Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
23 octobre 2025
A défaut de voir Gwin Zegal, le petit port avec mouillage sur pieux de bois de Plouha, vaste commune aux plus hautes falaises de Bretagne, et sa plage Bonaparte, haut lieu de la Résistance où s’illustra le grand-père de Jane Birkin, je compte ce mercredi voir le centre du bourg.
Pour ce faire, j’attends une nouvelle fois le car BreizhGo Deux Cent Un terminus Paimpol de neuf heures onze au Quay des Brunes où l’habitué en chef est remonté. « Je te dirai ça quand tu me montreras tes fesses », dit-il à Lisa la serveuse. « Il y a d’autres sujets de conversation que le sexe, surtout quand on fait plus grand-chose », lui répond-elle. « Il va falloir lui trouver une chèvre », ajoute-t-elle pour les autres habitués.
Nous sommes quatre dans le car et descendons tous à Plouha La Poste. Le marché hebdomadaire est ce qui amène les trois autres, des femmes. Je n’ai pas relu ce que j’écrivais il y a deux ans sur ce bourg, volontairement, pour avoir le plaisir d’une nouvelle découverte.
Assez vite l’endroit m’est familier, blotti comme il est autour de la grosse église. J’entre dans celle-ci. Une messe est en cours pour une vingtaine de présents à cheveux blancs, dite par un prêtre à la peau noire. Je ressors et découvre (redécouvre) Au Rest’O dans la rue derrière. Un restaurant à menu ouvrier où j’avais déjeuné. Hélas, il est fermé définitivement. La propriétaire est là, vendant la vaisselle. Elle m’indique une crêperie et une pizzeria.
Le tour du marché fait, j’achète un pain au chocolat au miel du pays (un euro trente) au Fournil de la Poste et trouve une table à La Civette, le café le plus fréquenté du pays, où les locaux papotent après les courses. « On va avoir la tempête ». Je lis là Marguerite Yourcenar. Elle parle d’elle au masculin. L’historien-poète et le romancier que j’ai essayé d’être…
Je fais un second tour de bourg, entrant une nouvelle fois dans l’église. Elle ne révèle que sa tristesse. Dans un coin, le prêtre confesse une paroissienne à déambulateur qui ne peut plus entrer dans le confessionnal.
Le soleil me permet d’attendre midi sur un banc près du marché. Je me souviens qu’un décès venait de frapper la poissonnerie il y a deux ans. Elle fonctionne à plein. Il faut être doté d’une solide patience pour faire ses courses à Plouha le mercredi.
Je déjeune d’un hachis Parmentier maison à treize euros à la pizzeria La Mensa et d’une carafe d’eau. La patronne tutoie toute la clientèle, c’est-à-dire moi-même. La fleuriste d’à côté passe la tête par une vitre qu’elle fait glisser de l’extérieur. « Ça va ? Ça bosse ? » lui demande la restauratrice. « Non ». Je reste seul avec mon hachis. Deux jeunes viennent chercher des pizzas commandées. C’est tout. Je paie sans demander un dessert. Je le prends au Fournil de la Poste, un far breton à deux euros soixante et le mange sur un banc au soleil en regardant le marché se défaire. « Allez ! Il n’est pas trop tard pour un bouquet de fleurs, messieurs dames, mariage, deuil », crie l’un. Chez son voisin, le mari reproche à sa femme de mal ranger. Elle se rebiffe « Et comment on fait quand t’es pas là ? »
Le car du retour est à treize heures trente-quatre. J’en descends à deux pas du Quay des Brunes, peu de vent, du soleil, un café et Marguerite. Je ne suis pas Breton mais je sens bien quand le temps d’ici va se dégrader. Cela me permet de rentrer juste avant la pluie, laquelle doit être suivie de la tempête Benjamin.
*
Dans la boîte à livres de Plouha, le Dix Dix-Huit du Colloque de Cerisy consacré à Duchamp. Il a été lu, du moins en partie. En témoignent dans le premier tiers du livre, deux marque-pages (un ticket d’autobus du Service de Transport de l’Agglomération Rennaise et un emballage de sucre), quelques pages cornées et en haut d’une, cette annotation à l’encre : « hystérique ou sensuelle ».
Pour ce faire, j’attends une nouvelle fois le car BreizhGo Deux Cent Un terminus Paimpol de neuf heures onze au Quay des Brunes où l’habitué en chef est remonté. « Je te dirai ça quand tu me montreras tes fesses », dit-il à Lisa la serveuse. « Il y a d’autres sujets de conversation que le sexe, surtout quand on fait plus grand-chose », lui répond-elle. « Il va falloir lui trouver une chèvre », ajoute-t-elle pour les autres habitués.
Nous sommes quatre dans le car et descendons tous à Plouha La Poste. Le marché hebdomadaire est ce qui amène les trois autres, des femmes. Je n’ai pas relu ce que j’écrivais il y a deux ans sur ce bourg, volontairement, pour avoir le plaisir d’une nouvelle découverte.
Assez vite l’endroit m’est familier, blotti comme il est autour de la grosse église. J’entre dans celle-ci. Une messe est en cours pour une vingtaine de présents à cheveux blancs, dite par un prêtre à la peau noire. Je ressors et découvre (redécouvre) Au Rest’O dans la rue derrière. Un restaurant à menu ouvrier où j’avais déjeuné. Hélas, il est fermé définitivement. La propriétaire est là, vendant la vaisselle. Elle m’indique une crêperie et une pizzeria.
Le tour du marché fait, j’achète un pain au chocolat au miel du pays (un euro trente) au Fournil de la Poste et trouve une table à La Civette, le café le plus fréquenté du pays, où les locaux papotent après les courses. « On va avoir la tempête ». Je lis là Marguerite Yourcenar. Elle parle d’elle au masculin. L’historien-poète et le romancier que j’ai essayé d’être…
Je fais un second tour de bourg, entrant une nouvelle fois dans l’église. Elle ne révèle que sa tristesse. Dans un coin, le prêtre confesse une paroissienne à déambulateur qui ne peut plus entrer dans le confessionnal.
Le soleil me permet d’attendre midi sur un banc près du marché. Je me souviens qu’un décès venait de frapper la poissonnerie il y a deux ans. Elle fonctionne à plein. Il faut être doté d’une solide patience pour faire ses courses à Plouha le mercredi.
Je déjeune d’un hachis Parmentier maison à treize euros à la pizzeria La Mensa et d’une carafe d’eau. La patronne tutoie toute la clientèle, c’est-à-dire moi-même. La fleuriste d’à côté passe la tête par une vitre qu’elle fait glisser de l’extérieur. « Ça va ? Ça bosse ? » lui demande la restauratrice. « Non ». Je reste seul avec mon hachis. Deux jeunes viennent chercher des pizzas commandées. C’est tout. Je paie sans demander un dessert. Je le prends au Fournil de la Poste, un far breton à deux euros soixante et le mange sur un banc au soleil en regardant le marché se défaire. « Allez ! Il n’est pas trop tard pour un bouquet de fleurs, messieurs dames, mariage, deuil », crie l’un. Chez son voisin, le mari reproche à sa femme de mal ranger. Elle se rebiffe « Et comment on fait quand t’es pas là ? »
Le car du retour est à treize heures trente-quatre. J’en descends à deux pas du Quay des Brunes, peu de vent, du soleil, un café et Marguerite. Je ne suis pas Breton mais je sens bien quand le temps d’ici va se dégrader. Cela me permet de rentrer juste avant la pluie, laquelle doit être suivie de la tempête Benjamin.
