A Paris un mercredi de neige annoncée

2 février 2019


De la neige en veux-tu en voilà, à Rouen comme à Paris, telle était l’annonce météorologique pour ce dernier mercredi de janvier, mais au réveil, ni neige, ni verglas, ni même de train en retard.
Je suis le premier à descendre sur le quai Deux avant que le sept heures cinquante-trois ne soit affiché. Le deuxième est l’aveugle qui suit les picots du borduquet à l’aide de sa canne blanche. Son handicap ne l’empêche pas d’aller travailler à Paris. Dans sa situation, je serais totalement démuni. Et j’ai de quoi m’inquiéter. Quand j’ai montré mon résultat d’examen de champ visuel à mon ophtalmo, elle m’a illico changé de gouttes pour les yeux, des plus fortes et matin et soir, puis elle a ordonné à sa secrétaire de me trouver un rendez-vous pour le douze février.
De la neige, j’en vois quelques centimètres dans la campagne que traverse le train quand je quitte des yeux le Gustave Flaubert d’Albert Thibaudet.
A l’arrivée dans la capitale le ciel est bleu. Pas de neige ici non plus, elle est tombée, elle a fondu. Les métros Trois et Huit m’emmènent à Ledru-Rollin. Après mon habituel café au Faubourg, j’entre à dix heures chez Book-Off et y trouve de quoi mettre dans mon panier.
Comme il fait doux et beau à la sortie, je rejoins pédestrement le Quartier Latin en longeant la Seine après le pont d’Austerlitz et entre à midi pile à La Cochonnaille, rue de la Harpe. La patronne discute avec une cheffe d’entreprise d’une commande mal comprise. Deux fois deux kilos, ce n’est pas la même chose que quatre kilos. « Qu’est-ce que je fais des deux kilos qui restent quand j’ai ouvert le sac de quatre kilos, je les jette ? » La cheffe promet que la prochaine fois ce sera deux sacs de deux kilos puis elle se plaint de l’arrêté préfectoral qui a interdit la circulation de ses camions par peur d’une neige surestimée : « Une journée de livraison perdue ». Le problème de la patronne, ce sont les Gilets Jaunes, une catastrophe pour le commerce. « Un samedi soir, on a fait zéro couvert, zéro, ça nous était jamais arrivé. » La retraite approche, heureusement. Avec son mari, ils iront voir des coins de France qu’ils ne connaissent pas : le Nord, l’Auvergne. D’autres clients, des habitués, arrivent. Des groupes de trois qui descendent au sous-sol, un endroit où je ne voudrais pas manger de crainte d’un incendie dans la cuisine contiguë.
Je prends comme la fois précédente le saucisson chaud pommes tièdes, le cassoulet de la maison et la mousse au chocolat. Avec le quart de vin du Vaucluse et son pot de rillettes, cela fait dix-neuf euros quatre-vingt-dix.
Je vais voir ensuite les livres de trottoir chez Gibert Joseph. Y figurent à nouveau des poches à cinquante centimes. Un bus Vingt-Sept m’emmène à Opéra. Au second Book-Off, comme souvent, je suis moins chanceux.
Dans le Corail de dix-sept heures vingt-trois, je termine le Flaubert de Thibaudet. Il ne m’aura rien appris sur Gustave. Ce genre de biographie littéraire d’entre les deux guerres a vécu.
Arrivé à la maison, je refais mon sac car ce jeudi, dernier jour de janvier, direction Paris où j’ai rendez-vous à midi à l’angle des rues Sainte-Anne et Villedo.
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A un euro chez Béo : Les Carnets du coursier (Journal 1990-1999) de Paul Nizon (Actes Sud), Eloge de la marche de David Le Breton (Métailié), Nicolas Bouvier (L’œil qui écrit) de François Laut (Petite Bibliothèque Payot), De l’écriture de Francis Scott Fitzgerald (Editions Complexe), La mort en Perse d’Annemarie Schwarzenbach (Petite Bibliothèque Payot), Du côté de Goderville de Jean Prévost (Editions des Falaises), Vie de Guy Maupassant de Paul Morand (Pygmalion/Gérard Watelet) et Ma vie de Marc Chagall (Stock), lequel était rangé au rayon Musique (peut-être confondu avec Pablo Casals).