A Paris sans traîner

19 août 2022


Retour à l’horaire d’autrefois, sept heures vingt-quatre, pour mon train de mercredi, les travaux d’Eole se poursuivent mais n’obligent plus en semaine au détour de Conflans-Sainte-Honorine. Je retrouve avec plaisir l’autoroute que longe la voie ferrée après la centrale de Porcheville, l’un de mes moments préférés entre Mantes-la-Jolie et Paris.
Après seulement une heure dix-sept de voyage nous sommes à Saint-Lazare. Je peux à nouveau prendre un bus Vingt-Neuf pour rejoindre la Bastille. J’y arrive à neuf heures trente, ce qui me donne le temps d’un long café de comptoir au bar tabac Le Voltigeur avec recherche de ce qui est lisible dans Le Parisien du jour, pas grand-chose.
Un couple de quinquagénaires m’a précédé devant le rideau métallique de Book-Off. A leurs pieds gisent plusieurs énormes cartons emplis de livres et de cédés à vendre. Lui est nerveux à l’idée que je puisse arriver avant eux au guichet des achats.
Mon sac à dos ne contient pas de livres à vendre. Je le pose derrière le comptoir avant de piocher dans les livres à un euro. Dans mon panier se côtoient Le Vide et le Plein (Carnets du Japon) de Nicolas Bouvier (Hoëbeke), Jours de printemps de Bashô (Publications Orientalises de France), La tristesse durera toujours d’Yves Charnet (La Table Ronde), Premier combat de Jean Moulin (Les Editions de Minuit) et Mémoires des maisons closes de Faubert Bolivar (Le Temps des Cerises). Il est onze heures dix quand j’en ai terminé, tout comme la vendeuse de livres et de cédés que son mari a laissé se débrouiller seule avec le fardeau.
Il pleut quand je sors. Je descends sous terre à Ledru-Rollin, l’une des stations qui hier soir était victime d’un fort orage, et avec les métros Huit et Trois atteins Quatre Septembre. Il ne pleut pas dans cet arrondissement mais où déjeuner ?
Les brasseries du quartier sont fermées temporairement ou définitivement. Je n’ai pas le goût des restaurants japonais à nouilles et à vapeur qui y pullulent. Faute d’autre choix, j’entre à la crêperie Chez Suzette dont le personnel est international. Je me contente d’une galette quatre fromages accompagnée d’un bol de pommes rissolées, le tout pour onze euros quarante.
Je n’ai que la rue à traverser pour entrer chez Book-Off. Là aussi je pose mon sac à dos derrière le comptoir avant de piocher dans les livres à un euro. Dans mon panier se côtoient Fou d’amour de Wolinski (Le Cherche Midi), Département des Nains de Martin Melkonian (Librairie Séguier), C’est la guerre de Louis Calaferte (Folio) et Horace à la campagne de Xavier Patier (La Petite Vermillon). Ce qui me fait acheter ce dernier, c’est qu’il est signé par l’auteur avec la dédicace suivante : « Pour Laurent, à garder pour toujours ».
Pour des raisons de prix du billet, je rentre plus tôt à Rouen cette semaine, avec le train Nomad partant à quinze heures quarante, une rame unique emplie d’ex-vacanciers, certains avec moutards braillards. C’est dans cette ambiance pénible que je termine ma lecture du jour : A la ligne (Feuillets d’usine) de Joseph Ponthus (Folio). Quelle vie difficile fut la sienne avant de mourir si tôt, quelle horreur ce travail d’intérimaire dans les usines de crustacés et de viande.
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Maintenant Les Versets sataniques fait partie des livres neufs les mieux vendus. Pendant des années,  j’ai vu des exemplaires du livre de Rushdie à un euro chez Book-Off. Et ne trouvant pas acheteur facilement. Peut-être même, pour certains d’entre eux, envoyés au recyclage.
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Dans les rames du métro parisien, L’enfer c’est les autres de Sartre corrigé à l’encre rouge en « L’enfer c’est moi-même coupé des autres » et Il est temps de rallumer les étoiles d’Apollinaire en « Il est temps de rallumer les consciences ». Le censeur à stylo rouge est l’abbé Pierre. Encore un religieux qui se mêlait de ce qu’il convient d’écrire.