A l’Ouest : Saint-Quay, le jour d’Alex

3 octobre 2020


C’est vers deux heures du matin que le vent y va fort mais sans y aller extrêmement fort. Point de « bombe météorologique » sur la Bretagne, Alex fait figure de bombinette. Le confirme le site du Télégramme qui ne trouve à montrer que des toitures arrachées et des arbres chus.
Le jour levé, j’affronte vent et pluie à l’aide de mon courage et de mon coupe-vent imperméable pour aller à la boulangerie. Sur la plage du Casino et contre les rochers alentour la mer est énervée sans être déchaînée.
Sitôt croissant et pain au chocolat achetés je rentre et les accompagne de thé vert. Cette journée sera casanière.
Elle me permet de tapoter les extraits de lettres de Léautaud dont j’ai noté les pages dans mon petit carnet Hema. C’est aussi l’occasion de déboucher la bouteille de cidre bio que m’a offert ma jeune logeuse en signe de bienvenue dans son appartement. Comme je n’ai ouvert le frigo qu’hier, je l’ai trouvée tardivement. « Vous pouvez fouiller partout si vous avez besoin de quelque chose », m’a-t-elle dit le jour de mon installation. De ça, je suis incapable.
Quelle nuit aura été celle de cette jeune femme découverte campant sous les deux beaux arbres de la pointe de Guilben ? Le temps sera pourri au moins jusqu’à dimanche. Je pense que son objectif d’atteindre Brest est compromis.
Un peu avant midi, je m’arme encore une fois de courage et de mon vêtement anti intempérie pour faire les deux cents mètres qui me séparent du Café de la Plage. J’y déjeune du menu à dix-neuf euros. Aujourd’hui, c’est rillette de thon mousse curry, julienne snackée aubergine carotte, financier noisette glace chocolat et toujours aussi bon.
Dommage que les deux jeunes femmes installées à ma gauche ne soient arrivées que lorsque j’en étais au dessert. Elles commençaient à parlaient de leur vie sentimentale. Ça aurait pu m’intéresser.
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Quoi de Léautaud ? Echantillon :
Je suis tombé d’une façon très heureuse, et après quelques jours de repos, les douleurs qui m’immobilisent dans mon lit, seront, j’espère, disparues, et je pourrai reprendre le cours insipide de mon existence. Paris le vingt-huit juillet mil huit cent quatre-vingt-dix-huit à Paul Valéry
J’ai oublié, moi qui le connaissais si bien pourtant, le mot de Talleyrand : « Méfiez-vous du premier mouvement : il est toujours généreux. » Je ne l’oublierai plus. Paris le trente et un décembre mil neuf cent six à Paul Valéry (après avoir été mal récompensé de son aide à une femme dans la misère)
On m’a rapporté – ce n’est pas l’intéressé – que lors de la rupture, elle lui écrivit pour le consoler et lui remontrer qu’après tout il n’était pas à plaindre, ayant joui du « joli jardin de sa chair ». Joli, si on veut, mais jardin, quand on la connaît ?… Une plate-bande tout au plus. Paris le vingt-deux novembre mil neuf cent quinze à Rachilde
Qu’est-ce qu’il a le « gros niais » ? On arrive. On lui dit bonjour. Pas de réponse. Il part. Il ne dit pas le moindre au revoir. Inutile de lui en parler. Je me moque de ses bouderies. C’est moi qui tiens le bon bout. Je baiserai encore sa femme. Paris le quatre juillet mil neuf cent vingt-quatre à Anne Cayssac (il est question du mari de cette dernière, surnommé aussi par Léautaud, le Bailli)