a eu bisbille. Elle est partie (ou s’est fait renvoyer), ai-je entendu un jour d’été où je déjeunais ici avec une ancienne collègue, elle aussi à la retraite.
Martine parle d’une jeune femme de trente-cinq ans qui est morte d’un avécé la nuit à côté de son mari. « En plus, elle était jolie. » « Remarque, elle aurait été moche, c’est pareil. » Je lis Dominique Aury d’Angie David à ma table préférée près du radiateur. Cette biographie de l’auteure d’Histoire d’O et maîtresse de Jean Paulhan est bien construite. J’en suis à la page deux cent quarante-deux sur cinq cent cinquante et un. Premier travail de critique régulier, dans une publication d’extrême droite, ce qui d’ailleurs ne la gêne pas du tout. Ses articles portent sur les grandes expositions de l’année 1937… Dans la clientèle on dit du bien du facteur qui apporte un recommandé. « Il est gentil, ce p’tit facteur-là. » « Il est posé. » « Oui, il est posé. »
Être posé ou prendre la pose. Une mariée en blanc choisit la seconde option quand, sorti du Rocher, je passe devant l’Hôtel de Ville. Une vieille femme à foulard qui attend le Effe Sept sur un banc se lève pour voir ça. Ce bus me dépose à cent mètres de chez moi où j’arrive pour le concert de carillon hebdomadaire. Il commence par L’Auvergnat.
*
Un avantage de mon nouvel ordinateur, c’est que je peux y dicter ce que j’ai écrit sur mon petit carnet Hema. Plus besoin de faire jouer l’intermédiaire à mon smartphone. Moins d’erreurs qu’avec celui-ci dans le texte mais un excès de pudeur. Chaque mot explicite est remplacé par une suite d’étoiles. Un petit plus : le texte de cette dictée est doté de majuscules accentuées (ce qui fera plaisir à l’ami d’Orléans).
Premier problème avec ce nouvel appareil : parfois quand je le mets en route, l’écran refuse d’afficher les lettres que je tape sur le clavier. Jusqu’à présent, j’ai pu remédier à ce souci en le redémarrant.
Peu de monde au Rocher de Cancale. La patronne, Martine, me serre la main comme autrefois et le serveur m’apporte mon café et mon verre d’eau. La p’tite serveuse gentille et naïve n’est plus là. Il y a eu bisbille. Elle est partie (ou s’est fait renvoyer), ai-je entendu un jour d’été où je déjeunais ici avec une ancienne collègue, elle aussi à la retraite.
Martine parle d’une jeune femme de trente-cinq ans qui est morte d’un avécé la nuit à côté de son mari. « En plus, elle était jolie. » « Remarque, elle aurait été moche, c’est pareil. » Je lis Dominique Aury d’Angie David à ma table préférée près du radiateur. Cette biographie de l’auteure d’Histoire d’O et maîtresse de Jean Paulhan est bien construite. J’en suis à la page deux cent quarante-deux sur cinq cent cinquante et un. Premier travail de critique régulier, dans une publication d’extrême droite, ce qui d’ailleurs ne la gêne pas du tout. Ses articles portent sur les grandes expositions de l’année 1937… Dans la clientèle on dit du bien du facteur qui apporte un recommandé. « Il est gentil, ce p’tit facteur-là. » « Il est posé. » « Oui, il est posé. »
Être posé ou prendre la pose. Une mariée en blanc choisit la seconde option quand, sorti du Rocher, je passe devant l’Hôtel de Ville. Une vieille femme à foulard qui attend le Effe Sept sur un banc se lève pour voir ça. Ce bus me dépose à cent mètres de chez moi où j’arrive pour le concert de carillon hebdomadaire. Il commence par L’Auvergnat.
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Un avantage de mon nouvel ordinateur, c’est que je peux y dicter ce que j’ai écrit sur mon petit carnet Hema. Plus besoin de faire jouer l’intermédiaire à mon smartphone. Moins d’erreurs qu’avec celui-ci dans le texte mais un excès de pudeur. Chaque mot explicite est remplacé par une suite d’étoiles. Un petit plus : le texte de cette dictée est doté de majuscules accentuées (ce qui fera plaisir à l’ami d’Orléans).
Premier problème avec ce nouvel appareil : parfois quand je le mets en route, l’écran refuse d’afficher les lettres que je tape sur le clavier. Jusqu’à présent, j’ai pu remédier à ce souci en le redémarrant.
