Le merle chanteur de la place des Carmes m’est un encouragement à affronter le froid de l’hiver ce mardi matin. Au moins, la bise ne souffle plus.
Le train pour Paris est désormais celui de sept heures vingt-six. Il est censé arriver dans la capitale à la même heure qu’avant, en ayant donc mis quatre minutes de moins. J’ai pour voisine une femme qui écrit dans un petit carnet. Qu’elle fasse la même chose que moi m’énerve. Délaissant mon carnet, j’ouvre Petites ignorances de la conversation de Charles Rozan. Les Editions de l’Equateur ne se sont pas foulées. C’est le fac-similé de l’édition Hetzel de mil huit cent soixante-neuf.
J’en suis à « Racine passera comme le café », expression oubliée aujourd’hui, inspirée de Madame de Sévigné qui pensait que le premier écrivait seulement pour plaire à la Champmeslé et que le second n’était qu’une mode déjà en déclin, quand ma voisine sort son carnet à dessin et entreprend de figurer à l’aquarelle une photo du ciel noir prise avec son smartphone. C’est vite fait et plutôt laid. François, notre chef de bord, est heureux d’annoncer que nous arrivons à Paris avec une minute d’avance.
Le chauffeur du bus Vingt-Neuf peste contre son véhicule en panne de chauffage et de micro. Il est de ceux qui veulent bien m’arrêter du bon côté de Bastille.
Malgré le froid, j’explore les stands de livres d’Émile et d’Amine au Marché d’Aligre. La quantité y est mais pas la qualité.
Je bois mon café assis au Camélia et y comble quelques-unes de mes ignorances. La vieille petite est là. Elle n’a pas encore commencé à acheter des jeux à perdre qu’elle soliloque déjà. Ce mardi, on est même plutôt dans la logorrhée. Elle saoule jusqu’à la patronne chinoise qui, heureusement pour elle, ne comprend qu’un mot sur deux.
À onze heures je suis étonné d’être le seul à entrer chez Book-Off. Hélas, cette tranquillité ne dure pas. Le plus pénible, ce sont les moutards chouinant devant les cartes Pokémon et leur mère débordée. « Allez, une brillante chacun et on y va. » Bonne idée. Il y a aussi des adultes pour acheter ça. Qu’en font-ils ?
Pour ma part, je ressors avec seulement deux livres à un euro : Lettres perdues et retrouvées de Bruno Schulz (Pandora) et Revenir Raconter d’Isabelle Cohen (Verdier).
Par le métro, je rejoins Sainte Opportune et, chez Au Diable des Lombards, je choisis deux plats de saison, le velouté de légumes et la saucisse au couteau lentilles.
Du sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, je remonte avec cinq livres à un euro : Les cercueils de zinc de Svetlana Alexievitch (Christian Bourgois), Dans des cimetières sans gloire d’Eduardo Arroyo (Grasset), Devant ma mère de Pierre Pachet (L’un et l’autre/Gallimard), Lecture substantielle d’Alphonse Allais (Viviane Hamy) et Journal de Paul Klee (Les Cahiers Rouges/Grasset), ce dernier que j’ai peut-être déjà.
Je reprends Charles Rozan à L’Opportun. Derrière moi sont deux étudiantes. L’une prépare un mémoire dont le sujet est endométriose et ménopause. « Qu’est-ce qui t’a poussée vers la sage-femmerie ? » lui demande l’autre. Elles parlent d’accouchement par voie basse et par césarienne. La musique m’empêche d’entendre les détails. Je m’en réjouis.
Valérie Pécresse, la Souveraine d’Ile-de-France, Droitiste, augmente ses transports publics de cinq centimes par trajet dès le premier jour de la nouvelle année. Quand je descends du métro Quatorze à Saint-Lazare, je recharge ma carte de bus et ma carte de métro de dix voyages chacune.
Le train du retour conserve le même horaire, seize heures quarante, mais il doit désormais arriver à Rouen quatre minutes plus tôt. Ce qu’il réussit à la perfection.
*
Un grand nombre de locutions proverbiales, de dictons populaires et de phrases toutes faites, ont pris place dans notre langue, surtout dans la langue de la conversation, et, en général, on serait fort en peine d’expliquer le véritable sens des unes ou l’origine des autres. écrit Charles Rozan dans sa préface.
L’une des Petites ignorances de la conversation est l’expression Boire à tire-larigot. C’est l’occasion d’un point Rouen.
On raconte, et c’est d’un historien qu’on le tient, que, au XIIIe siècle, un archevêque de Rouen nommé Odon Rigault donna à cette ville une cloche d’une grosseur prodigieuse. Cette cloche, appelée la cloche Rigault et par abréviation la Rigault, ne pouvait être mise en mouvement sans de grands efforts. Les sonneurs qui la tiraient étaient naturellement d’autant plus altérés qu’ils avaient plus de peine, et l’on a été ainsi amené à regarder ceux qui buvaient beaucoup comme des gens qui auraient tiré la Rigault.
Rozan précise en note : M. Génin a prouvé par des exemples qu’on disait autrefois : Boire en tire la Rigault, expression qui, en effet, semble plus exacte : boire en homme qui tire la Rigault, en vrai tire la Rigault.
