Au Centre : Thiers

12 juillet 2020


Première fois que je me réveille aussi tard depuis mon départ en vadrouille : six heures quarante-cinq. Le jour où j’ai un train à sept heures trente-six. Cela oblige à faire vite. Heureusement, je suis en face de la Gare. Me voilà même un peu en avance sur le quai indiqué.
 Ce samedi, le Clermont-Ferrand Thiers se compose de deux rames, dont « J’irai revoir ma Normandie »  où je suis seul durant tout le trajet (arrêts à Aulnat Aéroport, Pont-du-Château, Vertazon, Lezoux et Pont-de-Dore ; des lieux qui ne donnent pas envie de descendre). Arrivé en Gare de Thiers, je découvre qu’il n’y avait personne dans l’autre rame, même pas un contrôleur. Avoir un train pour soi tout seul, c’est une première fois dans ma vie. Le billet m’a coûté cinq euros, ce qui est le prix du papier selon un guichetier de Rouen. C’est une bonne affaire pour la Senecefe.
A la sortie, je descends un doux escalier qui mène droit à l’Hôtel de la Gare, un charmant petit établissement à glycines, la seule adresse « Où dormir » de mon Guide du Routard deux mille deux. Je m’assois à sa terrasse et commande un café croissant au chaleureux hôtelier. « C’est un croissant au beurre de Charentes que je fais moi-même », m’annonce-t-il.
Il m’indique comment rejoindre le centre de Thiers, ville qui monte et qui descend et pas qu’un peu, célèbre au passé pour ses coutelleries. Dommage qu’elle ne soit pas mieux connue pour sa beauté. Personnellement, elle m’enchante. François Truffaut y a tourné L’Argent de poche. Je passe par l’Hôtel du Pirou, remarquable demeure du quinzième siècle, la Maison de l’Homme des Bois (tout poilu) et l’église Saint-Genès où je trouve un homme (peut-être le curé) qui repasse au fer à vapeur sur le maître-autel. Il me dit bonjour comme si la situation était banale. Je descends ensuite marcher le long de la partie calme de la Durolle, près de l’église Saint-Jean et de son vieux cimetière, puis vais voir la partie agitée, façon torrent de montagne, qui faisait tourner les usines. La chute d’eau la plus impressionnante a pour nom Le Creux de l’Enfer.
Remonté en ville, je bois un café verre d’eau à l’une des deux tables d’extérieur de La Civette, place du Pirou (avec une pensée pour un certain Jean-Pierre). Juste en face est la Maison des Sept Péchés Capitaux, lesquels péchés sont sculptés à l’extrémité de sept poutres. Pas très loin, je retiens une table au Coutelier (la seule adresse « Où manger » de mon Routard deux mille deux).
Si l’Hôtel de la Gare n’a pas bougé depuis deux mille deux, il y a eu changement de propriétaire au Coutelier. La collection de couteaux a disparu. Restent des fresques murales représentant des curiosités de la ville. Ici, on ne peut manger qu’à l’intérieur et on se déplace avec masque. Dès midi et quart, c’est complet. J’avais oublié cette nuisance : les moutards de restaurant. Heureusement, ceux-ci sont loin de moi sous la fresque du Creux de l’Enfer, à leur place.
Délaissant le menu du jour, je choisis la terrine de pied de porc en gelée à sept euros cinquante puis la saucisse de choux d’Arconsat à la moutarde de Charroux à quatorze euros, avec un quart de vin d’Auvergne à huit euros cinquante. Cette cuisine un peu chichiteuse ne vaudra jamais pour moi la cuisine de gargote. Mes trente euros réglés, je prends le café à La Civette, un euro trente.
Je songe à en prendre un autre à l’Hôtel de la Gare mais déception il est fermé. Sur la porte, en différentes langues, l’écriteau « Complet ». C’est sur un banc ombragé que j’attends le train de retour avec Montaigne.
Si je n’ai pas ce train pour moi tout seul, je n’ai personne à moins de trente mètres, distanciation physique assurée.
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Mes photos : sans humains, sans voitures, sans poubelles. La première exigence est la plus facile à satisfaire.