Assis dans deux bars froids à lire le Journal atrabilaire de Jean Clair

29 décembre 2014


J’affronte le vent tempétueux d’hiver ce samedi matin et échoue au Diplomate, au coin du Palais de Justice. Y supportant la température froide et la radio Chérie forte, j’y lis le Journal atrabilaire de Jean Clair qu’a publié Gallimard dans la collection « L’un et l’autre ».
Jean Clair, ami et spécialiste de Balthus, ancien directeur du Musée Picasso, commissaire de l’exposition Mélancolie, maintenant académicien français, s’y montre parfaitement grincheux et anti-moderne mais ses énervements sont convenus et manquent d’originalité dans la forme. Je sais déjà, à mi-lecture, que son livre finira dans ma pile à revendre.
Je l’achève l’après-midi même, au Grand Saint-Marc, près d’un radiateur tiède et au son de la radio Chérie en sourdine.
Le point commun entre Jean Clair et moi, c’est l’ascendance paysanne pauvre. Ce qu’il écrit sur sa mère, j’aurais pu l’écrire sur la mienne :
Quand vers la fin de sa vie je lui proposais d’appeler un taxi pour la ramener chez elle, elle refusait, ne comprenant pas qu’on pût payer si cher un service qu’un ticket de métro suffisait à obtenir. Accepterait-elle, je savais qu’elle resterait en équilibre sur le coin de la banquette, inquiète et penchée en avant, n’osant se caler commodément au fond, prête à déguerpir au moindre mot du chauffeur, tant  elle sentait que ce n’était pas là sa place. Seuls les puissants de ce monde peuvent s’asseoir, et la mesure de leur puissance se montre à la nature de leur siège. L’assise, c’est l’aisance. Ma mère n’avait pas d’assise.
Lui, Jean Clair, est passé de l’autre côté, chez les puissants de ce monde. Il prend le taxi aisément. Je n’ai, quant à moi, fait qu’un petit bout du chemin. Les rares fois où je me fais voiturer avec chauffeur, je ne prends pas tout à fait mes aises sur la banquette arrière.
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Publicité de la radio Chérie en ce vingt-sept décembre : « Dernière ligne droite avant Noël à l’Intermarché de Boos ».
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A Calais, la tempête renverse le haut mur grillagé construit par les Anglais pour empêcher les émigrés de rejoindre leur île. Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’hiver.