A Paris avec le train de huit heures

22 mars 2024


Ce mercredi, n’ayant pas encore quitté mon logis, je sais déjà par le site de la Gare de Rouen que le sept heures vingt-trois circule avec un retard de vingt minutes dû à une « intervention des forces de l'ordre pour prendre en charge un voyageur récalcitrant » au départ du Havre mais cela ne me concerne pas car cette fois, pour des raisons de prix du billet, je vais à Paris avec le train de huit heures qui lui est ponctuel.
J’y commence la lecture de Mémoires de ma vie morte de George Moore et j’ai oublié mon stylo, ce qui est bien embêtant.
Une belle journée printanière commence dans la capitale où je dois attendre dix minutes avant que le bus Vingt-Neuf ne parte. De celui-ci, j’aperçois une affiche pour une liste prétendument écolo aux Européennes (elle attaque « les fossoyeuses de l’écologie politique », Marine Tondelier, Sandrine Rousseau et Marie Toussaint, elles ne sont pas nommées, un montage de leurs photos les montrent peu à leur avantage) et quelques jolies filles qui osent le crop top  Un contrôleur monte à la station Opéra, un évènement rare, personne n’est en fraude, puis nous sommes bloqués dans le Marais par un livreur indélicat, un évènement courant. Ça dure mais c’est trop loin pour que je décide de finir à pied.
Je dois faire un peu vite pour explorer les livres d’Aligre. Le soleil présent a incité Amin à déballer tout son stock mais je n’y vois rien pour moi. Un de ses amis veut l’inviter ce midi mais il refuse : « Le marché fini, je rentre chez moi, je fais le ramadan. »
Au Camélia, mon café de comptoir bu, j’emprunte un stylo au fils de la maison, un publicitaire pour Euro Dreams.
-Je peux vous le rapporter mercredi prochain ?
-Non, gardez-le, gardez-le.
Devant le rideau baissé du Book-Off voisin stationnent trois chariots emplis de livres à vendre. Leurs propriétaires sont des femmes emplies d’espoir. Elles sont bientôt déçues, la plupart de leurs ouvrages sont refusés, le reste repris entre dix centimes et un euro. Ça ne fait pas lourd pour un tel fardeau. Au rayon Jeunesse, une grand-mère persécute sa petite-fille : « Tu restes à ma cuisse. Tu ne vas pas plus loin que ma cuisse. » Dans les livres à un euro, je sélectionne Syphilis (Essai sur la littérature française du XIXe siècle) de Patrick Wald Lasowski (Gallimard), Bête à gravats de Sergio Aquindo (Alma Editeur), La familia grande de Camille Kouchner (Seuil) et Le Cahier Rouge des plus belles lettres de la langue française, un inédit des Cahiers Rouges (Grasset).
Au Diable des Lombards, la clientèle se partage en deux moitiés, celle de la terrasse et celle de l’intérieur. Je fais partie de la seconde car cette terrasse est à l’ombre. J’y déjeune de saumon fumé et de poulet rôti.
Rue Saint-Martin, je trouve à un euro Au diable Pauvert de Brigitte Lozerec’h (Gallimard) et Relations de la mort de quelques religieux de l’abbaye de la Trappe de l’abbé de Rancé (Nuvis Editions) puis à Quatre Septembre rien.
George Moore, dont je poursuis la lecture dans le train du retour, est loin d’avoir le talent de John Glassco pour évoquer le Paris littéraire de son époque. Ses mémoires sont empreints de sentimentalisme et de nostalgie. Il faut dire qu’il les a écrits devenu vieux, contrairement à Glassco.
Le printemps pourtant a sa tristesse : les jeunes gens ne savent comment satisfaire leurs désirs, et la pensée des gens d’âge mûr retourne vers des printemps défunts.
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Le sabot de Denver, j’avais presque oublié son existence. Ce mercredi matin, il en est un qui bloque la roue d’une voiture garée sur l’emplacement des taxis devant la Gare Saint-Lazare.
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L’argument choc au comptoir de rachat des Book-Off lorsque le prix proposé est jugé insuffisant par qui vend : « Si ça ne vous convient pas, vous pouvez les reprendre. »
Ça convient toujours.