8 novembre 2025
Sorti du Diable, direction le Book-Off de Saint-Martin. Je descends au sous-sol. On y écoute toujours Fip mais on ne l’entend pas. Un affreux bruit de marteau-piqueur en est la cause. « Qu’est-ce que c’est ? », demandé-je à la malheureuse employée qui trie les livres. Elle m’apprend que le salon de coiffure d’à côté, entre Book-Off et Passage du Désir, va devenir une boulangerie. « C’est comme ça depuis ce matin, je n’en peux plus. »
Cela m’oblige à bâcler ma recherche de livres à un euro dans les rayons Art, Histoire, Voyage, Témoignage, à me concentrer sur le rayon Littérature. Il est généreux avec moi : Le Bouquin des citations de Claude Gagnaire (Robert Laffont), Du terroir à la Terre (Robert Mallet : recteur, écrivain, mondialiste) de Jacques Lardoux (La Part Commune), Leïlah Mahi 1932 de Didier Blonde (Gallimard), Judith de François-Bernard Michel (Actes Sud), Préambule à une déclaration mondiale de guerre à l’ordre d’Alain Turgeon (La Fosse aux Ours) et Idiotie de Pierre Guyotat (Grasset). On entend moins le vacarme dans la salle Romans à un euro où se cachent toujours des ouvrages qui n’en sont pas du tout ou pas vraiment. J’y prélève Troisième Personne de Valérie Mréjen (Pol) et A Milena de Franz Kafka (Nous), une nouvelle traduction des lettres à Milena publiées pour la première fois dans leur intégralité et leur véritable chronologie. Last but not least (comme on dit outre-Manche), je trouve exposé en bas de l’escalier, au prix de huit euros, le numéro Sept du Manifeste Incertain de Frédéric Pajak (Editions Noir sur Blanc) consacré à Emilie Dickinson et Marina Tsvetaïeva.
Mon sac étant déjà lourd, je renonce du troisième Book-Off et retourne à Sainte Opportune pour un café lecture à L’Opportun. Jean Cocteau est à Hong Kong mais se sent ailleurs, à un endroit qui m’est cher : Un vapeur, pareil à ceux qui desservent la Seyne, Saint-Mandrier, les Sablettes, Tamaris (même âge et même style) nous dépose à un quai qui ressemble aux débarcadères de Toulon…
Mes deux euros cinquante payés, je rejoins Saint-Lazare avec le métro Quatorze pour le retour à Rouen dans la voiture Cinq du seize heures quarante. Durant le trajet, je termine le récit de voyage de Cocteau tandis que le soleil se couche joliment. Un livre que je ne garderai pas.
A Sotteville, alors que je me trouve déjà avec les navetteurs sur la plateforme afin de descendre au plus vite, notre train « s’arrête inopinément ». La cheffe de bord annonce que le précédent en est la cause, qui n’arrive pas à avancer. Mes voisins discutent. Il y a celle qui travaille à Bercy et doit regagner Forges-les-Eaux avec sa voiture. Il y a celui qui est tailleur de pierre et doit prendre le train pour Dieppe. Dix minutes plus tard, nous repartons mais, annonce la cheffe de bord, pour la correspondance avec Dieppe, c’est fichu. « C’est toi qui as gagné le gros lot », disent les autres au tailleur de pierre qui n’en est guère ému.
Cela m’oblige à bâcler ma recherche de livres à un euro dans les rayons Art, Histoire, Voyage, Témoignage, à me concentrer sur le rayon Littérature. Il est généreux avec moi : Le Bouquin des citations de Claude Gagnaire (Robert Laffont), Du terroir à la Terre (Robert Mallet : recteur, écrivain, mondialiste) de Jacques Lardoux (La Part Commune), Leïlah Mahi 1932 de Didier Blonde (Gallimard), Judith de François-Bernard Michel (Actes Sud), Préambule à une déclaration mondiale de guerre à l’ordre d’Alain Turgeon (La Fosse aux Ours) et Idiotie de Pierre Guyotat (Grasset). On entend moins le vacarme dans la salle Romans à un euro où se cachent toujours des ouvrages qui n’en sont pas du tout ou pas vraiment. J’y prélève Troisième Personne de Valérie Mréjen (Pol) et A Milena de Franz Kafka (Nous), une nouvelle traduction des lettres à Milena publiées pour la première fois dans leur intégralité et leur véritable chronologie. Last but not least (comme on dit outre-Manche), je trouve exposé en bas de l’escalier, au prix de huit euros, le numéro Sept du Manifeste Incertain de Frédéric Pajak (Editions Noir sur Blanc) consacré à Emilie Dickinson et Marina Tsvetaïeva.