*
Dans la boîte à livres de Plouha, le Dix Dix-Huit du Colloque de Cerisy consacré à Duchamp. Il a été lu, du moins en partie. En témoignent dans le premier tiers du livre, deux marque-pages (un ticket d’autobus du Service de Transport de l’Agglomération Rennaise et un emballage de sucre), quelques pages cornées et en haut d’une, cette annotation à l’encre : « hystérique ou sensuelle ».
22 octobre 2025
« Il y a du monde dans le magasin, vous allez chacun de votre côté. » Elle insiste : « Vous allez chacun de votre côté ! » Le monde : c’est moi. Le magasin : le Fournil de Saint-Quay. L’objet du différend entre deux employés dans l’arrière-boutique : je l’ignore.
Muni de mes deux crêpes, je passe comme chaque matin devant l’Hôtel Saint-Quay qui semble le plus souvent sans clients. Sur sa façade, on distingue encore l’inscription « Bouquinerie », laquelle a été mal recouverte par un raccord de peinture. Lors de ma précédente venue à Saint-Quay, j’avais acheté à la timide hôtelière, pour une broutille, des livres d’Hervé Guibert et de Tony Duvert.
Un peu plus bas se dresse l’ébouriffant bâtiment rose triangulaire à tourelle qui a nom Ty-Huel. Le jour de mon arrivée, mon logeur m’a dit qu’il était à vendre et qu’il avait été construit sur ce petit terrain triangulaire pour emmerder des bonnes sœurs en leur ôtant la vue sur la mer. Comme on ne voit pas grand-chose de la mer de cet endroit, je me demande si ce n’est pas une légende urbaine. Quoi qu’il en soit, cette bâtisse ne cesse de me fasciner.
Pas de pluie ce mardi matin. Au départ de ma balade, je trouve Pierre occupé à sortir la terrasse du Café de la Plage. « Vous allez bien ? » me dit-il. « Je vais passer tout à l’heure. Vous pouvez déjà me réserver une table », lui réponds-je. Vers Paimpol, un nuage noir est décoré d’une portion d’arc-en-ciel. La mer est agitée du vent d’hier. A l’arrivée, les bateaux du Portrieux sont éclairés par le soleil. C’est marée haute, ça flotte.
Je retrouve ma table habituelle au Poisson Rouge et Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar. Comment se fait-il que tout ce qui occupe et agite notre esprit, en alimente le flot ou la flamme, disparaisse à peu près inévitablement de tout entretien entre proches ?
J’assiste à l’arrivée dans l’ancienne Mairie des membres du Cercle Informatique Quinocéen dont le chef a refusé de m’aider. Des vieux qui portent leur ordinateur dans une sacoche à poignée. J’en braquerais bien un. Le risque de connaître le même sort que Sarkozy serait trop grand.
Après avoir laissé passer une brouillasse, je traverse Saint-Quay par le dedans. Direction le Café de la Plage où je trouve place haute à l’intérieur pour un autre café Yourcenar. A midi, je rejoins la salle du restaurant. Parmentier de poisson au curry breton, pavlova ananas passion, telle est la formule du jour pour dix-neuf euros. On n’entend pas le rire de Cristalle qui ne commence qu’à quinze heures, me dit Pierre. Je lui parle de l’éventuelle virée à Gwin Zegal. « Vous avez son numéro ? Contactez-la », me répond-t-il. Les vacances de Toussaint se font douloureusement sentir avec dans la salle du restaurant un tas de famille à moutards, le pire étant un deux ans seul avec sa mère. Une grand-mère essaie de faire choisir un fichipe à ses petits-enfants. « Fish and chips », reprend le père divorcé. Cela me saoule, au point que j’apprécie peu ce que je mange.
Je suis heureux de retrouver l’extérieur. La marée étant basse, je coupe par la Plage du Casino pour rejoindre le banc jaune au-dessus de la Grève Noire. J’y reprends mes esprits puis y prends le timide soleil avant de rejoindre le Quay des Brunes où Lisa essaie un diadème d’Allo Ouine. « Ça me va ? » me demande-t-elle. « C’est parfait, discret et de bon goût. »
Mon café bu, je retrouve Marguerite qui a toujours quelque juste réflexion à faire. L’admirable jeune homme souffre surtout du défaut qui, depuis deux siècles, caractérise la pensée de gauche : son optimisme. Comme Michelet et Hugo, il croit l’homme bon, non seulement dans sa forme mythique et originelle, mais encore aujourd’hui, et dans la rue.
Rentré, j’envoie un texto à Cristalle. Dans sa réponse, elle me dit que ce n’est pas une obligation mais un plaisir, qu’elle en discutera avec son collègue, que ce serait plutôt le mercredi de la semaine d’après.
Muni de mes deux crêpes, je passe comme chaque matin devant l’Hôtel Saint-Quay qui semble le plus souvent sans clients. Sur sa façade, on distingue encore l’inscription « Bouquinerie », laquelle a été mal recouverte par un raccord de peinture. Lors de ma précédente venue à Saint-Quay, j’avais acheté à la timide hôtelière, pour une broutille, des livres d’Hervé Guibert et de Tony Duvert.
Un peu plus bas se dresse l’ébouriffant bâtiment rose triangulaire à tourelle qui a nom Ty-Huel. Le jour de mon arrivée, mon logeur m’a dit qu’il était à vendre et qu’il avait été construit sur ce petit terrain triangulaire pour emmerder des bonnes sœurs en leur ôtant la vue sur la mer. Comme on ne voit pas grand-chose de la mer de cet endroit, je me demande si ce n’est pas une légende urbaine. Quoi qu’il en soit, cette bâtisse ne cesse de me fasciner.
Pas de pluie ce mardi matin. Au départ de ma balade, je trouve Pierre occupé à sortir la terrasse du Café de la Plage. « Vous allez bien ? » me dit-il. « Je vais passer tout à l’heure. Vous pouvez déjà me réserver une table », lui réponds-je. Vers Paimpol, un nuage noir est décoré d’une portion d’arc-en-ciel. La mer est agitée du vent d’hier. A l’arrivée, les bateaux du Portrieux sont éclairés par le soleil. C’est marée haute, ça flotte.
Je retrouve ma table habituelle au Poisson Rouge et Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar. Comment se fait-il que tout ce qui occupe et agite notre esprit, en alimente le flot ou la flamme, disparaisse à peu près inévitablement de tout entretien entre proches ?
J’assiste à l’arrivée dans l’ancienne Mairie des membres du Cercle Informatique Quinocéen dont le chef a refusé de m’aider. Des vieux qui portent leur ordinateur dans une sacoche à poignée. J’en braquerais bien un. Le risque de connaître le même sort que Sarkozy serait trop grand.
