Au désherbage de la Bibliothèque Municipale de Sotteville-lès-Rouen (deuxième)

30 septembre 2019


La ventilation tourne à fond avec un bruit d’enfer à la station Palais de Justice où j’attends le métro ce samedi vers neuf heures afin d’aller une deuxième fois au désherbage de la Bibliothèque Municipale de Sotteville-lès-Rouen.
Quand il arrive, je voyage avec l’un des présentateurs du Journal de France Trois Normandie dont les locaux ont été évacués hier suite aux malaises de plusieurs employé(e)s de la station, cela plus de vingt-quatre heures après le début de la lubrizolisation de la ville et de ses alentours. Ce journaliste ne va pas plus loin que Saint-Sever.
Un homme m’a précédé cette fois. Il est assis sur le rebord  de la bibliothèque et utilise un ordinateur dont il prend grand soin, ce qui ne l’empêche pas de se moucher dans ses doigts et de les essuyer sur son pantalon. L’arrivant suivant n’est pas plus reluisant, un type en ticheurte malgré la fraîcheur et la pluie menaçante, qui rote et qui pète. Ces deux rustres ne sont pas là pour les livres mais pour les cédés et les dévédés.
Se présente ensuite un allumé que je croise souvent à la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier qu’il fréquente pour les dévédés. Ce déjanté connaît le péteur sur qui il déverse son inépuisable monologue avec comme rengaine est-ce que les foires à tout (ainsi appelle-t-on les vide-greniers en Haute-Normandie) prévues à Rouen ce dimanche auront bien lieu « au regard de l’actualité ».
Je me concentre sur mes pieds afin qu’aucun des trois ne me parle, ne relevant les yeux qu'à l'arrivée de l’homme au vélo (le premier à m’avoir prévenu du désherbage).
Il va boire un café et je le retrouve une fois les portes ouvertes, lui conseillant l’achat des Pensées de Lichtenberg. Les cartons ont été réapprovisionnés. Je trouve une nouvelle fois de quoi me satisfaire. Je paie seize euros pour mes seize livres, suivi de l’homme au vélo qui a été moins gourmand que moi. Comme il pleut, je protège le contenu de mes sacs à l’aide d’autres sacs en plastique. « Contre la pluie, contre la suie », lui dis-je. « Vous êtes un poète », me dit une des bibliothécaires.
Mon informateur me propose d’aller boire un café là où il a ses habitudes, c’est-à-dire à la terrasse abritée du Rocher de Cancale (aucun espoir d’y déguster des huîtres). La patronne me serre la main et quand elle revient avec les cafés elle me dit qu’elle me connaît car elle est l’ancienne patronne du Sacre qu’elle a vendu il y a six ans. Evidemment, je n’ai aucun souvenir d’elle.
Le bicycliste qui m’offre ce café est sottevillais. Il me parle de sa ville et de ses différents quartiers dont celui des bobos un peu plus haut. « Un prof un musicien un prof un musicien », me dit-il. Notre conversation vire ensuite sur la fin de la vie, sujet des plus joyeux.
Avant de rentrer, je vais aux toilettes et y croise une femme qui dit me connaître. « Je vous vois souvent en foire à tout. Vous n’êtes pas l’ancien mari de Mina ? » J’ai le plaisir de lui répondre négativement.
Cette fois encore, en sortant du métro à Théâtre des Arts, et plus violemment qu’hier, je suis saisi par l’odeur d’hydrocarbure.
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L’avantage d’être déjà vieux, c’est que lorsqu'on évoque un risque de cancer pour dans vingt ou trente ans, on ne se sent pas concerné. Pour ce qui est du présent, je tousse encore mais moins.
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Donc on nettoie les cours d’école, mais pas les trottoirs, cours d’immeuble, parcs et jardins où l’on trouve aussi des enfants. De même à Paris seules les cours d’école ont été refaites suite à la pollution au plomb due à l’incendie de Notre-Dame.
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Ce samedi, Zineb El Rhazoui, qui a échappé à l’attentat de Charlie Hebdo parce qu’elle était en vacances au Maroc, se démène pour obtenir des explications des élus de Rouen sur la séance de prédication donnée le jour même par un islamiste radical à la Mairie Annexe de Saint-Sever (avec entrée payante : cinq euros par personne, dix euros pour les familles).
Aucun des élus municipaux rouennais en cause (Socialistes, Communistes et Ecologistes) ne lui répond.