A Paris un mercredi doux de novembre

13 novembre 2025


Faute de tarif adapté dans mon habituel, j’innove ce mercredi en prenant le train Nomad de huit heures pour Paris et en voyageant à l’étage, arrivée prévue dans la capitale à neuf heures vingt. J’y lis Blesse, ronce noire de Claude Louis-Combet. Ma voisine d’outre couloir, qui porte une perruque pour masquer la calvitie due à un traitement anticancer, lit la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne d’Olympe de Gouges. La Députée, Socialiste, voyage en première pour aller voter la suspension de la réforme des retraites.
Un ciel bleu accompagne l’arrivée à Paris. Le bus Vingt-Neuf part dès que je suis assis. Une jeune bourgeoise veut descendre à Victoires. Elle ne sait pas prendre le bus, dit-elle au chauffeur. « Ça sera annoncé », lui dit-il. Bien qu’elle n’ait pas sonné, il s’arrête. Elle descend par la porte avant sans un mot. « Même pas au revoir », constate-t-il.
Je reste peu au Marché d’Aligre où Emile essaie de se débarrasser de ses vieilleries en vendant un euro le livre. Au Camélia, où je bois un café au comptoir, l’habituelle vieille petite dilapide sa retraite dans les jeux à perdre. « Ah ! ils ont raison quand ils disent qu’on ne gagne jamais », soliloque-t-elle. Je lis dans Le Parisien comment les spectateurs de la Cinémathèque ont été dévorés par des punaises de lit en présence de Sigourney Weaver (ce n’est pas une défèque niouze russe).
A onze heures moins cinq, je suis devant chez Tonton Lulu où j’ai rendez-vous avec l’un à qui j’ai vendu trois livres pour la mirifique somme de huit euros. La transaction effectuée, direction Book-Off où je ne dépense qu’un euro pour Parce que la nuit de Chloé Thomas (Bibliothèque Rivages).
De là non loin au Rallye où je commande mon sempiternel hareng pomme à l’huile, confit de canard pommes sautées et café. Sorti de ce Péhemmu chinois, je remonte la rue de Charonne jusqu’à Arts Factory. La visite de l’exposition en cours terminée, je rejoins l’arrêt de bus du Soixante-Seize en face du Rallye. Un arrive dans lequel je monte pour rejoindre l’Hôtel de Ville.
On entend toujours le bruit des travaux de la future boulangerie au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, moins fort heureusement. Parmi les livres à un euro, je trouve d’abord Portrait d’une femme romanesque Jean Voilier de Célia Bertin (Editions de Fallois) puis, perdu dans les romans, Vider les lieux d’Olivier Rolin (Gallimard) au moment même où sur Fip Jane Birkin chante Encore lui, une chanson mauvais genre signé malsain Gainsbourg, comme le nommait David McNeil. Ma dernière lecture de lit est précisément le journal de Jane Birkin, Post-scriptum. Un journal on ne peut plus intime où l’on en apprend beaucoup sur elle-même, sur les hommes qui ont partagé sa vie, Serge Gainsbourg, Jacques Doillon et Olivier Rolin et sur ses filles, Kate, Charlotte et Lou. Quand la première se suicide, elle cesse d’écrire.
L’Importun m’accueille encore une fois pour un café verre d’eau lecture. J’achève Blesse, ronce noire de Claude Louis-Combet, un récit inspiré par l’histoire de Georg Trakl et de sa sœur et qui se terminera donc mal. Il ne tenait qu’à elle de s’arrêter sur le chemin, elle le ferait bientôt, de se retourner vers son frère, d’ouvrir sa robe et de dire, ainsi qu’elle l’avait écrit : Prends, je t’appartiens, prends cette sœur qui t’es réservée, et blesse, blesse-moi, ronce noire.
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Sur le trottoir de la rue de Charonne, une cabane en carton sur laquelle est inscrit : « Abri de SDF. Merci de ne pas uriner. »