Au vide grenier rouennais du quartier Grand-Pont

30 août 2016


Vers sept heures, ce dimanche, je me rends en voisin au vide grenier des rues Grand-Pont et avoisinantes dans ce quartier qui n’en est pas un sauf ce jour. Beaucoup des vendeuses et vendeurs viennent d’ailleurs et s’installent lentement. L’un d’eux est mon vieux copain d’école qui tente encore une fois de vendre des objets depuis longtemps passés de mode.
Il me dit qu’il en a assez et que, passé juin prochain, il arrêtera ce qu’on appelle ici les foires à tout. « On verra si ta promesse sera mieux tenue que le mienne de ne plus acheter autant de livres », lui dis-je.
Il trouve que je suis plutôt en forme dans mes écritures en ce moment après un petit passage à vide et a un peu de mal à s’y retrouver dans tous ces chiens. Qui c’est ce Moka ?
Je lui explique que c’est celui d’un jeune couple qui avait déjà un chat et aura ensuite un enfant.
-Ah bon, c’est comme ça que ça marche ? me dit-il
-Eh bien oui, c’est : Tu l’as vu mon désir d’enfant, il est au bout de la laisse.
-Alors toi, tu as toujours le sens de la formule, tu es impayable.
Il ajoute que je n’ai absolument pas changé. « Tel que tu étais, tel que tu es. »
Je le laisse terminer l’étalage de sa vieille vaisselle et, sans illusion, fais le tour de ce vide grenier qui n’est pas le meilleur de la ville. Effectivement, je n’y trouve aucun livre à mon goût mais en achète quand même trois parce qu’on me les propose à cinquante centimes.
Quand je repasse devant l’emplacement de mon vieux copain, je lui demande si les affaires marchent. Un peu quand même, un album de photos notamment, mais la vaisselle ancienne vraiment ça n’intéresse plus personne. Il me raconte que récemment, suite à la sortie d’un film tiré de la Comtesse de Ségur, il avait espéré vendre des livres d’icelle, mais non, cela n’intéresse pas non plus. Les choses ont vite changé.
-Rappelle-toi, lui dis-je, déjà quand on était enfant, la Comtesse de Ségur, ça n’intéressait pas grand monde. Il fallait vraiment n’avoir rien d’autre à lire pour ouvrir un de ses livres.
Il en convient, mais me répète que quand même les choses ont vite changé.
-Il y a combien de temps qu’on était enfant, Jean-Pierre ? Un demi-siècle.
-Ah, va-t-en, me dit-il, tu vas encore écrire des horreurs sur moi.
Lui non plus n’a pas du tout changé, il aime toujours qu’on le bouscule un peu.
                                                         *
Je passe une partie de l’après-midi de ce dimanche au jardin, à lire et tapoter sur mon ordinateur, tandis que s’installent avec l’aide de leurs familles de nouvelles arrivantes, des étudiantes amenées là par la rentrée universitaire.
-Quel calme, s’extasient les familles, incroyable de trouver un tel jardin en plein centre ville, et surtout un tel silence.
La déception viendra avec le retour d’Aboyus et de qui lui court après en criant : « Tais-toi, tais-toi, vas-tu te taire. »
                                                         *
Souvent durant ce mois d’août passe la fille qui se rend chez l’un des habitants de la copropriété et en repart parfois en y ayant oublié quelque chose, d’où un second passage. Si elle était Indienne d’Amérique, elle s’appellerait « Petit Courant d’Air Frais »