Après avoir laissé passer une brouillasse, je traverse Saint-Quay par le dedans. Direction le Café de la Plage où je trouve place haute à l’intérieur pour un autre café Yourcenar. A midi, je rejoins la salle du restaurant. Parmentier de poisson au curry breton, pavlova ananas passion, telle est la formule du jour pour dix-neuf euros. On n’entend pas le rire de Cristalle qui ne commence qu’à quinze heures, me dit Pierre. Je lui parle de l’éventuelle virée à Gwin Zegal. « Vous avez son numéro ? Contactez-la », me répond-t-il. Les vacances de Toussaint se font douloureusement sentir avec dans la salle du restaurant un tas de famille à moutards, le pire étant un deux ans seul avec sa mère. Une grand-mère essaie de faire choisir un fichipe à ses petits-enfants. « Fish and chips », reprend le père divorcé. Cela me saoule, au point que j’apprécie peu ce que je mange.
Je suis heureux de retrouver l’extérieur. La marée étant basse, je coupe par la Plage du Casino pour rejoindre le banc jaune au-dessus de la Grève Noire. J’y reprends mes esprits puis y prends le timide soleil avant de rejoindre le Quay des Brunes où Lisa essaie un diadème d’Allo Ouine. « Ça me va ? » me demande-t-elle. « C’est parfait, discret et de bon goût. »
Mon café bu, je retrouve Marguerite qui a toujours quelque juste réflexion à faire. L’admirable jeune homme souffre surtout du défaut qui, depuis deux siècles, caractérise la pensée de gauche : son optimisme. Comme Michelet et Hugo, il croit l’homme bon, non seulement dans sa forme mythique et originelle, mais encore aujourd’hui, et dans la rue.
Rentré, j’envoie un texto à Cristalle. Dans sa réponse, elle me dit que ce n’est pas une obligation mais un plaisir, qu’elle en discutera avec son collègue, que ce serait plutôt le mercredi de la semaine d’après.
21 octobre 2025
En marchant au milieu des rues, je rejoins le Quay des Brunes ce lundi. La pluie n’y est pour rien. C’est ainsi tous les jours. Il passe rarement une voiture. Nous sommes hors saison. La Toussaint n’y changera rien. Du vent est annoncé et pour dix heures peut-être un orage. Ça me laisse le temps de suivre la côte jusqu’au Poisson Rouge.
Il fait un peu de soleil quand le militaire de faction en haut du Sémaphore me regarde arriver, m’arrêter devant la table d’orientation puis repartir. Le bâtiment actuel date de mil neuf cent quatre-vingt-six. Il permet la surveillance du trafic maritime et aérien grâce à une tour de douze mètres de haut semi-octogonale avec chambre de veille panoramique. Les guetteurs sont recrutés entre dix-sept et trente ans pour des contrats de quatre ans renouvelables.
Après avoir réservé aux Plaisanciers, je m’installe à la terrasse du Poisson sous un beau soleil avec vue sur le port d’échouage à marée haute. Le patron, Jean-Marie, me donne du monsieur en m’apportant mon café. Cette fois, il ne passera pas au tutoiement comme il y a deux ans. Je préfère ça.
Voyons ce qu’a à me dire Marguerite Yourcenar sur sa famille. Peu avant sa fin, ce bon père avait pris soin de partager lui-même ses diamants entre ses quatre filles étagées de dix-sept à vingt-deux ans. (…) Les demoiselles Drion passaient pour des partis désirables, chacune apportant un charbonnage.
A dix heures, c’est l’averse, l’arrivée de cancanières fuyant le marché et la fraîcheur qui tombe. Quand ça se calme, j’opère une translation vers L’Ecume.
A midi moins le quart, c’est encore un jour de grand départ à la coquille dans le port de pêche.
De la langue aux Plaisanciers où les vacances se traduisent par la présence d’enfants. Non pas avec leurs parents mais avec papy mamie. Trois tablées on ne peut plus calmes sans que les grands-parents aient à faire preuve d’autorité.
Le vent a forci durant le repas. Il me pousse jusqu’à L’Ecume où, à la table d’à côté, le patron et celle que je prenais pour sa serveuse en raison de la différence d’âge mais qui s’avère être la patronne discutent d’affaires de famille. L’immense écart entre ce que se disent deux personnes bien élevées, causant devant une tasse de thé et la vie secrète des sens, des glandes, des viscères, la masse des soucis, des expériences et des idées tus, a toujours été pour moi un sujet d’ébahissement., commente Marguerite.
En rentrant, une pause m’est de nouveau accordée sur le banc bleu vite séché après l’averse. Point de lézard mais un petit voilier rouge qui se dirige vers Port d’Armor. Comme toujours, chaque fois qu’il se tourne vers le monde extérieur, la vie est là, avec son imprévu, sa foncière tristesse, sa décevante douceur, et sa presque insupportable plénitude.
*
Mais toute vieille demeure réserve des surprises… Dommage, Marguerite, ce « Mais » en début de phrase. Inutile et affaiblissant le propos. Ce n’est pas le seul, hélas, dans Souvenirs pieux.
Il fait un peu de soleil quand le militaire de faction en haut du Sémaphore me regarde arriver, m’arrêter devant la table d’orientation puis repartir. Le bâtiment actuel date de mil neuf cent quatre-vingt-six. Il permet la surveillance du trafic maritime et aérien grâce à une tour de douze mètres de haut semi-octogonale avec chambre de veille panoramique. Les guetteurs sont recrutés entre dix-sept et trente ans pour des contrats de quatre ans renouvelables.
Après avoir réservé aux Plaisanciers, je m’installe à la terrasse du Poisson sous un beau soleil avec vue sur le port d’échouage à marée haute. Le patron, Jean-Marie, me donne du monsieur en m’apportant mon café. Cette fois, il ne passera pas au tutoiement comme il y a deux ans. Je préfère ça.
Voyons ce qu’a à me dire Marguerite Yourcenar sur sa famille. Peu avant sa fin, ce bon père avait pris soin de partager lui-même ses diamants entre ses quatre filles étagées de dix-sept à vingt-deux ans. (…) Les demoiselles Drion passaient pour des partis désirables, chacune apportant un charbonnage.
A dix heures, c’est l’averse, l’arrivée de cancanières fuyant le marché et la fraîcheur qui tombe. Quand ça se calme, j’opère une translation vers L’Ecume.
A midi moins le quart, c’est encore un jour de grand départ à la coquille dans le port de pêche.
De la langue aux Plaisanciers où les vacances se traduisent par la présence d’enfants. Non pas avec leurs parents mais avec papy mamie. Trois tablées on ne peut plus calmes sans que les grands-parents aient à faire preuve d’autorité.
Le vent a forci durant le repas. Il me pousse jusqu’à L’Ecume où, à la table d’à côté, le patron et celle que je prenais pour sa serveuse en raison de la différence d’âge mais qui s’avère être la patronne discutent d’affaires de famille. L’immense écart entre ce que se disent deux personnes bien élevées, causant devant une tasse de thé et la vie secrète des sens, des glandes, des viscères, la masse des soucis, des expériences et des idées tus, a toujours été pour moi un sujet d’ébahissement., commente Marguerite.
En rentrant, une pause m’est de nouveau accordée sur le banc bleu vite séché après l’averse. Point de lézard mais un petit voilier rouge qui se dirige vers Port d’Armor. Comme toujours, chaque fois qu’il se tourne vers le monde extérieur, la vie est là, avec son imprévu, sa foncière tristesse, sa décevante douceur, et sa presque insupportable plénitude.
