A Paris le jour de la mort de Johnny

8 décembre 2017


Pour des raisons tarifaires, c’est le sept heures vingt-huit que je dois prendre ce mercredi pour aller à Paris. A peine le temps d’apprendre la mort de Johnny Hallyday que je suis à la gare. J’y trouve une fille à béquilles encombrée d’une valise et d’un gros sac en haut des marches qui descendent vers le quai trois. Je me charge de son sac, bien lourd. Arrivée en bas, elle constate qu’elle s’est trompée de quai. Nous remontons puis descendons sur le quai deux. Je la mets dans son train. Ce n’est qu’à ce moment que je songe aux ascenseurs.
Personne n’évoque la mort de Johnny dans le train où je trouve place assise car nul n’y parle. Chacun est occupé avec soi-même. Personnellement, je poursuis la lecture du Code des honnêtes gens de Balzac. A Houilles ça se gâte. Nous voici arrêtés en pleine voie et en pleine gare. « Un problème d’aiguillage rend la réception des trains très difficile à Saint-Lazare », explique la cheffe de bord.
A l’arrivée, cela fait vingt minutes de retard. Prenant le bus Vingt, j’arrive au Book-Off de Ledru-Rollin à l’heure de l’ouverture. On y écoute du vieux blouze en version originale. Je repars avec seulement deux livres. Chez Emmaüs, côté vendeurs et côté acheteurs, on se désole : « On ne verra plus notre Johnny ».
La grisaille est d’actualité, comme si le jour n’était pas tout à fait levé. Ayant à faire près de République, je rejoins la Bastille. Les publicités géantes entourant le socle de la colonne de Juillet sont désormais l’objet d’une plainte pour dégradation de sépulture (des révolutionnaires de mil huit cent trente et quarante-huit sont enterrés ici). Délaissant le boulevard Beaumarchais, je me rapproche de mon but par la parallèle rue Amelot. A l’arrivée, j’entre au restaurant Les Coupettes, rue Beaurepaire. Il est tenu par un couple de femmes. Au comptoir sont accoudés deux couples d’hommes.
Ce n’est pas le genre endroit où on va pleurer Johnny, me dis-je. En quoi je me trompe. L’un des hommes réclame pour lui des obsèques nationales. Je suis le seul à manger ici (saucisse d’Auvergne lentilles et mousse au chocolat, formule à quinze euros quatre-vingts) et à subir la conversation du bar. La cheffe patronne explique comment elle a mis dehors, en les traitant de tous les noms, les membres d’une équipe de cinéma qui voulaient se servir de son décor sans payer. Les hommes parlent de couilles. En réglant l’addition, je découvre que le quart de côtes-du-rhône est à neuf euros quatre-vingts.
Vin cher, propos vulgaires, on ne me reverra pas dans ce repaire. Pas loin se trouve la rue Dieu, c’est là que je vais.
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Johnny, j’ai aimé ses chansons quand j’avais dix ans. Tout comme celles des autres chanteurs et chanteuses du yéyé. Elles sont la bande son de mon enfance, laquelle avait besoin de cette légèreté. Ce pourquoi j’ai des cédés de ses chansons d’alors.
Deux ou trois ans plus tard, je découvrais la musique anglo-saxonne. Adieu le copié collé à la française. Rien du Johnny d’après Da dou ron ron ne me touchera, hormis Quelque chose de Tennessee (et La fille à qui je pense quand c’est Miossec qui la chante).