A Paris, un mercredi d’après dégradations (un)

3 avril 2018


Le même train Corail que mercredi dernier entre en gare de Rouen à sept heures vingt-cinq mais cette fois quand il s’arrête je suis devant une porte et j’ai donc une place assise. D’autres voyageront debout jusqu’à Paris. Parmi lesquels des possesseurs de billets de première classe. A deux reprises, la cheffe de bord demande à ceux munis d’un billet de seconde qui se sont assis en première de libérer les sièges. Je doute de son succès. Comme d’habitude depuis le début de la grève, et bien que ce jour n’en soit pas, aucun contrôle n’a lieu.
Ce train arrive dans la capitale avec peu de retard. La cheffe de bord présente ses excuses pour sa suroccupation mais pas pour le fait qu’il soit inadapté au nombre de voyageurs.
Le bus Vingt a repris son point de départ habituel. Il me dépose place de la Bastille où des ouvriers repavent. Hier, ici, mais surtout boulevard de l’Hôpital, les mâles du Black Bloc en parasitant la manif du Premier Mai ont font usage de leur testostérone.
Arrivé au Café du Faubourg, je descends aux toilettes et ai la surprise de trouver devant la porte de celles réservées aux hommes, qui sont occupées, un bicycliste rouennais à cheveux blancs, avec qui (et d’autres) j’ai empêché l’abattage des arbres de la rue d’Amiens, mais qui ne juge pas utile de me dire bonjour lorsqu’on se croise. Là, bien obligé. Le partisan de la mixité que je suis entre dans les toilettes des femmes et le laisse attendre.
La pêche est bonne chez Book-Off. Parmi les livres à un euro que j’emporte : La théorie de l’information d’Aurélien Bellanger, dans son édition blanche de chez Gallimard, qui me fera faire exception à ma non lecture de romans. C’est que j’entends son auteur tous les matins sur France Culture et que la forme et le fond de sa chronique me plaisent.
Sans passer par le marché d’Aligre ni par Emmaüs, je prends le métro Huit à Ledru-Rollin et en sors à Opéra afin de déjeuner au Royal Bourse Opéra, rue du Quatre-Septembre. Le menu complet est à seize euros. Le quart de côtes-du-rhône est à six.
J’opte pour le hareng pommes à l’huile (peu reluisant), le jambon grillé sauce porto mousseline de choux-fleurs (peu copieux) et le tiramisu (bizarre). Un habitué mangeant au comptoir raconte qu’il est allé voir les dégâts. Il n’y a pas que le McDo qui a été saccagé, d’autres restaurants aussi, un cassé, un intact, un cassé, tu ne sais pas pourquoi celui-là et pas l’autre.
La pêche est moins fructueuse au second Book-Off, un seul livre à un euro : Ping-pong de Valérie Mréjen publié chez Allia pour le compte du Jeu de Paume.
Ce programme inhabituel a une raison. L’après-midi, j’ai rendez-vous avec un psychanalyste (et non pas chez un psychanalyste).
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En Mai Soixante-Huit, il y en a eu des voitures détruites. Elles servaient pour les barricades. C’était un moyen et non une fin. Et les insurgés étaient à visage découvert
En mai deux mille dix-huit, les voitures sont cassées parce que ce sont des Mercedes.
L’un des cagoulés, interrogé par un journaliste, explique qu’il a un travail dans l’informatique, qu’il est marié et a des enfants. Que fait maman pendant que papa est parti casser le McDo ? Elle garde les enfants.
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Prémonitoire, ma citation du Manifeste Chap le trente avril.