*
Mais toute vieille demeure réserve des surprises… Dommage, Marguerite, ce « Mais » en début de phrase. Inutile et affaiblissant le propos. Ce n’est pas le seul, hélas, dans Souvenirs pieux.
20 octobre 2025
Je ne suis plus seul Villa Les Marronniers. Les résidents secondaires de l’un des appartements du rez-de-chaussée sont là, que je n’entends pas. Comme la barrière de la cour et la porte d’entrée restent ouvertes, c’est mieux de ne pas être seul en cas d’intrusion, bien que celle-ci soit improbable.
Il a plu. Il va pleuvoir. Cela n’empêche pas les habitués du Quay des Brunes d’être là à se raconter des histoires. Celui qui a été gardien d’immeuble à Paris en a de bonnes sur les ouvriers qui venaient rénover les appartements et celui qui parle toujours de sa femme donne de ses nouvelles « Madame a fait un gâteau » « Madame tricote des pulls ».
L’imprévu, ce sont deux filles en minijupe qui débarquent. Elles ont l’air d’avoir passé une partie de la nuit dehors. Elles n’en sont pas moins fraîches, le privilège de la jeunesse. L’habitué en chef est obligé d’aller souvent aux toilettes. « Alors, on est fatiguées ? », dit-il aux deux filles en ressortant. Elles n’étaient pas à la boîte de nuit. Elles étaient à une soirée, un peu plus haut.
Il pleut quand, protégé par mon coupe-vent de Saint-Brieuc, je parcours le sentier entre la Plage du Casino et Port d’Armor, où, comme il fait doux, je m’installe côté terrasse abritée par un semblant d’auvent, à L’Ecume, avec vue sur l’arrivée du Géherre dominée par une splendide villa inoccupée dotée d’un escalier de secours hélicoïdal extérieur.
Souvenirs pieux est dans l’une de mes poches. Je l’en sors. J’aime la manière froide et distanciée dont Marguerite raconte sa naissance et la mort qui s’ensuivit de sa mère qu’elle ne nomme que par son prénom : Fernande. Ceux qui viennent à L’Ecume pour le tabac repartent déçus. Les rayons sont quasiment vides depuis un moment. Un problème avec le fournisseur, c’est la raison officielle. Les cigarettes ça se paye d’avance et il y a un souci de trésorerie, c’est ce que dit Lisa du Quay des Brunes. En même temps, c’est le mois sans tabac, conclut la serveuse de L’Ecume.
Il pleut de plus belle (comme on dit) quand je marche jusqu’aux rues intérieures du Portrieux pour savoir si ce dimanche est ouvert Le Bon Dieu Sans Confession, petit bar tabac tout en profondeur face à la librairie Le Fanal. Il l’est. A une table perché, je bois un nouveau café tandis que le patron se vante de ses exploits en gravel et se demande si les vaccins contre le Covid ne l’ont pas affaibli. Il est souvent patraque, une des raisons de l’ouverture intermittente du Bon Dieu. On y écoute Fip, ce qui fait que je me sens un peu dans le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin.
Souvenirs pieux, quoi de plus approprié comme lecture au Bon Dieu Sans Confession. Je m’inscris en faux contre l’assertion souvent entendue que la perte prématurée d’une mère est toujours un désastre, ou qu’un enfant privé de la sienne éprouve toute sa vie le sentiment d’un manque et la nostalgie de l’absente. écrit Marguerite Yourcenar.
Ouvert, le Poisson Rouge l’est aussi, en l’honneur des vacances. La crêpe du moment est à quinze euros quatre-vingt-dix. Je préfère, au Port d’Armor, entrer chez Victoria où je déjeune à ma table de prédilection d’une pizza Napoli (avec anchois et câpres) à quatorze euros vingt. Les bateaux des pêcheurs sont immobiles. Des plongeurs passent, ployant sous leurs bouteilles, pour qui la pluie n’est rien.
Une arcade me permet de rejoindre sans me mouiller ma table d’habitué à l’intérieur de L’Ecume où une famille de vacanciers désespère. J’y rouvre Marguerite. Rien ne prouve mieux le peu qu’est cette individualité humaine, à laquelle nous tenons tant, que la rapidité avec laquelle les quelques objets qui en sont le support et parfois le symbole sont à leur tour périmés, détériorés ou perdus.
Du vent, mais plus de pluie, quand je ressors vers quinze heures. Je peux faire une pause durant une éclaircie sur le banc bleu du muret au lézard. La mer est basse. Une famille a la plage pour elle seule. Une autre arpente l’Ile de la Comtesse. Le lézard est planqué quelque part.
*
Les jours de pluie, il semble que les chiens n’aient pas besoin de sortir. Contrairement aux sportifs, qui font ça tous les jours.
Il a plu. Il va pleuvoir. Cela n’empêche pas les habitués du Quay des Brunes d’être là à se raconter des histoires. Celui qui a été gardien d’immeuble à Paris en a de bonnes sur les ouvriers qui venaient rénover les appartements et celui qui parle toujours de sa femme donne de ses nouvelles « Madame a fait un gâteau » « Madame tricote des pulls ».
L’imprévu, ce sont deux filles en minijupe qui débarquent. Elles ont l’air d’avoir passé une partie de la nuit dehors. Elles n’en sont pas moins fraîches, le privilège de la jeunesse. L’habitué en chef est obligé d’aller souvent aux toilettes. « Alors, on est fatiguées ? », dit-il aux deux filles en ressortant. Elles n’étaient pas à la boîte de nuit. Elles étaient à une soirée, un peu plus haut.
Il pleut quand, protégé par mon coupe-vent de Saint-Brieuc, je parcours le sentier entre la Plage du Casino et Port d’Armor, où, comme il fait doux, je m’installe côté terrasse abritée par un semblant d’auvent, à L’Ecume, avec vue sur l’arrivée du Géherre dominée par une splendide villa inoccupée dotée d’un escalier de secours hélicoïdal extérieur.
Souvenirs pieux est dans l’une de mes poches. Je l’en sors. J’aime la manière froide et distanciée dont Marguerite raconte sa naissance et la mort qui s’ensuivit de sa mère qu’elle ne nomme que par son prénom : Fernande. Ceux qui viennent à L’Ecume pour le tabac repartent déçus. Les rayons sont quasiment vides depuis un moment. Un problème avec le fournisseur, c’est la raison officielle. Les cigarettes ça se paye d’avance et il y a un souci de trésorerie, c’est ce que dit Lisa du Quay des Brunes. En même temps, c’est le mois sans tabac, conclut la serveuse de L’Ecume.
Il pleut de plus belle (comme on dit) quand je marche jusqu’aux rues intérieures du Portrieux pour savoir si ce dimanche est ouvert Le Bon Dieu Sans Confession, petit bar tabac tout en profondeur face à la librairie Le Fanal. Il l’est. A une table perché, je bois un nouveau café tandis que le patron se vante de ses exploits en gravel et se demande si les vaccins contre le Covid ne l’ont pas affaibli. Il est souvent patraque, une des raisons de l’ouverture intermittente du Bon Dieu. On y écoute Fip, ce qui fait que je me sens un peu dans le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin.
