A Paris, le dernier beau jour de l’année (dit-on)

15 septembre 2016


« Bon allez, je m’offre un croissant ce matin, c’est pour fêter le dernier jour de beau temps de l’année », déclare celui qui prend un café près de moi au comptoir du Café du Faubourg à l’angle de Ledru-Rollin et du Faubourg-Saint-Antoine.
Je pense que c’est pour le regretter et non pas s’en féliciter. Pour ma part, je ne suis pas mécontent que ce soit le dernier jour à suer, même si je n’ai pas envie d’aller vers l’hiver. Néanmoins, cette chaleur dont je souffre me dédommage avec la vision de toutes ces jolies filles court vêtues qui passent à pied ou en vélo.
Chez Book Off, les beaux livres à un euro sont déjà repassés à deux euros. Je croise le vieux bouquiniste qui aurait bien envie d’arrêter. Il a déjà abandonné ses boîtes sur les quais
-Cela se revend ?
-Non, on les rend à la Mairie qui les réattribue.
Il continue le commerce sur Internet et déplore de trouver moins de bonnes affaires ici.
-Maintenant, ils scannent les livres avant de leur attribuer un prix.
Autrefois, il lui arrivait de vendre cent quinze euros un livre trouvé à un ou deux euros. C’est fini hélas. Il faut pourtant qu’il continue à gagner de l’argent. Il est plus âgé que moi, mais il a une fille de deux ans.
A midi, je déjeune Chez Céleste, à l’ombre de l’auvent, d’accras et de poulet rôti. Une longue table a été constituée à ma droite pour accueillir neuf jeunes hommes. Les garçons de cet âge ont toujours l’air plus heureux d’être entre eux plutôt qu’avec leur amoureuse. Bien qu’à l’ombre, j’ai trop chaud et mon vin rouge pareillement.
Tentant de me rafraîchir dans le jardin de l’Arsenal, j’y lis l’un des livres achetés ce matin les Entretiens de Glenn Gould avec Jonathan Cott (Dix/Dix-Huit).
Passent trois vieilles dont l’une dit aux deux autres :
-J’ouvre mon ordinateur et qu’est-ce que je vois ? Une partouze ! Une vraie partouze !
-Directement sur l’écran ?
-Oui.
Ce mercredi est décidément l’un des jours les plus chauds de l’été.
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Dans le train du matin, une femme partant en vacances se déculpabilise en donnant de l’argent au faux sourd-muet qui a posé des babioles sur son siège.
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-Celle-ci, pour la faire crever, il faut vraiment y mettre du cœur. (le fleuriste du marché d’Aligre à propos de la plante qu’il vient de vendre).
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Dans le train du retour, mal climatisé, je lis un autre livre acheté à Paris : Le Bonheur des petits poissons, recueil d’articles de l’écrivain et sinologue Simon Leys (Le Livre de Poche).
Dans l’un, l’auteur s’en prend à ceux qui croient seconder la juste cause des femmes en imprimant des monstruosités telles que « auteure » ou « écrivaine ».
Il y a de nombreuses années, j’étais de son avis. Un jour, j’ai entendu sur France Culture une archive sonore datant de la première moitié du vingtième siècle. Un spécialiste du bien parler s’indignait. Maintenant qu’il y avait des femmes dans la profession, on commençait à employer le mot « avocate ». Une horreur, disait-il. Cela me fit instantanément changer d’avis sur « auteure » et « écrivaine », deux mots d’ailleurs employés de façon courante au Québec.
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A propos du Québec, en regardant une vidéo de la délicieuse Pomme (vingt ans tout juste), j’apprends que là-bas au lieu de « faire un showcase », on dit « faire une vitrine ».
Je t’emmènerais bien de l’autre côté de l’Atlantique, chante Pomme, ce qui me fait terriblement penser à celle qui m’y a emmené.