Mon sac étant déjà lourd, je renonce du troisième Book-Off et retourne à Sainte Opportune pour un café lecture à L’Opportun. Jean Cocteau est à Hong Kong mais se sent ailleurs, à un endroit qui m’est cher : Un vapeur, pareil à ceux qui desservent la Seyne, Saint-Mandrier, les Sablettes, Tamaris (même âge et même style) nous dépose à un quai qui ressemble aux débarcadères de Toulon…
Mes deux euros cinquante payés, je rejoins Saint-Lazare avec le métro Quatorze pour le retour à Rouen dans la voiture Cinq du seize heures quarante. Durant le trajet, je termine le récit de voyage de Cocteau tandis que le soleil se couche joliment. Un livre que je ne garderai pas.
A Sotteville, alors que je me trouve déjà avec les navetteurs sur la plateforme afin de descendre au plus vite, notre train « s’arrête inopinément ». La cheffe de bord annonce que le précédent en est la cause, qui n’arrive pas à avancer. Mes voisins discutent. Il y a celle qui travaille à Bercy et doit regagner Forges-les-Eaux avec sa voiture. Il y a celui qui est tailleur de pierre et doit prendre le train pour Dieppe. Dix minutes plus tard, nous repartons mais, annonce la cheffe de bord, pour la correspondance avec Dieppe, c’est fichu. « C’est toi qui as gagné le gros lot », disent les autres au tailleur de pierre qui n’en est guère ému.
7 novembre 2025
De la lumière au Métropole. Ce n’est pas ouvert. Un homme y fait le ménage. Ce café historique a échappé à la fermeture définitive. J’entre dans la Gare. Il s’agit de retrouver Paris le mercredi en prenant le sept heures vingt-deux. J’y voyage sans voisin et commence la lecture de Tour du monde en 80 jours de Jean Cocteau tandis que le jour se lève assez joliment. Je n’accroche pas au récit de voyage de Cocteau, ce remake du pari de Jules Verne raconté dans Paris Soir en mil neuf cent trente-six.
Le trajet en bus Vingt-Neuf dure un certain temps : travaux, embouteillages, obstacles divers. De la Bastille, je rejoins le Marché d’Aligre très fréquenté ce jour. Chez Émile, trois livres que j’aurais achetés si je ne les avais déjà. Chez Amine, rien pour moi. Je passe au Crédit à Bricoles où j’imprime le relevé mensuel de mes opérations, ce qui est possible dans toutes les régions de France sauf en Normandie puis au Camélia pour un café assis à deux euros vingt et avancer un peu en diagonale avec Cocteau.
À onze heures, j’entre chez Book-Off et le trouve identique à lui-même. Ma récolte de livres à un euro n’est pas négligeable : Du bruit dans Landerneau (dictionnaire des noms propres du parler commun) de Patrice Louis (Arléa), Guide triste de Paris d’Alfredo Bryce-Echenique (Métaillié), Morts ou vif de Jérôme Meizoz (Zoé), Dans tes pas de Guillaume de Fonclare (Stock), Fils de prolétaire de Philippe Herbet (Arléa) et Zénith-Hôtel d’Oscar Coop-Phane (Finitude) l’histoire d’une pute de rue.
Par le métro, je rejoins la place Sainte-Opportune et au Diable des Lombards. Avant d’y entrer, je regarde si ce qui figure sur l’ardoise me convient. C’est le cas. Je pousse la porte. « Votre table est prête », me dit l’aimable serveuse. Effectivement, elle y a déjà déposé une bouteille d’eau. Je choisis la quiche bœuf légumes et la saucisse au couteau aligot salade. C’est copieux et bon, toujours à quinze euros cinquante.
Mon repas terminé, comme les toilettes pour hommes sont démunies de verrou depuis des mois, j’entre dans celle des femmes et y vois quelque chose qui ne devrait pas être. « Il faut que je vous dise quelque chose », dis-je à la serveuse quand je paie. Elle s’approche et je lui raconte. Ça n’a pas l’air de l’étonner.