Souvenirs pieux, quoi de plus approprié comme lecture au Bon Dieu Sans Confession. Je m’inscris en faux contre l’assertion souvent entendue que la perte prématurée d’une mère est toujours un désastre, ou qu’un enfant privé de la sienne éprouve toute sa vie le sentiment d’un manque et la nostalgie de l’absente. écrit Marguerite Yourcenar.
Ouvert, le Poisson Rouge l’est aussi, en l’honneur des vacances. La crêpe du moment est à quinze euros quatre-vingt-dix. Je préfère, au Port d’Armor, entrer chez Victoria où je déjeune à ma table de prédilection d’une pizza Napoli (avec anchois et câpres) à quatorze euros vingt. Les bateaux des pêcheurs sont immobiles. Des plongeurs passent, ployant sous leurs bouteilles, pour qui la pluie n’est rien.
Une arcade me permet de rejoindre sans me mouiller ma table d’habitué à l’intérieur de L’Ecume où une famille de vacanciers désespère. J’y rouvre Marguerite. Rien ne prouve mieux le peu qu’est cette individualité humaine, à laquelle nous tenons tant, que la rapidité avec laquelle les quelques objets qui en sont le support et parfois le symbole sont à leur tour périmés, détériorés ou perdus.
Du vent, mais plus de pluie, quand je ressors vers quinze heures. Je peux faire une pause durant une éclaircie sur le banc bleu du muret au lézard. La mer est basse. Une famille a la plage pour elle seule. Une autre arpente l’Ile de la Comtesse. Le lézard est planqué quelque part.
*
Les jours de pluie, il semble que les chiens n’aient pas besoin de sortir. Contrairement aux sportifs, qui font ça tous les jours.
19 octobre 2025
Je vois le jour se lever magnifiquement de ma table habituelle du Quay des Brunes ce samedi matin. La patronne se plaint du bordel de la sortie de la boîte de nuit située sous le Café de la Plage, nommée L’Etrier, présente depuis au moins quarante ans. On y a fêté le début des vacances jusqu’à six heures du matin. Il est ensuite question des praires qui sont difficiles à ouvrir. « Tu les prends par derrière », conseille l’habitué en chef à qui je serre la main chaque matin depuis qu’un jour il a serré la mienne.
En sortant, je monte tout droit dans l’intérieur du bourg par la rue du Moulin Saint Michel. Logiquement, elle conduit au Moulin Saint Michel. Une bonne pente, qui plus est en travaux. J’ai été bien inspiré de l’emprunter un jour où les pelleteuses sont à l’arrêt.
Ce Moulin Saint Michel m’apparaît soudain, imposant et beau, sur sa butte. Il a été construit vers mil huit cent trente, à l’emplacement d’une chapelle dédiée à Saint Michel. Il fut en fonction jusqu’en mil neuf cent. Laissé à l’abandon, il a été acquis par la commune et restauré en mil neuf cent soixante et onze, puis restauré à nouveau en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf après avoir été gravement détérioré par la tempête. C’est un moulin-tour à toit tournant, ce qui permet d’orienter ses ailes selon le vent. Depuis cette hauteur, j’ai vue sur le magnifique lever de soleil, sur la mer au loin et sur le clocher de l’église dépassant des arbres.
Redescendu en bord de mer, je fais mon trajet de presque tous les jours. Au-dessus de la Plage de la Comtesse, Roule Galette est de retour. Une caravane blanche où l’on fait des crêpes à emporter. Il y a de l’espoir avec les vacances de la Toussaint.
Il ne se fait pas sentir à la terrasse du Poisson Rouge quand j’y arrive à dix heures. Nous n’y sommes que trois clients. J’y termine les nouvelles de Vialatte que je trouve globalement inintéressantes, de la littérature d’imagination dont je ne retiens rien. Je passe à Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar, une écrivaine dont je n’ai pas réussi à lire les romans au temps où j’en lisais, jusqu’à ce que le vent de plus en plus froid ne me chasse.
Quand je sors de mon déjeuner aux Plaisanciers, c’est le dedans de L’Ecume qui s’impose pour un café avec Marguerite.
En sortant, je monte tout droit dans l’intérieur du bourg par la rue du Moulin Saint Michel. Logiquement, elle conduit au Moulin Saint Michel. Une bonne pente, qui plus est en travaux. J’ai été bien inspiré de l’emprunter un jour où les pelleteuses sont à l’arrêt.
Ce Moulin Saint Michel m’apparaît soudain, imposant et beau, sur sa butte. Il a été construit vers mil huit cent trente, à l’emplacement d’une chapelle dédiée à Saint Michel. Il fut en fonction jusqu’en mil neuf cent. Laissé à l’abandon, il a été acquis par la commune et restauré en mil neuf cent soixante et onze, puis restauré à nouveau en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf après avoir été gravement détérioré par la tempête. C’est un moulin-tour à toit tournant, ce qui permet d’orienter ses ailes selon le vent. Depuis cette hauteur, j’ai vue sur le magnifique lever de soleil, sur la mer au loin et sur le clocher de l’église dépassant des arbres.
Redescendu en bord de mer, je fais mon trajet de presque tous les jours. Au-dessus de la Plage de la Comtesse, Roule Galette est de retour. Une caravane blanche où l’on fait des crêpes à emporter. Il y a de l’espoir avec les vacances de la Toussaint.
Il ne se fait pas sentir à la terrasse du Poisson Rouge quand j’y arrive à dix heures. Nous n’y sommes que trois clients. J’y termine les nouvelles de Vialatte que je trouve globalement inintéressantes, de la littérature d’imagination dont je ne retiens rien. Je passe à Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar, une écrivaine dont je n’ai pas réussi à lire les romans au temps où j’en lisais, jusqu’à ce que le vent de plus en plus froid ne me chasse.
Quand je sors de mon déjeuner aux Plaisanciers, c’est le dedans de L’Ecume qui s’impose pour un café avec Marguerite.
18 octobre 2025
Dernier jour de classe avant les vacances de la Toussaint pour les collégien(ne)s de Stella Maris qui entrent dans leur établissement catholique alors que j’entre en face au Quay des Brunes. Pas mal d’habitués sont déjà là. L’un raconte qu’on a dessiné une bite sur l’arrière de son camion sale. « Je suis allé au lavage. On voit toujours la bite. Il a rayé la peinture, ce connard. »
Du côté de la mer, un ciel orangé annonce une belle journée. Sorti du bar, je prends à droite toute par la rue de la Jeanne que j’empruntais pour rejoindre mon studio Air Bibi il y a deux ans. Je continue tout droit, rue Pierre Loti. Me voici dans le quartier d’origine de Saint-Quay, Kertugal, où se tient, toute ronde et imposante, la chapelle Notre-Dame de la Garde. Datant de mil huit cent vingt-huit, elle est dédiée aux péris en mer. Un pardon a lieu tous les mois de juillet.
Le tour d’icelle fait, je redescends jusqu’au rond-point des Vallées, prends à gauche vers la mer par la rue des Grèves et arrive à la Fontaine Saint-Quay où suivant la légende Saint Quay (ou Saint Ké) fit surgir une source après que des lavandières l’ayant pris pour un démon l’eurent fouetté et laissé agonisant. Cette source miraculeuse le guérit de ses blessures. La Fontaine actuelle, pyramidale, date de mil huit cent soixante-deux. Celle-ci photographiée, je rejoins le Géherre au-dessus de la Grève de Lisnard, puis direction le Café de la Plage.
