Au Quai des Livres rouennais

20 septembre 2021


De la pluie en cours de nuit et encore au petit matin, heureusement elle a cessé quand se lève le jour ce dimanche : à sept heures trente-six. C’est le moment de sortir de chez moi pour rejoindre le Quai des Livres rouennais, ce marché de l’occasion qui regroupe professionnels, associations et particuliers.
Arrivé sur place je constate que les vendeurs sont moins nombreux qu’avant-guerre. La qualité ne remplace pas la quantité. On garde le meilleur pour ailleurs. Déjà, du dernier Quai parcouru avant Covid, j’étais reparti bredouille.
Il en est de même ce jour après l’ultime tentative d’un vendeur :
-Vous allez bien nous acheter quelque chose.
-J’ai peur que non.
-Ce n’est pas cher pourtant.
-Oui, mais que de la daube.
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En face de l’Hôtel des Ventes de la rue de la Croix de Fer, un mur blanc est devenu le préféré des colleuses locales pour dénoncer ce qu’il est convenu d’appeler les féminicides. Leurs slogans, parfois peu intelligibles pour le passant moyen, sont systématiquement décollés. Le dernier est en place depuis quelques jours, incompréhensible pour qui n’a pas suivi les épisodes précédents : « Décoller n’efface pas les victimes ». Il y a un brin de paranoïa derrière ce propos. Je suppose que le propriétaire du mur nettoie son bien indépendamment de ce qu’on y écrit.    
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Mieszko Bavencoffe, plasticien dont j’ai fait la connaissance dans une circonstance quelque peu conflictuelle au temps de l’Ubi, lieu artistique mutualisé, puis que je suis allé un jour soutenir alors qu’à lui seul il s’opposait à l’abattage des arbres de la rue d’Amiens (ils sont toujours debout), fait un coup d’éclat pour cette Journée du Patrimoine en installant devant l’Hôtel de Ville de Rouen, sur le socle de celui parti se refaire une beauté, un Napoléon bicycliste livreur de repas Deliveroo.
Revenant de photographier cette œuvre éphémère, je croise ce grand garçon et lui dit bonjour. Il me répond et me détrompe. C’est son frère. Dingue comme ils se ressemblent.
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Mort de Julos Beaucarne à l’âge de quatre-vingt-cinq ans ce dimanche. Vu et écouté il y a longtemps à Louviers. Au temps des concerts gratuits. Des chansons écolo gentillettes. Une trop grande âme pour moi.
J’ai détesté la lettre pleine de compréhension et de pardon qu’il a écrite à l’homme qui a tué sa femme, un marginal qu’il avait recueilli.
Quand même, ce titre de neuf secondes que je n’ai pas oublié : Dans le cadre de la quinzaine du bon langage, ne disez pas « Disez »... Disez « Dites ».