Le trajet en bus Vingt-Neuf dure un certain temps : travaux, embouteillages, obstacles divers. De la Bastille, je rejoins le Marché d’Aligre très fréquenté ce jour. Chez Émile, trois livres que j’aurais achetés si je ne les avais déjà. Chez Amine, rien pour moi. Je passe au Crédit à Bricoles où j’imprime le relevé mensuel de mes opérations, ce qui est possible dans toutes les régions de France sauf en Normandie puis au Camélia pour un café assis à deux euros vingt et avancer un peu en diagonale avec Cocteau.
À onze heures, j’entre chez Book-Off et le trouve identique à lui-même. Ma récolte de livres à un euro n’est pas négligeable : Du bruit dans Landerneau (dictionnaire des noms propres du parler commun) de Patrice Louis (Arléa), Guide triste de Paris d’Alfredo Bryce-Echenique (Métaillié), Morts ou vif de Jérôme Meizoz (Zoé), Dans tes pas de Guillaume de Fonclare (Stock), Fils de prolétaire de Philippe Herbet (Arléa) et Zénith-Hôtel d’Oscar Coop-Phane (Finitude) l’histoire d’une pute de rue.
Par le métro, je rejoins la place Sainte-Opportune et au Diable des Lombards. Avant d’y entrer, je regarde si ce qui figure sur l’ardoise me convient. C’est le cas. Je pousse la porte. « Votre table est prête », me dit l’aimable serveuse. Effectivement, elle y a déjà déposé une bouteille d’eau. Je choisis la quiche bœuf légumes et la saucisse au couteau aligot salade. C’est copieux et bon, toujours à quinze euros cinquante.
Mon repas terminé, comme les toilettes pour hommes sont démunies de verrou depuis des mois, j’entre dans celle des femmes et y vois quelque chose qui ne devrait pas être. « Il faut que je vous dise quelque chose », dis-je à la serveuse quand je paie. Elle s’approche et je lui raconte. Ça n’a pas l’air de l’étonner.
6 novembre 2025
Ce mardi vers neuf heures direction la Pharmacie du Donjon et de la Gare où j’espère me faire vacciner sans rendez-vous et sans attendre contre la grippe et contre le Covid comme ce fut le cas les années précédentes. J’y découvre une file d’attente décourageante face à seulement deux pharmaciennes. Attendre est au-dessus de mes forces. Je redescends la rue de la Jeanne et j’ai l’œil attiré par la croix verte de la Pharmacie du Square Verdrel qui, je le constate, a changé de nom, devenue Pharmacie Anton et Willem. J’y entre. Personne face aux deux pharmaciennes.
Je demande à l’une s’il est possible de me faire les deux vaccinations, là tout de suite. Ça pourrait l’être mais elle n’a qu’une dose de vaccin anti-Covid et elle est réservée pour quelqu’un qui doit venir. « Revenez demain. » « Je ne serai pas là demain. » Sans que je demande quoi que ce soit, elle et sa consœur décident d'appeler la personne pour qui c'était mis de côté afin de reporter son rendez-vous.
Les papiers remplis, je passe derrière le comptoir et franchis un rideau. Le lieu des piqûres est minuscule. C’est le bas de l’escalier qui mène à l’étage. Tandis que la pharmacienne prépare les flacons, je dégage mes épaules pour une vaccination à chaque bras. Quand elle y procède, elle me demande si je suis à jour des autres vaccinations. « Il faut que je parle de celle du zona à mon médecin, j’ai vu des images effrayantes dans une publicité à la télévision et j’en ai eu un quand j’étais jeune », lui dis-je. Elle m’explique que, vieillissant, mes défenses immunitaires diminuent et donc le risque de refaire un zona augmente. « Je peux vous le prescrire moi-même », me dit-elle. C’est un nouveau vaccin. L’ancien n’était pas très efficace et avait des effets secondaires. Celui-là en a peu et, en plus, il diminue le risque de démence sénile. « C’est une bonne nouvelle », lui dis-je.
Piqué deux fois, je me rhabille et, dans l’officine, prends rendez-vous pour la première dose du vaccin anti-zona (il y en a deux) et, tant qu’on y est, pour être également vacciné contre les infections à pneumocoques, celles qui touchent les poumons.
*
Premier jour ouvrable de novembre, ne pas le rater. Lundi à sept heures, j’envoie un mail au secrétariat de l’usine ophtalmologique pour demander mon rendez-vous annuel en décembre. La réponse me parvient ce mardi. Ce sera peu avant Noël.
