Le bruit des hélicoptères, c’est tout ce que j’aurai connu de l’arrivée du Tour à Rouen. Lequel, je l’ai appris d’un mieux informé que moi, faisait un crochet dans le centre-ville, de la Gare au Boulingrin par la rue de la Jeanne et la rue du Canuet. Il fallait qu’il passe devant l’Hôtel de Ville pour la gloire de notre Maire, Mayer-Rossignol. J’aurais pu m’en douter. Celui qui est le plus souvent soupçonné de tricher a gagné l’étape et il y a eu une attaque au couteau dont on a peu parlé (il ne fallait pas gâcher la fête).
Ce mercredi, le calme est de retour du côté de la Gare que je rejoins pour prendre le sept heures vingt-deux. Il s’agit de retrouver Paris. C’est un train des familles, vacances obligent, que des enfants en bas âge trop bien réveillés. J’y commence la lecture de Journal d’un étranger à Paris de Curzio Malaparte. Je ne sais ce qui est le plus fatiguant des vociférations de Génération Cinquante ou des chut ! parentaux. Une mère à son deux ans chouinant à plat ventre dans le couloir : « Tu veux qu’on fasse une activité ? » Elle lui enfourne un croissant. C’est aussi efficace qu’un bâillon.
Notre crèche ambulante arrive à l’heure dans la capitale où, comme en Normandie, le ciel est bleu et la température supportable. Bus Vingt-Neuf, départ dans neuf minutes. Grâce au ciel, comme disent certains, sans moutards. Rue Beaubourg, nous dépassons deux Gendarmes à cheval puis, pour raison de travaux, « dévions le Marais ». On longe la Seine, Paris Plages fermée, les boîtes des bouquinistes fermées, Notre-Dame à moitié réparée.
De la Bastille, je rejoins le Marché d’Aligre où Emile et Amin ont sorti tous leurs livres. Rien chez le premier. Du bon chez le second : Carnets de guerre 1914-1918 d’Edouard Cœurdevey (Terre Humaine Plon), Journal d’un Poilu sur le front d’Orient de Jean Leymonnerie (Pygmalion) et Exégèse des lieux communs de Léon Bloy (Dix Dix-Huit), ce dernier cherché depuis longtemps. « C’est toujours cinq pour trois ? » « C’est pas assez » « Ah ! » « Ça vient d’arriver » « Combien alors ? » « Six ». J’ai un bon contact avec Amin (ou Amine, je ne sais) et je l’entretiens en le remerciant et en lui souhaitant une bonne journée.
Je prends un café au comptoir du Camélia qui semble avoir retrouvé une clientèle puis je vais voir s’il y a aussi du bon parmi les livres à un euro au Book-Off de Ledru-Rollin. Il y en a : Souvenirs personnels de Joseph Conrad (Autrement), Lettres de collège d’Alexandre Vialatte et Henri Pourrat (Presses Universitaires Blaise Pascal), Schubert et l’infini de Jacques Drillon (Actes Sud) et Vraie blonde, et autres de Jack Kerouac (Folio).
Quiche lorraine salade et tartare de thon avocat mangue frites salade, c’est mon déjeuner chez Au Diable des Lombards. De là, profitant d’une journée pas trop chaude, au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin. En bas des marches, tout de suite me fait signe le récent numéro dix du Manifeste incertain titré Les Etrangers Malcolm Lowry Alberto Giacometti de Frédéric Pajak (Editions Noir sur Blanc) à huit euros. Heureusement, je ne trouve rien d’indispensable parmi les livres à un euro. Mon sac est déjà trop lourd.
Il est quatorze heures. Je me traîne jusqu’à la terrasse de La Terrasse pour un café verre d’eau lecture à l’ombre de l’auvent. Derrière moi, dans la conversation de deux filles que je ne vois pas, il est question de se connecter à ses traumas et les faire avancer par des tapotements puis d’autistes de bas niveau et de haut niveau. Vers quinze heures, de nombreux passages d’avions militaires en répétition du Quatorze Juillet font lever les têtes et sortir les smartphones.
C’est fatigué que j’attends le seize heures quarante à la Gare Saint-Lazare, me demandant combien de temps encore je pourrai faire une virée le mercredi à Paris. Le train du retour est à l’heure et ma place préférée disponible dans la voiture Cinq où aucun enfant ne se trouve. Je lis toujours Journal d’un étranger à Paris de Curzio Malaparte, trop de réflexion, pas assez d’action, une déception. Sur la plate-forme, trois membres de la Sûreté Ferroviaire veillent.
On aurait besoin d’eux ou de leurs semblables sur le parvis de la Gare de Rouen où deux zonards en viennent aux mains (comme on dit) à propos du chien de l’un perdu par l’autre.
*
Au rayon Voyage du Book-Off de Ledru-Rollin : Voyage en Grande Garabagne d’Henri Michaux.
