A Paris sous un ciel gris (deux)

22 décembre 2017


Il y a surtout des solitaires au Palais de Pékin ce mercredi midi. Fait exception un duo de très vieilles dont l’une ne cesse de flatter l’autre qui la regarde de haut : « Ecoute chérie, je vais te dire la vérité, j’ai quelque chose pour toi depuis six mois, mais je l’ai tellement bien rangé que je le retrouve plus. »
Noël est un drame pour certains. Que vont faire celles et ceux que je retrouve peu après devant le rideau encore baissé de la Petite Rockette (et qui y sont quotidiennement) alors que la ressourcerie va fermer pendant les fêtes. Ici les livres ne sont pas « au moins cher du moins cher sur Internet » mais à prix libre. Personnellement, je m’en tiens au tarif qui était en cours avant : un euro les grands formats, cinquante centimes les poches. Cette fois je ne dépense pas un sou, aucun livre ne m’appelle.
Il n’en est pas de même au second Book Off dont les employées ne portent pas de bonnet de Noël. Au rayon Littérature un titre ne m’aide pas à penser à autre chose : Traité de technique opératoire. Il ne s’agit pas d’une erreur de classement. Ce livre de P.N.A. Handschin, publié chez Argol, donne à lire une série de propositions plus ou moins absurdes.
Ainsi :
Ranger ces éléments du plus visqueux au plus gluant ?
La bêtise,
Le crapaud commun,
Le gâteau de riz à la crème de soja,
Le sperme.
Ou bien :
Un organe vital dont vous et moi nous passerions sans doute très bien s’il ne l’était pas :
Le cœur (d’autant plus qu’il est creux et en forme de poire par-dessus le marché)
Pas de quoi me faire oublier que le ciel est gris.
                                                         *
Le train de retour, dans lequel certains voyagent assis dans les marches, ne part qu’avec dix minutes de retard. Mes deux voisines sont des septuagénaires havraises à fourrure qui viennent de « faire la tournée des palaces » (chacun ses églises). Bristol, Plaza Athénée, Georges V, c’est ce dernier qui est le mieux.
Le voiturier leur a appelé un taxi puis leur a tenu la portière.
-Quand même j’ai des goûts simples, dit l’une, mais de temps en temps j’aime bien qu’on me tienne la portière.
Elles sont allées à Paris en première classe mais rentrent en seconde.
-Demain, dit l’autre, on va se reposer, on sera un peu fatiguées.