Il y a un an, je m’apprêtais à me faire ouvrir les yeux par le boss. Je n’en menais pas large (comment on dit).
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Un comique sapin artificiel conique se dresse en ce début novembre sur le parvis de la Cathédrale. Autour de lui des chariots élévateurs transportent ce qui deviendra les cabanons du ridicule Marché de Noël de Rouen. Cette nuisance durera deux mois, m’interdisant la diagonale pour traverser la place.
Je demande à l’une s’il est possible de me faire les deux vaccinations, là tout de suite. Ça pourrait l’être mais elle n’a qu’une dose de vaccin anti-Covid et elle est réservée pour quelqu’un qui doit venir. « Revenez demain. » « Je ne serai pas là demain. » Sans que je demande quoi que ce soit, elle et sa consœur décident d'appeler la personne pour qui c'était mis de côté afin de reporter son rendez-vous.
Les papiers remplis, je passe derrière le comptoir et franchis un rideau. Le lieu des piqûres est minuscule. C’est le bas de l’escalier qui mène à l’étage. Tandis que la pharmacienne prépare les flacons, je dégage mes épaules pour une vaccination à chaque bras. Quand elle y procède, elle me demande si je suis à jour des autres vaccinations. « Il faut que je parle de celle du zona à mon médecin, j’ai vu des images effrayantes dans une publicité à la télévision et j’en ai eu un quand j’étais jeune », lui dis-je. Elle m’explique que, vieillissant, mes défenses immunitaires diminuent et donc le risque de refaire un zona augmente. « Je peux vous le prescrire moi-même », me dit-elle. C’est un nouveau vaccin. L’ancien n’était pas très efficace et avait des effets secondaires. Celui-là en a peu et, en plus, il diminue le risque de démence sénile. « C’est une bonne nouvelle », lui dis-je.
Piqué deux fois, je me rhabille et, dans l’officine, prends rendez-vous pour la première dose du vaccin anti-zona (il y en a deux) et, tant qu’on y est, pour être également vacciné contre les infections à pneumocoques, celles qui touchent les poumons.
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Premier jour ouvrable de novembre, ne pas le rater. Lundi à sept heures, j’envoie un mail au secrétariat de l’usine ophtalmologique pour demander mon rendez-vous annuel en décembre. La réponse me parvient ce mardi. Ce sera peu avant Noël.
Il y a un an, je m’apprêtais à me faire ouvrir les yeux par le boss. Je n’en menais pas large (comment on dit).
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Un comique sapin artificiel conique se dresse en ce début novembre sur le parvis de la Cathédrale. Autour de lui des chariots élévateurs transportent ce qui deviendra les cabanons du ridicule Marché de Noël de Rouen. Cette nuisance durera deux mois, m’interdisant la diagonale pour traverser la place.
4 novembre 2025
C’est dans le train du mercredi et les bistrots de Paris que j’ai lu l’été dernier Lettres à sa fille Miriam de Groucho Marx, des missives publiées par cette fille qui eut un problème avec l’alcool (comme on dit pudiquement) et mourut en deux mille dix-sept. « Chère Mirabelle » « Mon p’tit sucre » « Cher Clébard » commençait celui qui signait « Ton Padre ».
