A Paris le dernier mercredi de juillet

27 juillet 2017


Ce n’est pas la bétaillère attendue qui se présente en gare de Rouen, ce dernier mercredi de juillet à sept heures vingt-huit, mais l’un de ces trains à sièges colorés où il est assuré de ne pas avoir de places assises pour tout le monde. J’en chope une près d’une fille qui lit Yoga Magazine.
Quand ce train passe près de la petite église en pierre de Saint-Etienne-du-Rouvray, j’ai une pensée pour Jacques Hamel. Macron, Président, y est attendu à neuf heures pour la messe du premier anniversaire de l’assassinat.
« Quel asana êtes-vous ? » se demande ma voisine. Les restés debout font connaissance.
-Chut, chut, chuinte un assis. Vous pouvez parlez un peu moins fort, s’il vous plaît.
Cette requête est un ordre.
Ma voisine en est à l’article « Réveillez votre énergie sexuelle ». « La stimulation de l’énergie sexuelle rend globalement plus dynamique », apprend-elle. Si je m’intéresse autant à ce qu’elle lit, c’est que j’ai oublié de me munir d’un livre. Heureusement, ce train n’arrive dans la capitale qu’avec un retard de dix minutes.
Au Café du Faubourg, l’écran plat montre les images de la messe de l’Archevêque Lebrun à Saint-Etienne-du-Rouvay tandis que sont diffusées les chansons commerciales d’une quelconque radio privée.
Buvant un café verre d’eau au comptoir, je lis dans Le Parisien le témoignage du courageux couple d’octogénaires qui assistait à la messe ce matin-là. C’était le jour du quatre-vingt-septième anniversaire de l’homme qui, avant d’être grièvement blessé, fut obligé par les deux islamistes de filmer avec un téléphone l’assassinat du prêtre.
Il fait doux, un temps parfait pour moi. Je fais le tour des lieux qui me sont familiers, là où sont les livres à un euro, m’interrompant pour déjeuner au Palais de Pékin, avenue Parmentier.
A la reprise, j’ai la chance de trouver dans un seul endroit Correspondance Jean Paulhan André Suarès (Gallimard), Lettres de Robert Musil (Le Seuil), Correspondance avec une dame Helene von Nostitz de Rainer Maria Rilke (Aubier), Lettres à J. Middleton Murry de Katherine Mansfield, (Stock, mil neuf cent cinquante-quatre, pages non coupées), Correspondance de Jacques Rivière et Alain-Fournier, (Gallimard, mil neuf cent quarante) et le tome deux de Correspondance de Camille Pissarro (Editions du Valhermeil). Où donc est le premier tome ?
J’ai aussi, pour lire dans la bétaillère de dix-sept heures cinquante, Physiologie du goût de Brillat-Savarin (Champs/Flammarion). Elle part et arrive à l’heure.
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Je n’ai pas oublié l’interviou de l’Archevêque Lebrun dans Liberté Dimanche sitôt après le drame, dans laquelle il s’en prenait à la laïcité et à l’école publique. C’est dire que j’ai peu de sympathie pour ce voisin que je ne croise jamais dans la rue, contrairement à son prédécesseur Descubes.
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On pourrait bien me reprocher encore que je laisse quelquefois trop courir ma plume, et que, quand je conte, je tombe un peu dans la garrulité. Est-ce ma faute à moi si je suis vieux ? Est-ce ma faute si je suis comme Ulysse, qui avait vu les mœurs et les villes de beaucoup de peuples ? Suis-je donc blâmable de faire un peu de ma biographie ? (Brillat-Savarin, Physiologie du goût)
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Mon vocabulaire vient encore de gagner un mot : garrulité. C’est le geai qui garrule. Au sens figuré, il s’agit de bavardage.
Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales n’a qu’un exemple à donner, précisément l’extrait que je cite.