A Paris malgré le sanglier

8 septembre 2017


Le train de sept heures vingt-quatre venant du Havre arrive, comme presque toujours, à l’heure ce mercredi. En revanche il ne repart pas. Un message du chef de bord l’annonce « retenu en gare en conséquence d’un animal ». Cette raison absconse enclenche un concert de « Oh putain » chez mes voisin(e)s de voiture. Un second message précise qu’un train a heurté un sanglier vers Oissel.
Nous partons avec vingt minutes de retard. Le chef de bord déclare que le conducteur compte en rattraper la moitié. Allez fonce, Alphonse ! Cette bonne intention est vite mise à mal. Un nouvel arrêt a lieu à Sotteville, de peu de durée, puis le train repart lentement.
A l’arrivée dans la capitale, le retard est de vingt minutes. Je l’annule en prenant les métros Trois et Huit au lieu du bus Vingt. A la sortie Ledru-Rollin, il fait soleil. Alors que j’attends l’ouverture de Book-Off, est-ce Edwy Plenel qui passe sur une bicyclette ou l’un qui lui ressemble étonnamment ? Je me suis réjoui le jour où il n’est plus intervenu dans Les Matins de France Culture. Etonnant comme je me suis habitué à Guillaume Erner qui les anime cette année encore. La rentrée de cette radio voit quelques changements que je n’ai pas encore eu le temps d’apprécier, mais je regrette le renvoi de Philippe Meyer dont j’aimais L’Esprit public. Certes, il aura soixante-dix ans au Noël prochain et il faut faire de la place aux jeunes, mais Christine Ockrent est toujours là et elle a soixante-treize ans.
Je passe la matinée à chercher des livres puis déjeune au Palais de Pékin où une septuagénaire cardiaque, qui ne sort jamais sans son dossier médical dans son sac, raconte à un couple d’amis la fin de son frère mort à soixante-six ans en hôpital psychiatrique après une carrière de bibliothécaire jeunesse :
-On a réussi à avoir un créneau au Père Lachaise pour la crémation, un coup de bol inouï.
Sorti de là, par la rue du Chemin-Vert, malgré mon dos et mes genoux douloureux depuis quelques semaines, je me dirige à pied vers la courte rue où un marchand de journaux propose des livres à un euro sur son trottoir. Lorsque j’arrive, c’est pour trouver le rideau baissé et un mot manuscrit : « Ouverture à 15h30 ».
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Une lycéenne à ses copines, juste avant de descendre à Opéra, les autres restant dans le métro :
-Au fait, j’ai fait vingt-trois heures de garde à vue à Londres.
Les autres en chœur et les yeux ronds :
-Mais pourquoi ?
Elle, depuis le quai pendant que les portes se referment :
-Pour complicité de vol à l’étalage.
Les autres :
-Et elle nous dit ça comme ça !
                                                      *
Parmi les livres à un euro rapportés de la capitale : Lettres près du cœur, la correspondance entre Clarice Lispector et Fernando Sabino (Editions des Femmes) et La cérémonie des adieux suivi de Entretiens avec Jean-Paul Sartre de Simone de Beauvoir (Folio Gallimard) avec en couverture un double portrait dessiné hideux, dans la veine réaliste, de l’écrivaine et de l’écrivain ; il est dû à Marc Taraskoff.