Au vide grenier rouennais du quartier Saint-Julien

7 juin 2018


Faut-il qu’il fasse beau pour que j’aille quand même, avec la quasi-certitude de n’y rien trouver, pédestrement, jusqu’au lointain quartier Saint-Julien, rive gauche de Rouen. A cette heure matutinale ne sont dans les rues que les alcoolisés du ouiquennede. Certains bousculent les grillages protégeant les travaux sur le pont Boïeldieu.
La rue Saint-Sever est elle aussi en travaux, près de l’église du même nom. Les arbres ont morflé dans ce quartier où je ne vais plus. Il faut ensuite remonter la longue rue Saint-Julien jusqu’au rond-point. Au-delà de celui-ci les déballeurs sont déjà plus ou moins installés. J’ai confirmation de mon intuition, point de livres à mon goût. A en juger par ceux montrés, les habitants du quartier semblent avoir des soucis familiaux, liés notamment à l’anorexie et à l’autisme.
Je m’acharne à parcourir deux fois l’ensemble du déballage puis renonce. Prêt à rentrer en métro, je découvre sans réelle surprise que le prochain est dans vingt minutes. J’y renonce et fais bien car place Clemenceau je rencontre un chasseur de vinyles avec qui c’est toujours agréable de parler.
Il rentre du même lieu que moi, près duquel il habite, quasiment bredouille. Craignant de ne pouvoir se garer au retour, il n’a pas pris sa voiture pour aller au marché dominical du Clos Saint-Marc. Nous traversons la Seine de concert puis remontons la rue de la République en devisant. Il est question de Jean-Jacques Lebel et du Living Theatre, puis de Cami qu’il vient de découvrir.
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L’emmerdeur. Il demande à quelle heure ça ouvre le Son du Cor alors que c’est écrit midi sur la porte. Je le snobe. Un autre lui dit midi. Il n’a pas l’heure alors il se penche vers ma montre pour regarder. Pas de chance, elle n’a pas de chiffres mais les vingt-six lettres de l’alphabet. Il n’y comprend rien. Bon bah je vais ailleurs, qu’il dit.
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Mes élèves de maternelle aimaient bien ma montre alphabet. Je me souviens d’une prénommée Wendy à Igoville qui, à la récréation, surveillait l’avance de la grande aiguille vers l’initiale de son nom.
-Quelle heure il est ?
-Wendy moins le quart.
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Cette montre Akteo, je l’ai achetée pour mes cinquante ans. Elle a donc dix-sept ans, n’est tombée en panne qu’une fois.