Au Sud, onzième : de Montpellier à Rouen

28 mai 2018


De la pluie au réveil et jusqu’à l’heure du petit-déjeuner, ce dernier toujours aussi bon, et la conversation avec les hôtes intéressante car ce sont gens cultivés, un peu plus âgés que moi.
Il ne tombe que quelques gouttes quand je tire ma valise vers la gare Saint-Roch en regardant attentivement cette ville qui m’a plu, où je ne reviendrai plus.
J’attends qu’il soit l’heure de mon train, confortablement assis sous la voûte de cette belle gare tout en longueur. Au piano s’installe un jeune homme qui voyage avec une guitare. Parmi les airs qu’il joue : une interprétation jazzy de L’Internationale.
Le Tégévé de dix heures vingt-quatre pour Paris n’est pas complet. Dans la voiture où je suis l’animation est assurée par cinq joueuses et un joueur de tennis de La Grande-Motte, lui beau ténébreux affichant sur son vêtement « It’s not tennis It’s life », elles lianes blondes ou brunes en tenue de sport. J’entends que cette équipe va à Rouen. La capitaine est dans la trentaine. Elle a loué une voiture à l’arrivée afin de rejoindre une location à trois kilomètres. Elle et lui se chargent de l’éducation de la benjamine à appareil dentaire qui pouffe sans cesse : « Tu es dans un train, tout le monde n’a pas envie de t’entendre ». Il s’ensuit une discussion sur l’évolution liée à l’âge. « Ce n’est pas que tu changes, c’est que tu vois les choses différemment », déclare la capitaine.
C’est la première fois que je ne suis pas contrôlé dans un Tégévé. Le contrôleur est pourtant passé, déclarant à une voyageuse qui se plaignait d’avoir froid dans la rame : « Attendez un peu, à Paris il fait vingt-neuf ».
Effectivement une chaleur lourde se fait sentir à l’arrivée. J’y perds de vue l’équipe de tennis de La Grande-Motte qui doit courir pour prendre son train à Saint-Lazare. Le mien n’est qu’à seize heures dix-huit, ce qui me donne le temps de lire A la Ville d’Argentan. Un vieux rockeur à cheveux tressés en natte, lunettes noires et bretelles tombées demande une petite cuillère pour manger les bretzels servis avec sa bière.
Je suis de ceux qui ont une place assise dans le Corail pour Rouen. Il est dix-huit heures trente quand je retrouve le pavé rouennais sous une épaisse chaleur.
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Mes hôtes de Montpellier, se vouvoyant.
Au départ, j’ai pensé qu’au lieu d’un couple, il s’agissait d’un duo (comme il en est un parmi les abonnés de l’Opéra de Rouen).
Jusqu’au matin où, lui absent, elle l’a évoqué en disant « Mon mari ».
Vouvoiement d’autant plus étonnant qu’elle et lui étaient enseignants dans le public, où le tutoiement est automatique.