Au Sud, troisième : Montpellier (Ecusson)

19 mai 2018


A l’Hôtel Colisée Verdun, le patron compte les croissants et les petits pains, pas un de plus que le nombre de petits déjeuners commandés. Ce vendredi matin, le mien n’a pas été noté. Je les ai pourtant tous payés d’avance ainsi que les nuitées, comme exigé. L’employé de nuit doit courir à la boulangerie avant de profiter de sa journée (ou d’aller se coucher).
Je profite de la mienne pour parcourir plus ou moins au hasard le « cœur de ville » comme on dit ici (et un peu partout désormais). On le nomme Ecusson en raison de sa forme d’écu ancien : beaucoup de rues étroites et parfois pentues, des places ombragées par de magnifiques platanes, peu ou pas de voitures, des parcs, des jardins, des squares, et partout des terrasses tentantes où je m’emploie à lire  ou plutôt relire, mais cette fois dans la version intégrale récemment parue chez Bouquins/Laffont, le Journal de Matthieu Galey.
Entre deux pauses, je découvre la paisible place de la Canourgue, explore la promenade du Peyrou puis passe à l’est au Jardin du Champ de Mars, où s’épanouissent les lycéen(ne)s de Joffre, et vais me renseigner à l’Office du Tourisme sur la trente-troisième Comédie du Livre.
Mon Guide du Routard deux mille seize recommande le restaurant Chez Mémé Suzon, rue des Teissiers. A part une boutique de décoration, il n’y a que des restos dans cette courte rue mais pas celui que je cherche. J’entre à la déco me renseigner et apprends que c’était en face. Il a brûlé. La plus jeune des deux charmantes commerçantes me conseille Le Restaurant Agricole à deux pas, rue du Plan d’Agde. « Je n’y ai jamais mangé mais on en dit beaucoup de bien ». Ce nom m’inspire. Je réserve une table en terrasse puis vais lire un peu dans le square Dominique Bagouet, près de l’église Saint-Roch.
Hormis moi, il n’y a que des habitué(e)s du quartier à s’installer au Restaurant Agricole, connu aussi sons le nom de Café Léon, et effectivement on y mange très bien, servi par trois jeunes femmes efficaces et décontractées.
Tartare de veau avocat et épaisse pièce du boucher sauce échalote mettent l’addition à douze euros quatre-vingt-dix. Je lui ajoute six euros en commandant un tiramisu caramel beurre salé. Le quart de faugères coûte sept euros. Je quitte la table satisfait et vais marcher au Jardin des Plantes qui n’est ouvert qu’après midi.
« C’est universitaire », me donne pour explication l’un des gardiens de l’entrée quand je lui demande pourquoi un horaire si restrictif. Ce jardin dépend de la proche Faculté de Médecine. C’est le plus vieux de France. Il a été fondé par Henry le Quatrième pour l’étude des plantes médicinales. C’est un vrai fouillis par endroit. Une partie est interdite pour cause de réfection.
J’y poursuis ma lecture en compagnie d’une limace sur un vieux banc de pierre ombragé dans un coin reculé. En contrebas, des grenouilles coassent. Une fille en passant caresse un coquelicot.
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Chemise blanche pour les contrôleurs des tramouais de Montpellier. Les tramouais ont également belle allure : ribambelle de fleurs, sable et coquillages sur fond noir, etc.
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Deux clodos avinés discutant des dossiers qui sont sous la pile et qui passent bizarrement dessus, l’un d’eux :
-J’ai travaillé trente ans dans l’administration alors tu penses bien que je sais comment ça se passe.
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Publicité de rue de l’Hôtel Europa : « Chambres à trente-cinq euros la nuit ». C’est suivi d’un astérisque. Il faut lire les petites lignes en bas de l’affiche : « Tarif uniquement valable le samedi et le dimanche à partir de vingt-trois heures, sans réservation ».
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Je suis toujours le seul à lire aux terrasses des cafés, et même, je suis souvent le seul à être seul à une table.
Une constatation plus effrayante: j’ai presque tout oublié de ma première lecture du Journal de Matthieu Galey, pourtant pas si ancienne.
Consolation : cela me passionne d’autant plus.