A Paris, où j’ai rendez-vous avec Maria

5 février 2015


Tant d’insomniaques et moi qui dors toujours toute la nuit d’un sommeil comateux d’où je m’étonne de sortir vivant lorsque Tewfik Hakem m’annonce qu’Un nouveau jour est possible. C’est encore le cas ce mercredi et je le passe à Paris après une traversée en train de la campagne normande givrée.
Je furète d’abord dans les rayons du Book-Off de la Bastille puis je rejoins à pied la station de métro Saint-Paul. A l’heure dite, Maria m’y attend, avec qui j’ai déjeuné une fois à Rouen, il y a un certain temps, quand elle s’occupait de l’agenda culturel caennais Aux Arts. La voici redevenue Parisienne.
Nous partageons un repas à la sympathique brasserie Les Mousquetaires, rue Saint-Antoine : entrecôte, aligot, fromage et cruchon de gamay, puis elle me fait découvrir, rue de Rivoli, Le Rivolux, un café ressemblant à La Fourmi ou à Chez Prune, en vrai faux vieux, avec un mobilier hétéroclite, de la bonne musique, des prix tenus et de jeunes et chaleureux néo barbus derrière le comptoir, le genre d’endroit qui manque cruellement à Rouen. Nous devisons de ses espoirs de vie nouvelle et du monde tel qu’il va mal. Elle a songé, me dit-elle, à quitter la France pour Thaïlande Viêt-Nam Cambodge ou Laos. Je lui dis que si la fille Le Pen arrivait au pouvoir, je ne pourrais même pas partir car elle stopperait le versement des pensions de retraite aux fonctionnaires exilés, j’en suis sûr.
Après l’avoir laissée à un coin de rue, je poursuis mes pérégrinations de librairie en librairie puis attends le train du retour Chez Léon où c’est anormalement calme. Au comptoir, un homme qui venait y boire un verre de blanc il y a vingt-trois ans, quand il avait dix-huit ans, et désormais Caennais, présente au patron son fils du même âge arrivé dans la capitale pour ses études et logeant chez une dame au Père Lachaise (dans quel caveau, il ne le dit pas).
-Ah oui, la roue tourne, commente le cafetier qui ne s’appelle pourtant pas Monsieur Michu.
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Sortant vers quatorze heures ce mardi, je trouve, arpentant la ruelle, deux gendarmes mobiles suivis de cinq militaires en arme. Le plan Vigipirate rouge renforcé passe donc par chez moi.
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« J’allume la télévision, la radio. Et ils sont là. Partout. Des religieux. De toutes confessions. Des durs. Des mous. Des excités. Des conciliants. Ils s’expriment. Au même titre que les élus, les chercheurs, les intellectuels. Ils formulent des analyses, émettent des préconisations. S’immiscent dans le débat public. Ils ont voix au chapitre. »
« J’allume la télévision, la radio. Et me retrouve projeté dans des temps très lointains et très obscurs. Des temps que je n’ai pas connus. Et que je ne pensais pas connaître un jour. Parce qu’on se croyait délivrés. Affranchis. »
Quand Dieu n’existait pas, chronique d’Olivier Adam, publiée sur le site de Libération le trente janvier, dans laquelle il raconte l’ « époque bénie », pas bien lointaine, où nul n’évoquait la religion.