Las, à neuf heures cinquante, sa terrasse est encore à l’ombre. Je descends sur l’esplanade qui domine la piscine d’eau de mer et trouve à m’asseoir sur un banc aussi jaune que le soleil qui me chauffe.
Quand ce soleil atteint les deux tables hautes du Café de la Plage, je prends place à l’une et réserve une table à l’intérieur pour le déjeuner au sympathique jeune homme qui m’a accueilli le jour de mon arrivée. C’est le moment d’ouvrir Vialatte. La mer est basse. Les baigneurs quotidiens sont obligés d’aller la chercher loin. Le soleil est bas aussi en cette moitié d’octobre. Seules les tables de premier rang en bénéficient. A l’une, trois jeunes anglophones, une rareté ici. A une autre, une femme dépose son mari avec un verre de blanc pour aller faire le marché.
Avant midi, je passe au mur des livres et, en cherchant bien, trouve à y prélever Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar dans l’édition Folio.
Salade asiatique nouilles de riz et poulet, tartare de bœuf à l’os à moelle et frites maison, café gourmand, tel est le menu partiellement renouvelé du Café de la Plage ce vendredi midi.
-Alors, vous avez pu aller à Gwin Zegal ? me demande la gentille jolie serveuse.
-Non, c’est trop loin pour moi, à quatre kilomètres de l’église de Plouha.
-Si j’avais une voiture, je vous emmènerais, me répond-elle, je vais en parler à Pierre peut-être qu’on pourrait y aller avec le camion mais je ne vous promets rien.
Je lui donne mon numéro de téléphone en lui précisant que je ne sais répondre qu’aux textos. Elle me donne son prénom : Cristalle.
-C’est votre vrai prénom ?
-Oui, c’est mon vrai prénom.
Il lui va bien.
-Alors vous voulez aller à Gwin Zegal ? me demande le sympathique serveur lorsque je paie, en qui je découvre Pierre.
-Ce n’est pas que je veuille y aller, c’est Cristalle qui me l’a proposé.
-Ça fait longtemps que je n’y suis pas allé, il faut voir, peut-être mercredi.
Je lui dis de ne se forcer à rien puis, par le Géherre, rejoins le Port du Portrieux sous un beau soleil qui fait la mer bien bleue. Je me chauffe sur le premier banc jaune de la jetée en attendant que le service de crêperie soit terminé au Poisson Rouge. Après le café, par une chaleur estivale, j’y reprends ma lecture. Une vieille en partant se penche sur mon livre. « Je regarde toujours ce que lisent les gens », me dit-elle. Je lui montre la couverture. « Vialatte » « Ah, Vialatte » répète-t-elle sans que cela semble allumer une lueur dans son cerveau.
Moi aussi, je regarde toujours ce que lisent mes voisin(e)s, mais de façon discrète.
*
Un message de Cristalle en rentrant. Simplement pour me dire que c’est elle. Je lui réponds que ce serait avec plaisir, l’expédition à Gwin Zegal, mais qu’il n’y a aucune obligation.
Du côté de la mer, un ciel orangé annonce une belle journée. Sorti du bar, je prends à droite toute par la rue de la Jeanne que j’empruntais pour rejoindre mon studio Air Bibi il y a deux ans. Je continue tout droit, rue Pierre Loti. Me voici dans le quartier d’origine de Saint-Quay, Kertugal, où se tient, toute ronde et imposante, la chapelle Notre-Dame de la Garde. Datant de mil huit cent vingt-huit, elle est dédiée aux péris en mer. Un pardon a lieu tous les mois de juillet.
Le tour d’icelle fait, je redescends jusqu’au rond-point des Vallées, prends à gauche vers la mer par la rue des Grèves et arrive à la Fontaine Saint-Quay où suivant la légende Saint Quay (ou Saint Ké) fit surgir une source après que des lavandières l’ayant pris pour un démon l’eurent fouetté et laissé agonisant. Cette source miraculeuse le guérit de ses blessures. La Fontaine actuelle, pyramidale, date de mil huit cent soixante-deux. Celle-ci photographiée, je rejoins le Géherre au-dessus de la Grève de Lisnard, puis direction le Café de la Plage.
Las, à neuf heures cinquante, sa terrasse est encore à l’ombre. Je descends sur l’esplanade qui domine la piscine d’eau de mer et trouve à m’asseoir sur un banc aussi jaune que le soleil qui me chauffe.
Quand ce soleil atteint les deux tables hautes du Café de la Plage, je prends place à l’une et réserve une table à l’intérieur pour le déjeuner au sympathique jeune homme qui m’a accueilli le jour de mon arrivée. C’est le moment d’ouvrir Vialatte. La mer est basse. Les baigneurs quotidiens sont obligés d’aller la chercher loin. Le soleil est bas aussi en cette moitié d’octobre. Seules les tables de premier rang en bénéficient. A l’une, trois jeunes anglophones, une rareté ici. A une autre, une femme dépose son mari avec un verre de blanc pour aller faire le marché.
Avant midi, je passe au mur des livres et, en cherchant bien, trouve à y prélever Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar dans l’édition Folio.
Salade asiatique nouilles de riz et poulet, tartare de bœuf à l’os à moelle et frites maison, café gourmand, tel est le menu partiellement renouvelé du Café de la Plage ce vendredi midi.
-Alors, vous avez pu aller à Gwin Zegal ? me demande la gentille jolie serveuse.
-Non, c’est trop loin pour moi, à quatre kilomètres de l’église de Plouha.
-Si j’avais une voiture, je vous emmènerais, me répond-elle, je vais en parler à Pierre peut-être qu’on pourrait y aller avec le camion mais je ne vous promets rien.
Je lui donne mon numéro de téléphone en lui précisant que je ne sais répondre qu’aux textos. Elle me donne son prénom : Cristalle.
-C’est votre vrai prénom ?
-Oui, c’est mon vrai prénom.
Il lui va bien.
-Alors vous voulez aller à Gwin Zegal ? me demande le sympathique serveur lorsque je paie, en qui je découvre Pierre.
-Ce n’est pas que je veuille y aller, c’est Cristalle qui me l’a proposé.
-Ça fait longtemps que je n’y suis pas allé, il faut voir, peut-être mercredi.
Je lui dis de ne se forcer à rien puis, par le Géherre, rejoins le Port du Portrieux sous un beau soleil qui fait la mer bien bleue. Je me chauffe sur le premier banc jaune de la jetée en attendant que le service de crêperie soit terminé au Poisson Rouge. Après le café, par une chaleur estivale, j’y reprends ma lecture. Une vieille en partant se penche sur mon livre. « Je regarde toujours ce que lisent les gens », me dit-elle. Je lui montre la couverture. « Vialatte » « Ah, Vialatte » répète-t-elle sans que cela semble allumer une lueur dans son cerveau.
Moi aussi, je regarde toujours ce que lisent mes voisin(e)s, mais de façon discrète.
*
Un message de Cristalle en rentrant. Simplement pour me dire que c’est elle. Je lui réponds que ce serait avec plaisir, l’expédition à Gwin Zegal, mais qu’il n’y a aucune obligation.