À mesure que nous vieillissons (voilà que le vieillard s’éclaircit la voix et jette sur ses épaules une lourde et sombre cape), tu t’apercevras que les relations ne restent jamais statiques -qu’il s’agisse de tes parents ou de tous ceux que tu rencontreras, que tu as côtoyés, que tu côtoies ou qui cotes de mailles. le trente et un décembre mil neuf cent quarante-cinq
Soit dit en passant, cette affaire de guitare n’est pas très pratique - ça exigerait un emballage particulier et beaucoup d’autres choses dont je ne me sens pas capable. Cet automne, à ton retour, tu pourras la mettre sous le bras et l’emporter avec toi. Entre temps, tu peux exercer tes doigts sur une corde à linge tendue. le dix-sept avril mil neuf cent quarante-six
Tant que j’y pense, tu peux prendre le Constellation pour revenir et, puisque nous y sommes, je ne m’inquièterais pas trop si j’étais toi de prendre l’avion plutôt que le train, car hier il y a eu un accident de train sur le Burlington express qui a fait à peu près quatre-vingts victimes Or, la capacité du Constellation étant de quarante personnes, tu as donc deux fois moins de chance d’y rester. vingt-six avril mil neuf cent quarante-six
Je t’ai déjà posé la question au sujet d’un petit ami - en as-tu un ou en es-tu réduite à fréquenter des femmes ? Tu ne parles pas beaucoup de cette partie-là de ta vie ou bien tu caches un pesant secret, ou bien M. Parfait, comme Lardner appelait ça, ne s’est pas encore présenté. le trois juin mil neuf cent quarante-six
Bogart est venu à la maison l’autre soir et s’est complètement soûlé la gueule. Ceci est tout à fait normal pour lui. Je pense que je ne vais plus l’inviter. Il est ennuyeux quand il est ivre mort et guère mieux lorsqu’il est sobre. Je la plains, elle, elle a essayé de le convaincre de rentrer mais c’est un ivrogne qui a le vin mauvais. Même Kurtnitz le doux-et-faible ne pouvait plus le supporter et a fini par l’engueuler. La morale est ne fréquente pas les acteurs - à quelques exceptions près, ce sont tous des connards. Je préfère la fréquentation des écrivains. Ils sont plus âgés et plus stables. le vingt-sept novembre mil neuf cent quarante-six
J’ai enfin reçu une courte lettre de toi écrite à l’aide d’un ruban si clair que j’ai dû boire un flacon entier d’huile de foie de morue (vitamine A pour les yeux) avant de pouvoir en distinguer les caractères. le quatre juillet mil neuf cent quarante-sept
Grace Kahn vient de rentrer de New York et elle m’a dit qu’elle t’avait vue et que tu deviens de plus en plus jolie ; est-ce vrai ou bien est-ce que la vue de Grace faiblit ? Raconte-moi tout s’il te plaît parce que je connais un excellent ophtalmologiste ici et je pourrai peut-être lui envoyer Grace. le douze décembre mil neuf cent quarante-sept
Puis nous sommes allés chez Franck Loesler. John Steinbeck était parmi les invités, ivre comme d’habitude. C’est un brillant écrivain mais une plaie d’individu car je ne l’ai jamais rencontré une seule fois sans qu’il ne soit bourré. En plus, il a le vin mauvais. Il faut faire attention à ce qu’on dit en sa présence. J’admire son travail, mais, personnellement, tu peux te le garder si tu veux. le deux janvier mil neuf cent quarante-neuf
Harpo et Chico font un tabac au Palladium à Londres, ce qui me rend très heureux. Ce qui me rend encore plus heureux, c’est le fait que je ne sois pas avec eux. le trois juillet mil neuf cent quarante-neuf
Je suis particulièrement allergique aux chanteurs français et, en ce moment, à Las Vegas on peut voir et entendre Hildegarde, Edith Piaf, et pire que tout, un groupe de neuf Français qui chantent, en faisant des harmonies, la plupart des chansons que Piaf et Hildegarde massacrent dans les autres hôtels. en février mil neuf cent cinquante-trois (le groupe de neuf Français : les Compagnons de la Chanson, Hildegarde était américaine)
Je ne sais pas si je te l’ai dit, mais la semaine prochaine, Kay part en Corée. Elle est bourrée de toutes sortes de vaccins ainsi que d’élans amoureux pour un homme appelé Lenny Sherman, qui l’a bien tabassée voilà de cela trois ou quatre semaines. Elle est venue chez moi et elle avait l’air d’avoir fait dix rounds avec Rocky Marciano. Son apparence physique m’a choqué. Elle m’a juré qu’elle ne le reverrait plus jamais mais lorsque j’ai téléphoné à son appartement, il y a quelques jours, c’est lui qui a décroché. Alors je me dis qu’il vaut mieux abandonner. le onze décembre mil neuf cent cinquante-trois (Kay : une de ses anciennes femmes)