Le train pour Paris est désormais celui de sept heures vingt-six. Il est censé arriver dans la capitale à la même heure qu’avant, en ayant donc mis quatre minutes de moins. J’ai pour voisine une femme qui écrit dans un petit carnet. Qu’elle fasse la même chose que moi m’énerve. Délaissant mon carnet, j’ouvre Petites ignorances de la conversation de Charles Rozan. Les Editions de l’Equateur ne se sont pas foulées. C’est le fac-similé de l’édition Hetzel de mil huit cent soixante-neuf.
J’en suis à « Racine passera comme le café », expression oubliée aujourd’hui, inspirée de Madame de Sévigné qui pensait que le premier écrivait seulement pour plaire à la Champmeslé et que le second n’était qu’une mode déjà en déclin, quand ma voisine sort son carnet à dessin et entreprend de figurer à l’aquarelle une photo du ciel noir prise avec son smartphone. C’est vite fait et plutôt laid. François, notre chef de bord, est heureux d’annoncer que nous arrivons à Paris avec une minute d’avance.
Le chauffeur du bus Vingt-Neuf peste contre son véhicule en panne de chauffage et de micro. Il est de ceux qui veulent bien m’arrêter du bon côté de Bastille.
Malgré le froid, j’explore les stands de livres d’Émile et d’Amine au Marché d’Aligre. La quantité y est mais pas la qualité.
Je bois mon café assis au Camélia et y comble quelques-unes de mes ignorances. La vieille petite est là. Elle n’a pas encore commencé à acheter des jeux à perdre qu’elle soliloque déjà. Ce mardi, on est même plutôt dans la logorrhée. Elle saoule jusqu’à la patronne chinoise qui, heureusement pour elle, ne comprend qu’un mot sur deux.
À onze heures je suis étonné d’être le seul à entrer chez Book-Off. Hélas, cette tranquillité ne dure pas. Le plus pénible, ce sont les moutards chouinant devant les cartes Pokémon et leur mère débordée. « Allez, une brillante chacun et on y va. » Bonne idée. Il y a aussi des adultes pour acheter ça. Qu’en font-ils ?
Pour ma part, je ressors avec seulement deux livres à un euro : Lettres perdues et retrouvées de Bruno Schulz (Pandora) et Revenir Raconter d’Isabelle Cohen (Verdier).
Par le métro, je rejoins Sainte Opportune et, chez Au Diable des Lombards, je choisis deux plats de saison, le velouté de légumes et la saucisse au couteau lentilles.
Du sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, je remonte avec cinq livres à un euro : Les cercueils de zinc de Svetlana Alexievitch (Christian Bourgois), Dans des cimetières sans gloire d’Eduardo Arroyo (Grasset), Devant ma mère de Pierre Pachet (L’un et l’autre/Gallimard), Lecture substantielle d’Alphonse Allais (Viviane Hamy) et Journal de Paul Klee (Les Cahiers Rouges/Grasset), ce dernier que j’ai peut-être déjà.
Je reprends Charles Rozan à L’Opportun. Derrière moi sont deux étudiantes. L’une prépare un mémoire dont le sujet est endométriose et ménopause. « Qu’est-ce qui t’a poussée vers la sage-femmerie ? » lui demande l’autre. Elles parlent d’accouchement par voie basse et par césarienne. La musique m’empêche d’entendre les détails. Je m’en réjouis.
Valérie Pécresse, la Souveraine d’Ile-de-France, Droitiste, augmente ses transports publics de cinq centimes par trajet dès le premier jour de la nouvelle année. Quand je descends du métro Quatorze à Saint-Lazare, je recharge ma carte de bus et ma carte de métro de dix voyages chacune.
Le train du retour conserve le même horaire, seize heures quarante, mais il doit désormais arriver à Rouen quatre minutes plus tôt. Ce qu’il réussit à la perfection.
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Un grand nombre de locutions proverbiales, de dictons populaires et de phrases toutes faites, ont pris place dans notre langue, surtout dans la langue de la conversation, et, en général, on serait fort en peine d’expliquer le véritable sens des unes ou l’origine des autres. écrit Charles Rozan dans sa préface.
L’une des Petites ignorances de la conversation est l’expression Boire à tire-larigot. C’est l’occasion d’un point Rouen.
On raconte, et c’est d’un historien qu’on le tient, que, au XIIIe siècle, un archevêque de Rouen nommé Odon Rigault donna à cette ville une cloche d’une grosseur prodigieuse. Cette cloche, appelée la cloche Rigault et par abréviation la Rigault, ne pouvait être mise en mouvement sans de grands efforts. Les sonneurs qui la tiraient étaient naturellement d’autant plus altérés qu’ils avaient plus de peine, et l’on a été ainsi amené à regarder ceux qui buvaient beaucoup comme des gens qui auraient tiré la Rigault.
Rozan précise en note : M. Génin a prouvé par des exemples qu’on disait autrefois : Boire en tire la Rigault, expression qui, en effet, semble plus exacte : boire en homme qui tire la Rigault, en vrai tire la Rigault.