17 octobre 2025
C’est le jour de la Comtesse. Le seul jour du mois d’octobre où la mer sera bien descendue au moment de mon trajet matinal entre la Plage du Casino et le Port du Portrieux, libérant la plage, le seul moyen d’accès depuis que l’escalier en bas du Château de Calan (la turquerie) est interdit pour raison d’insécurité.
Chez les habitués du Quay des Brunes, on parle de la pluie à partir de dimanche. Ça va être la fin. C’est le moment de tondre sa pelouse et de finir sa dalle.
La mer est suffisamment basse lorsque j’arrive à la Plage de la Comtesse. Quand j’y descends, j’y trouve une femme et son chien. L’animal me fonce dessus en gueulant. « Je sais pas ce qu’il a, il fait jamais ça », me dit cette menteuse. « Vous emmerdez le monde avec vos chiens », lui réponds-je. « En plus, ajouté-je, ils sont interdits sur cette plage ». « Interdits tolérés », me rétorque cette rebelle qui a une tête à voter Retailleau.
Après avoir marché un moment sur le sable, j’arrive au plan incliné qui permet d’accéder à l’Ile de la Comtesse. Je fais le tour de celle-ci sous un soleil hésitant. De belles ruines et plus de méchante Comtesse pour chasser les intrus (je la remplace en ce qui concerne les chiens). Un système d’éclairage permettait de voir les vestiges la nuit, il est dégradé. Un banc serait le bienvenu pour s’asseoir face à l’Ile Harbour dont on est au plus près. Je suis heureusement seul, comme chaque fois que j’ai parcouru l’Ile de la Comtesse.
Je redescends prudemment la rampe d’accès et traverse une plage sans chien pour rejoindre le Géherre. Un détour par les Plaisanciers pour retenir une table à midi et direction le Poisson Rouge où, même si j’arrive plus tard qu’à l’ordinaire, je suis seul en terrasse.
Je reprends ma lecture des nouvelles de Vialatte, trouvant parfois une petite chose pour me plaire. Sa mère regretta de l’avoir fait si petit. S’il avait été de taille normale, la balle se serait peut-être égarée dans le poumon.
Aux Plaisanciers, après le buffet d’entrées, c’est poulet rôti et un moelleux à la pomme que je mange près d’un trio d’affranchis rattrapés par l’âge, des vulgos comme je les nomme in petto. Je suis content de m’en éloigner pour aller m’asseoir à la terrasse, le soleil apparu, de L’Ecume. J’y rouvre Vialatte : Ainsi voûté, tassé, aplati, déjeté, il avait l’air d’un pâté de sable écrasé par un grand coup de pelle.
C’est une belle après-midi ensoleillée. Je l’achève sur mon banc bleu du muret au lézard. La mer monte. La plage disparaît peu à peu. La Comtesse sera bientôt entourée d’eau. S’il en est un qui n’usurpe pas sa réputation, c’est le lézard.
*
Dommage que je n’aie pas connu l’Ile de la Comtesse lorsque j’étais bien accompagné. L’occasion aurait été belle d’y rester seul avec elle pendant une marée haute et, sans craindre d’être surpris par quiconque, de s’y livrer à des folies sexuelles en plein air.
Chez les habitués du Quay des Brunes, on parle de la pluie à partir de dimanche. Ça va être la fin. C’est le moment de tondre sa pelouse et de finir sa dalle.
La mer est suffisamment basse lorsque j’arrive à la Plage de la Comtesse. Quand j’y descends, j’y trouve une femme et son chien. L’animal me fonce dessus en gueulant. « Je sais pas ce qu’il a, il fait jamais ça », me dit cette menteuse. « Vous emmerdez le monde avec vos chiens », lui réponds-je. « En plus, ajouté-je, ils sont interdits sur cette plage ». « Interdits tolérés », me rétorque cette rebelle qui a une tête à voter Retailleau.
Après avoir marché un moment sur le sable, j’arrive au plan incliné qui permet d’accéder à l’Ile de la Comtesse. Je fais le tour de celle-ci sous un soleil hésitant. De belles ruines et plus de méchante Comtesse pour chasser les intrus (je la remplace en ce qui concerne les chiens). Un système d’éclairage permettait de voir les vestiges la nuit, il est dégradé. Un banc serait le bienvenu pour s’asseoir face à l’Ile Harbour dont on est au plus près. Je suis heureusement seul, comme chaque fois que j’ai parcouru l’Ile de la Comtesse.
Je redescends prudemment la rampe d’accès et traverse une plage sans chien pour rejoindre le Géherre. Un détour par les Plaisanciers pour retenir une table à midi et direction le Poisson Rouge où, même si j’arrive plus tard qu’à l’ordinaire, je suis seul en terrasse.
Je reprends ma lecture des nouvelles de Vialatte, trouvant parfois une petite chose pour me plaire. Sa mère regretta de l’avoir fait si petit. S’il avait été de taille normale, la balle se serait peut-être égarée dans le poumon.
Aux Plaisanciers, après le buffet d’entrées, c’est poulet rôti et un moelleux à la pomme que je mange près d’un trio d’affranchis rattrapés par l’âge, des vulgos comme je les nomme in petto. Je suis content de m’en éloigner pour aller m’asseoir à la terrasse, le soleil apparu, de L’Ecume. J’y rouvre Vialatte : Ainsi voûté, tassé, aplati, déjeté, il avait l’air d’un pâté de sable écrasé par un grand coup de pelle.
C’est une belle après-midi ensoleillée. Je l’achève sur mon banc bleu du muret au lézard. La mer monte. La plage disparaît peu à peu. La Comtesse sera bientôt entourée d’eau. S’il en est un qui n’usurpe pas sa réputation, c’est le lézard.
*
Dommage que je n’aie pas connu l’Ile de la Comtesse lorsque j’étais bien accompagné. L’occasion aurait été belle d’y rester seul avec elle pendant une marée haute et, sans craindre d’être surpris par quiconque, de s’y livrer à des folies sexuelles en plein air.
16 octobre 2025
Revoir Lanloup, c’est mon désir ce mercredi matin. Aussi, mes crêpes mangées et mon allongé bu au Quay des Brunes maintenant doté d’une vitre coulissante pour l’été, vais-je attendre le car BreizhGo de neuf heures onze terminus Paimpol.
Halte-là, c’est le nom bien venu de l’arrêt où je descends du car. La rue en pente qui mène à l’église de Lanloup est interdite aux voitures. On refait les réseaux. A mi-chemin, une tranchée la coupe en deux. Les ouvriers sont d’accord pour arrêter la pelleteuse le temps que j’enjambe cette tranchée. Je préfère faire un bon détour par une rue qui descend sur la gauche, puis remonte sur la droite.
L’église de Lanloup est une église gothique en granit. Elle est entourée du cimetière. Son porche abrite les statues des douze apôtres. Elle est ouverte. Son chœur s’allume quand je m’en approche, me permettant de bien voir la statue de Saint Loup en granit et la Vierge en bois polychrome. On trouve aussi dans cette église des boîtes à chefs en bois (appelées aussi boîtes à crânes). Dans l’entrée et la pénombre est un grand livre d’or sur lequel j’écris « Une nouvelle fois dans cette très belle église » et je signe.
