A Paris un mercredi de pic de pollution (deux)

9 décembre 2016


Après être descendu du bus Quatre-Vingt-Six à Cluny, je furète un peu chez Joseph Gibert puis me balade dans le quartier, passant notamment par la rue Monsieur-le-Prince où il y a trente ans et un jour, en marge d’une manifestation contre la loi Devaquet, Malik Oussekine, qui sortait d’un concert de jazz, mourait sous les coups des voltigeurs, ces policiers à moto munis de longues matraques.
Je passe ensuite rue Gît-le-Cœur afin de savoir si la réouverture de la librairie Un Regard Moderne, annoncée pour début décembre, est provisoire et vise à vendre le stock comme le craint l’ami d’Orléans ou durable comme je le pensais avant qu’il me mette le doute. La vitrine est encore obscurcie mais il y a de la lumière à l’intérieur. Je pousse la porte.
-Nous ne sommes pas encore ouverts, me dit l’un des deux hommes à cheveux blancs que j’y trouve, on a pris du retard.
Il m’explique qu’il y aura quelques soldes mais que l’objectif, c’est de faire revivre l’endroit dans la durée.
Je poursuis dans la rue Saint-André-des-Arts mais trouve porte close à la galerie Kamel Mennour.
En bas du boulevard Saint-Michel je grimpe dans le bus Vingt-Sept, en descends à la Pyramide du Louvre et rejoins à pied le bord de la Seine. Je m’y assois au soleil sur un banc en pierre à proximité du pont des Arts. Sans doute que l’air est empli de particules fines, mais c’est une belle journée d’hiver.
Quand le soleil est trop bas pour continuer à me chauffer, je rejoins, par le jardin du Palais Royal, le Book-Off du Quatre Septembre. Il est encombré d’inhabitués hésitants. Cela sent le cadeau de Noël à pas cher. Je ressors avec quelques livres de plus.
La gare Saint-Lazare rime une fois encore avec bazar. Des trains attendus sont annoncés au garage et une ligne de banlieue est hors service suite à un grave accident de personne. A la Gare du Nord, c’est pire. Aucun train de circule suite à une rupture de caténaire, apprends-je dans la bétaillère qui remplace l’habituel train coloré de dix-huit heures trente, d’un de mes voisins qui aurait dû y prendre son train quotidien. Sa collègue normande téléphone à son mari pour lui annoncer cet invité imprévu.
-Mesdames et messieurs, pour ceux qui ne veulent pas faire tout le voyage assis dans les marches, je vous informe qu’il y a des places libres en tête de train. Je vous invite donc à vous en rapprocher. Faites attention… et bon courage pour ceux qui y arrivent, annonce le chef de bord.
                                                               *
Mon alter ego vit de l’autre côté de l’Atlantique, photographié et interrogé par Humans of New-York alors qu’il lit sur un banc: « I'm not sure if people have become less interesting, or if I'm just less interested in people. »