*
De nous, les cocus du monde, qui ne sommes ni beaux ni laids, ni riches ni bien nés, de nous que la vie effraie, que le vent pousse à son gré, qui nous consumons en vains regrets, de nous les êtres sans mémoire et sans force, sans gloire et sans orgueil, de nous les vieillis avant l’âge, les menteurs, les lâches, les pauvres en esprit, les tendres et les enfantins, aux haines fragiles, aux vénérations incertaines, de nous, les jaloux et les craintifs, de nous Schubert est le frère. (Jacques Drillon)
Ce mercredi, le calme est de retour du côté de la Gare que je rejoins pour prendre le sept heures vingt-deux. Il s’agit de retrouver Paris. C’est un train des familles, vacances obligent, que des enfants en bas âge trop bien réveillés. J’y commence la lecture de Journal d’un étranger à Paris de Curzio Malaparte. Je ne sais ce qui est le plus fatiguant des vociférations de Génération Cinquante ou des chut ! parentaux. Une mère à son deux ans chouinant à plat ventre dans le couloir : « Tu veux qu’on fasse une activité ? » Elle lui enfourne un croissant. C’est aussi efficace qu’un bâillon.
Notre crèche ambulante arrive à l’heure dans la capitale où, comme en Normandie, le ciel est bleu et la température supportable. Bus Vingt-Neuf, départ dans neuf minutes. Grâce au ciel, comme disent certains, sans moutards. Rue Beaubourg, nous dépassons deux Gendarmes à cheval puis, pour raison de travaux, « dévions le Marais ». On longe la Seine, Paris Plages fermée, les boîtes des bouquinistes fermées, Notre-Dame à moitié réparée.
De la Bastille, je rejoins le Marché d’Aligre où Emile et Amin ont sorti tous leurs livres. Rien chez le premier. Du bon chez le second : Carnets de guerre 1914-1918 d’Edouard Cœurdevey (Terre Humaine Plon), Journal d’un Poilu sur le front d’Orient de Jean Leymonnerie (Pygmalion) et Exégèse des lieux communs de Léon Bloy (Dix Dix-Huit), ce dernier cherché depuis longtemps. « C’est toujours cinq pour trois ? » « C’est pas assez » « Ah ! » « Ça vient d’arriver » « Combien alors ? » « Six ». J’ai un bon contact avec Amin (ou Amine, je ne sais) et je l’entretiens en le remerciant et en lui souhaitant une bonne journée.
Je prends un café au comptoir du Camélia qui semble avoir retrouvé une clientèle puis je vais voir s’il y a aussi du bon parmi les livres à un euro au Book-Off de Ledru-Rollin. Il y en a : Souvenirs personnels de Joseph Conrad (Autrement), Lettres de collège d’Alexandre Vialatte et Henri Pourrat (Presses Universitaires Blaise Pascal), Schubert et l’infini de Jacques Drillon (Actes Sud) et Vraie blonde, et autres de Jack Kerouac (Folio).
Quiche lorraine salade et tartare de thon avocat mangue frites salade, c’est mon déjeuner chez Au Diable des Lombards. De là, profitant d’une journée pas trop chaude, au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin. En bas des marches, tout de suite me fait signe le récent numéro dix du Manifeste incertain titré Les Etrangers Malcolm Lowry Alberto Giacometti de Frédéric Pajak (Editions Noir sur Blanc) à huit euros. Heureusement, je ne trouve rien d’indispensable parmi les livres à un euro. Mon sac est déjà trop lourd.
Il est quatorze heures. Je me traîne jusqu’à la terrasse de La Terrasse pour un café verre d’eau lecture à l’ombre de l’auvent. Derrière moi, dans la conversation de deux filles que je ne vois pas, il est question de se connecter à ses traumas et les faire avancer par des tapotements puis d’autistes de bas niveau et de haut niveau. Vers quinze heures, de nombreux passages d’avions militaires en répétition du Quatorze Juillet font lever les têtes et sortir les smartphones.
C’est fatigué que j’attends le seize heures quarante à la Gare Saint-Lazare, me demandant combien de temps encore je pourrai faire une virée le mercredi à Paris. Le train du retour est à l’heure et ma place préférée disponible dans la voiture Cinq où aucun enfant ne se trouve. Je lis toujours Journal d’un étranger à Paris de Curzio Malaparte, trop de réflexion, pas assez d’action, une déception. Sur la plate-forme, trois membres de la Sûreté Ferroviaire veillent.
On aurait besoin d’eux ou de leurs semblables sur le parvis de la Gare de Rouen où deux zonards en viennent aux mains (comme on dit) à propos du chien de l’un perdu par l’autre.
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Au rayon Voyage du Book-Off de Ledru-Rollin : Voyage en Grande Garabagne d’Henri Michaux.
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De nous, les cocus du monde, qui ne sommes ni beaux ni laids, ni riches ni bien nés, de nous que la vie effraie, que le vent pousse à son gré, qui nous consumons en vains regrets, de nous les êtres sans mémoire et sans force, sans gloire et sans orgueil, de nous les vieillis avant l’âge, les menteurs, les lâches, les pauvres en esprit, les tendres et les enfantins, aux haines fragiles, aux vénérations incertaines, de nous, les jaloux et les craintifs, de nous Schubert est le frère. (Jacques Drillon)