A l’Est (dix-huit) : Bar-le-Duc (Ville Basse)

24 juillet 2021


Mon exploration de la Ville Basse commence ce vendredi matin près du Barisien à une heure où il n’est pas encore ouvert. A sa gauche, un bâtiment cossu à têtes sculptées, sur lequel figurent en creux dans la pierre les inscriptions « Salle de Spectacle » « Café des Oiseaux », témoigne d’une époque prospère révolue. Juste en face, un charcutier traiteur en faillite était logé dans un bâtiment décoré de vignes taillées dans la pierre où figure une discrète inscription en creux : « Ils n’en ont pas en Angleterre ».
Des boutiques ayant baissé le rideau, il n’en manque pas à Bar-le-Duc. Un artiste s’est exprimé sur l’une d’elle : un squelette y proclame « Haut les cœurs ». Même le restaurant chinois à volonté est fermé sans espoir de réouverture.
Ayant tourné rue du Bourg j’y trouve la maison à pilastres corinthiens et bustes de femmes dite des Deux Barbeaux qu’André Theuriet a décrite dans son roman La Chanoinesse. Un peu plus loin, c’est une façade à gargouilles puis je rencontre l’étroit Canal des Usines et constate que les syndicats sont eux aussi logés dans un bâtiment historique. Un ouvrier descendu de moto me demande si j’attends quelqu’un. « Non, j’attends que vous soyez rentré pour faire une photo. »
Me dirigeant vers la Cathédrale, je passe par le pont Notre-Dame qui enjambe l’Ornain. Sur celui-ci est une minuscule chapelle. Quant à la Cathédrale, elle est du genre mastoc.
Après la Gare, je trouve la route en tunnel qui permet de passer sous les voies ferrées et arrive au pont levant sur le Canal de la Marne au Rhin quand celui-ci se lève pour laisser passer deux bateaux de location.
Un peu plus loin se trouve le rococo Château de Marbeaumont construit par un banquier. Il servit un temps de quartier général à Pétain pendant la Guerre de Quatorze Dix-Huit. Il abrite aujourd’hui la Médiathèque. Par une fenêtre ouverte du premier étage, une blonde bibliothécaire qui a dû pratiquer le lancer du disque au lycée jette des ouvrages dans une benne.
« Rassurez-vous, on ne jette pas tout », me dit-elle. Il s’agit de documents de peu de valeur ou en double complétement détruits par les inondations qui ont envahi les sous-sols une semaine avant mon arrivée. Une pompe est en action qui envoie de l’eau dans un bassin. Le Parc et la Médiathèque sont fermés au public. Je n’ai pu entrer qu’à la faveur du passage d’employés municipaux.
Retourné à mon point de départ, je prends un café au Barisien puis vais déjeuner en terrasse au Restaurant du Marché, le seul des trois que je n’ai pas essayé. Le menu est à douze euros quatre-vingt-dix comme chez Maître Kanter mais le quart d’edelzwicker n’est qu’à cinq euros et meilleur. La Police Nationale vient chercher son plat à emporter sans s’émouvoir du masque sous le menton de la patronne. Je déjeune d’une assiette de crudités, suivie d’un pavé de saumon sauce vin blanc jardinière de légumes et d’un moelleux au chocolat en regardant la petite apprentie en robe rouge découvrir le métier. Huit collègues, sept femmes et un homme nommé Jason, fêtent les quarante ans d’une. Deux fois vingt ans, lui dit-on de façon un peu trop insistante. Plus près de moi, une fausse Line Renaud mange des moules avec sa copine.  
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Une fois ou deux par jour, une grosse explosion se fait entendre à Bar-le-Duc. Je demande à l’apprenti serveur du Barisien ce que c’est. « Des explosions ? » Il ne voit pas de quoi je veux parler. « Peut-être le mur du son », me dit-il après réflexion.
Ce doit être ça et il y est si bien habitué qu’il ne trouve pas ça anormal. Peut-être même pense-t-il que c’est partout comme ça.
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Ici, chez certaines femmes, une façon un peu traînante de dire « Ah bah ouais hein » qui me rappelle une mienne collègue d’une école maternelle de Rouen. Etait-elle d’origine meusienne ?