À mesure que nous vieillissons (voilà que le vieillard s’éclaircit la voix et jette sur ses épaules une lourde et sombre cape), tu t’apercevras que les relations ne restent jamais statiques -qu’il s’agisse de tes parents ou de tous ceux que tu rencontreras, que tu as côtoyés, que tu côtoies ou qui cotes de mailles. le trente et un décembre mil neuf cent quarante-cinq
Soit dit en passant, cette affaire de guitare n’est pas très pratique - ça exigerait un emballage particulier et beaucoup d’autres choses dont je ne me sens pas capable. Cet automne, à ton retour, tu pourras la mettre sous le bras et l’emporter avec toi. Entre temps, tu peux exercer tes doigts sur une corde à linge tendue. le dix-sept avril mil neuf cent quarante-six
Tant que j’y pense, tu peux prendre le Constellation pour revenir et, puisque nous y sommes, je ne m’inquièterais pas trop si j’étais toi de prendre l’avion plutôt que le train, car hier il y a eu un accident de train sur le Burlington express qui a fait à peu près quatre-vingts victimes Or, la capacité du Constellation étant de quarante personnes, tu as donc deux fois moins de chance d’y rester. vingt-six avril mil neuf cent quarante-six
Je t’ai déjà posé la question au sujet d’un petit ami - en as-tu un ou en es-tu réduite à fréquenter des femmes ? Tu ne parles pas beaucoup de cette partie-là de ta vie ou bien tu caches un pesant secret, ou bien M. Parfait, comme Lardner appelait ça, ne s’est pas encore présenté. le trois juin mil neuf cent quarante-six
Bogart est venu à la maison l’autre soir et s’est complètement soûlé la gueule. Ceci est tout à fait normal pour lui. Je pense que je ne vais plus l’inviter. Il est ennuyeux quand il est ivre mort et guère mieux lorsqu’il est sobre. Je la plains, elle, elle a essayé de le convaincre de rentrer mais c’est un ivrogne qui a le vin mauvais. Même Kurtnitz le doux-et-faible ne pouvait plus le supporter et a fini par l’engueuler. La morale est ne fréquente pas les acteurs - à quelques exceptions près, ce sont tous des connards. Je préfère la fréquentation des écrivains. Ils sont plus âgés et plus stables. le vingt-sept novembre mil neuf cent quarante-six
J’ai enfin reçu une courte lettre de toi écrite à l’aide d’un ruban si clair que j’ai dû boire un flacon entier d’huile de foie de morue (vitamine A pour les yeux) avant de pouvoir en distinguer les caractères. le quatre juillet mil neuf cent quarante-sept
Grace Kahn vient de rentrer de New York et elle m’a dit qu’elle t’avait vue et que tu deviens de plus en plus jolie ; est-ce vrai ou bien est-ce que la vue de Grace faiblit ? Raconte-moi tout s’il te plaît parce que je connais un excellent ophtalmologiste ici et je pourrai peut-être lui envoyer Grace. le douze décembre mil neuf cent quarante-sept
Puis nous sommes allés chez Franck Loesler. John Steinbeck était parmi les invités, ivre comme d’habitude. C’est un brillant écrivain mais une plaie d’individu car je ne l’ai jamais rencontré une seule fois sans qu’il ne soit bourré. En plus, il a le vin mauvais. Il faut faire attention à ce qu’on dit en sa présence. J’admire son travail, mais, personnellement, tu peux te le garder si tu veux. le deux janvier mil neuf cent quarante-neuf
Harpo et Chico font un tabac au Palladium à Londres, ce qui me rend très heureux. Ce qui me rend encore plus heureux, c’est le fait que je ne sois pas avec eux. le trois juillet mil neuf cent quarante-neuf
Je suis particulièrement allergique aux chanteurs français et, en ce moment, à Las Vegas on peut voir et entendre Hildegarde, Edith Piaf, et pire que tout, un groupe de neuf Français qui chantent, en faisant des harmonies, la plupart des chansons que Piaf et Hildegarde massacrent dans les autres hôtels. en février mil neuf cent cinquante-trois (le groupe de neuf Français : les Compagnons de la Chanson, Hildegarde était américaine)
Je ne sais pas si je te l’ai dit, mais la semaine prochaine, Kay part en Corée. Elle est bourrée de toutes sortes de vaccins ainsi que d’élans amoureux pour un homme appelé Lenny Sherman, qui l’a bien tabassée voilà de cela trois ou quatre semaines. Elle est venue chez moi et elle avait l’air d’avoir fait dix rounds avec Rocky Marciano. Son apparence physique m’a choqué. Elle m’a juré qu’elle ne le reverrait plus jamais mais lorsque j’ai téléphoné à son appartement, il y a quelques jours, c’est lui qui a décroché. Alors je me dis qu’il vaut mieux abandonner. le onze décembre mil neuf cent cinquante-trois (Kay : une de ses anciennes femmes)
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