Au Tribunal Administratif de Rouen pour une Géorgienne de Caen et sa fille de six ans embastillées à Oissel

23 octobre 2015


Appelé en urgence par le Réseau Education Sans Frontières à venir soutenir au Tribunal Administratif de Rouen une Géorgienne de Caen, Ketevani U., et sa fille de six ans embastillées à Oissel depuis la veille, j’y arrive un peu avant quatorze heures ce mardi, rejoint par quelques autres membres du Réseau et de la Ligue des Droits de l’Homme. Arrive aussi un journaliste de Paris Normandie.
Etonnés de l’absence de la jeune femme et de son enfant (les escortes policières sont toujours à l’heure), nous en apprenons la raison par Maître Blandine Quevremont, la jeune avocate que leur a trouvé France Terre d’Asile qui tient permanence au Centre de Rétention, laquelle avocate a suspendu sa grève en raison de l’urgence de l’affaire : la jeune femme géorgienne et sa fille sont déjà en route vers l’aéroport de Roissy où les attend un avion pour l’Espagne, premier pays européen dans lequel elles ont mis le pied.
Face à la Juge administrative, Blandine Quevremont ne peut contester la réadmission en Espagne (sa cliente, sans doute ignorante de ses droits, n’a rien fait pendant le délai de recours) mais elle plaide contre le placement au Centre de Rétention. Ni elle ni la Juge ne sont en possession du mémoire du Préfet du Calvados. Il arrive en cours d’audience. Une suspension est nécessaire pour que les deux femmes puissent en prendre succinctement connaissance.
La plaidoirie de l’avocate repose sur deux points. Le premier : Ketevani U. a été mise au Centre de Rétention avec sa fille sans que cette dernière ne soit mentionnée sur les documents, les droits de cette enfant ne peuvent donc être pris en compte, conséquemment aucune mesure particulière n’a pu être prévue pour elle à son arrivée en Espagne. Le second : la France a été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour l’enfermement des enfants à Oissel (arrêté Popov).
La Juge se retire à la fin de la plaidoirie. Quand elle revient, c’est pour annoncer l’annulation du placement en rétention de Ketevani U. et de son enfant, ce qui a pour effet de permettre à cette Géorgienne de refuser d’obéir aux ordres des Policiers qui l’accompagnent. Il est quatorze heures quarante-cinq. L’avion doit décoller à quinze heures. L’avocate, aidée de la greffière, fait tout ce qu’elle peut pour joindre, à défaut de sa cliente dont elle n’a pas le téléphone, la Préfecture de Caen et la Police des Frontières.
Ketevani U., qui peut-être ne parle pas français, ni ne le comprend, a-t-elle pu descendre de l’avion avec sa fille avant le décollage ? Je crains que non. Personne ne sait ce qu’elles sont devenues.
                                                                *
Le malheur de cette jeune femme est d’avoir résidé à Caen où le Réseau Education Sans Frontières, s’il existe, n’est pas aussi performant qu’à Rouen. Ici, elle aurait été prise en charge, aurait connu ses droits, les aurait exercer. Une famille venue d’Afrique résidant dans la métropole rouennaise vient ainsi d’échapper à un renvoi en Italie.
Profitant de la situation, le Préfet du Calvados a choisi les vacances de la Toussaint pour faire disparaître l’enfant sans qu’on s’en inquiète à l’école.
                                                               *
Cette fois, je n’ai pas pu éviter d’exhiber ma carte d’identité à la greffière pour entrer dans la salle d’audience. Un greffier d’échelon supérieur s’est déplacé pour me montrer la circulaire Vigipirate l’exigeant. Cette mesure dite de sécurité est illusoire. En revanche, comme les listes de présents aux audiences sont conservées, c’est un bel outil de fichage. Vu l’incertitude politique qui règne en France, nul ne peut prévoir quel usage postérieur en sera fait. Les autres présents semblent trouver que je fais beaucoup de bruit pour pas grand-chose.
                                                              *
Lui Président, aucun enfant ne sera enfermé en Centre de Rétention, le plus honteux mensonge de François Hollande.