A Paris sous le signe de l’Amour (un)

13 juillet 2018


Ce mercredi, in extremis, je trouve une place assise sur un strapontin du sept heures vingt-quatre pour Paris, lequel arrive à l’heure à Saint-Lazare. J’ai le temps d’aller pédestrement avec mon sac de livres à vendre jusqu’au Book-Off de Quatre-Septembre. Je suis même en avance et m’assois sur l’un des bancs situés derrière la sortie du métro. Une jolie fille me fait face sur un autre. Elle a L’Equipe sur les genoux, fait une photo de la une « La tête dans les étoiles » et l’envoie à je ne sais qui. A-t-on vu spectacle plus navrant. Encore une fois « on a gagné » et encore une fois des centaines de fanatiques ont affronté les Céhéresses dans les rues de Rouen. On essaiera de faire mieux lors de la finale dimanche.
Mon sac de livres me rapporte treize euros soixante-dix. Je les réinvestis dans la boutique car j’y trouve plus de livres intéressants que j’espérais. Cela se traduit par un sac à dos plein et lourd. N’ayant pas envie de me le coltiner toute la journée, je négocie avec les employés de le laisser à leur garde jusqu’à quinze heures.
N’ayant plus rien à porter et ne pouvant pas acheter de livres supplémentaires ailleurs,  je pars d’un pas léger droit devant et aboutis comme je le pensais rue Jean-Baptiste Pigalle. Après être passé devant Chez Moune, cabaret féminin, je tourne à droite sur le boulevard de Clichy et atteins La Fourmi. Seul un homme y fait le client, accoudé au comptoir. Le serveur discute avec les cuisiniers qui mangent avant leur service. Je prends place à une table sans qu’il se soucie de moi. Je lui laisse quelques minutes puis me lève et remets ma veste. Il se précipite. « C’est trop tard, lui dis-je, bonne journée. »
Je remonte la rue des Martyrs puis tourne à gauche vers la place des Abbesses derrière laquelle se trouve, à l’emplacement de l’ancienne Mairie de Montmartre, le square Jehan-Rictus. Un banc m’y accueille où je poursuis la lecture du Dernier mois de Léon Blum. Derrière moi se trouve le mur des Je t’aime. L’aveu y est écrit dans deux cent cinquante langues ou dialectes. Cette œuvre d’art sommaire est signée Frédéric Baron, Daniel Boulogne et Claire Kito. Elle doit être signalée dans tous les guides touristiques japonais si j’en juge par le nombre de celles et ceux qui s’y selfient à l’aide d’une perche. Le guide d’un groupe d’anglophones ironise, quant à lui, sur The Wall of Broken Hearts avant d’entrer dans la boulangerie pour acheter deux baguettes que, tel Jésus, il rompt et distribue à ses ouailles.
-Do you like it ?
Paris sera toujours Paris, la ville du romantisme et de la baguette de pain.
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La Fourmi, un café souvent agréable à fréquenter ; cependant ce n’est pas la première fois que j’y trouve un jeune serveur  prétentieux.