En face est le café épicerie Kabellig Ruz où j’avais bu un café il y a deux ans. Oui, mais il n’ouvre que du jeudi au dimanche. Sa gérante est devant la porte avec son chien. Elle me propose d’entrer, elle peut me faire un café. La perspective d’être seul avec elle alors que ce n’est pas officiellement ouvert me rebute, ce sera tristounet et il me faudra faire la conversation. Je refuse en remerciant.
La fois précédente, elle m’avait indiqué comment aller au Château et revenir par la Fontaine. De cela non plus, je n’ai pas envie. J’ouvre la boîte à livres du petit jardin public d’à côté et y prélève Badonce et les créatures, des nouvelles d’Alexandre Vialatte publiées chez Julliard, puis je fais dans l’autre sens le crochet vers Halte-là, m’arrêtant en chemin près d’un calvaire à une table de pique-nique mangée par la mousse où j’écris ce début de journée sous un ciel particulièrement gris tandis que chante un coq peu matinal.
A l’arrêt Halte-là est un bar restaurant du même nom arrêté depuis longtemps, bien que les tables et les chaises de la terrasse soient toujours là, empilées en bord de route. Le prochain car de retour est à midi vingt-trois. Que faire ?
De l’autre côté de la route vers les terres est indiquée la chapelle Sainte Colombe. Allons la voir. Je marche un petit moment vers Pléhédel et la trouve dans une sorte de parc, cachée derrière des arbres, une belle chapelle en granit, fermée évidemment. Dans ce parc, un châtaignier répand ses fruits. Il y a de quoi faire une bonne récolte mais qu’en ferais-je ? D’ailleurs, je n’aime pas les châtaignes.
De retour à Halte-là, comme je n’ai rien de mieux à faire, et la tranchée étant désormais franchissable sur une plaque métallique, je redescends au centre du village et m’assois sur un banc dans le petit jardin devant un terrain de boules où pousse de l’herbe. J’écris là la suite de ma matinée puis remonte attendre le BreizhGo. Sur l’abri des cars une affichette municipale témoigne de l’énervement des agents d’entretien : « Ne crachez pas sur les vitres. Vous ne le faites pas chez vous ! »
Dans ce car monte à Kertugal, le quartier d’origine de Saint-Quay, la jolie serveuse du Café de la Plage qui fait relâche le mercredi. « Ah tiens ! Bonjour ! » Je descends peu après à l’arrêt Casino et, comme le soleil fait son apparition, m’installe à la terrasse arborée de bord de mer des Valseuses que j’ai connu sous le nom des Cochons Flingueurs.
L’endroit est toujours branchouille et chérot. Aussi je me contente de la saucisse fermière de Trégomeur avec purée à seize euros cinquante, que par erreur on ne me fait payer que quinze euros cinquante. Je ne dis rien, trouvant déjà le prix élevé. Comme dessert, je prends un kouign-amann à deux euros quarante au Fournil du Casino, que l’on me fait réchauffer et que je mange face au large.
Le vent frais est de retour et les nuages. Aussi je rejoins l’intérieur du Quay des Brunes pour le café, et voir si ça m’intéresse, les nouvelles de Vialatte trouvées à Lanloup.
Halte-là, c’est le nom bien venu de l’arrêt où je descends du car. La rue en pente qui mène à l’église de Lanloup est interdite aux voitures. On refait les réseaux. A mi-chemin, une tranchée la coupe en deux. Les ouvriers sont d’accord pour arrêter la pelleteuse le temps que j’enjambe cette tranchée. Je préfère faire un bon détour par une rue qui descend sur la gauche, puis remonte sur la droite.
L’église de Lanloup est une église gothique en granit. Elle est entourée du cimetière. Son porche abrite les statues des douze apôtres. Elle est ouverte. Son chœur s’allume quand je m’en approche, me permettant de bien voir la statue de Saint Loup en granit et la Vierge en bois polychrome. On trouve aussi dans cette église des boîtes à chefs en bois (appelées aussi boîtes à crânes). Dans l’entrée et la pénombre est un grand livre d’or sur lequel j’écris « Une nouvelle fois dans cette très belle église » et je signe.
En face est le café épicerie Kabellig Ruz où j’avais bu un café il y a deux ans. Oui, mais il n’ouvre que du jeudi au dimanche. Sa gérante est devant la porte avec son chien. Elle me propose d’entrer, elle peut me faire un café. La perspective d’être seul avec elle alors que ce n’est pas officiellement ouvert me rebute, ce sera tristounet et il me faudra faire la conversation. Je refuse en remerciant.
La fois précédente, elle m’avait indiqué comment aller au Château et revenir par la Fontaine. De cela non plus, je n’ai pas envie. J’ouvre la boîte à livres du petit jardin public d’à côté et y prélève Badonce et les créatures, des nouvelles d’Alexandre Vialatte publiées chez Julliard, puis je fais dans l’autre sens le crochet vers Halte-là, m’arrêtant en chemin près d’un calvaire à une table de pique-nique mangée par la mousse où j’écris ce début de journée sous un ciel particulièrement gris tandis que chante un coq peu matinal.
A l’arrêt Halte-là est un bar restaurant du même nom arrêté depuis longtemps, bien que les tables et les chaises de la terrasse soient toujours là, empilées en bord de route. Le prochain car de retour est à midi vingt-trois. Que faire ?
De l’autre côté de la route vers les terres est indiquée la chapelle Sainte Colombe. Allons la voir. Je marche un petit moment vers Pléhédel et la trouve dans une sorte de parc, cachée derrière des arbres, une belle chapelle en granit, fermée évidemment. Dans ce parc, un châtaignier répand ses fruits. Il y a de quoi faire une bonne récolte mais qu’en ferais-je ? D’ailleurs, je n’aime pas les châtaignes.
De retour à Halte-là, comme je n’ai rien de mieux à faire, et la tranchée étant désormais franchissable sur une plaque métallique, je redescends au centre du village et m’assois sur un banc dans le petit jardin devant un terrain de boules où pousse de l’herbe. J’écris là la suite de ma matinée puis remonte attendre le BreizhGo. Sur l’abri des cars une affichette municipale témoigne de l’énervement des agents d’entretien : « Ne crachez pas sur les vitres. Vous ne le faites pas chez vous ! »
Dans ce car monte à Kertugal, le quartier d’origine de Saint-Quay, la jolie serveuse du Café de la Plage qui fait relâche le mercredi. « Ah tiens ! Bonjour ! » Je descends peu après à l’arrêt Casino et, comme le soleil fait son apparition, m’installe à la terrasse arborée de bord de mer des Valseuses que j’ai connu sous le nom des Cochons Flingueurs.
L’endroit est toujours branchouille et chérot. Aussi je me contente de la saucisse fermière de Trégomeur avec purée à seize euros cinquante, que par erreur on ne me fait payer que quinze euros cinquante. Je ne dis rien, trouvant déjà le prix élevé. Comme dessert, je prends un kouign-amann à deux euros quarante au Fournil du Casino, que l’on me fait réchauffer et que je mange face au large.
Le vent frais est de retour et les nuages. Aussi je rejoins l’intérieur du Quay des Brunes pour le café, et voir si ça m’intéresse, les nouvelles de Vialatte trouvées à Lanloup.
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