Commencer par le vide-grenier de l’avenue des Provinces au Grand-Quevilly ou par celui du quartier Saint-Éloi à Rouen rive droite ? Les pauvres sont plus nombreux et rapidement prêts, me dis-je. Je prends donc ce jeudi le métro de sept heures zéro trois qui passe par les stations Place du 8 Mai et Charles de Gaulle.
Me voici sur place à sept heures trente, descendu à l’arrêt Provinces en compagnie d’une dizaine de femmes à foulard et chariot. Tous les exposants sont installés et déjà assaillis par une foule composée à soixante-dix pour cent de personnes ayant des origines. Je parcours comme je peux les six allées parallèles se partageant l’avenue et les deux ou trois excroissances perpendiculaires dont celle où se situent le Théâtre Charles Dullin, lequel est en travaux, et le restaurant La Table de Sacha qui profite de ce vide-grenier pour vendre de la bière, sur ses grandes ardoises : « Garderie pour maris ».
Sont proposées des marchandises ayant pour point commun que jamais je ne les achèterai. Je ne vois pas le moindre livre susceptible de m’intéresser. Il m’est pourtant arrivé de faire ici de belles découvertes. Quel choc de croiser là cette fille qui était si belle il y a un quart de siècle quand elle fréquentait en même temps que moi la terrasse des Floralies, revue il y a quelques années, devenue prof et toute ridée. Cette fois, je la découvre en plus terriblement grossie. Elle continue de s’habiller dans le style néo-baba qui était le sien et cela devient tragique. Autre rencontre, celle d’une vendeuse de fringues que je côtoyais au Socrate quand j’avais le droit d’y aller, autour de laquelle se pressent les acheteuses. Elle tient ordinairement boutique au centre-ville de Rouen. Aujourd’hui, elle se livre à des soldes sauvages. A défaut de livres, j’aurais aimé trouver des ramettes de papier pour me servir d’emballage quand j’en vends mais rien.
Il est huit heures trente quand je vais attendre le métro du retour à la station John Fitzgerald Kennedy près d’une publicité Lacoste avec Adèle Exarchopoulos. Elle est si mal connue qu’il faut écrire son nom sur l’affiche pour que certains (dont moi) sachent que c’est elle. Quand j’allais encore au cinéma, je l’ai bien aimée dans La Vie d’Adèle, le film d’Abdellatif Kechiche, qui ensuite a eu des soucis (il ignorait la coordinatrice d’intimité). Un mal habillé porteur de sacs Aldi emplis de fringues en sort une paire de chaussures en s’exclamant « Balenciaga ! Ça vaut le coup les foires à tout ». Foires à tout, c’est ainsi qu’on appelle les vide-greniers dans cette province. « Ah, il arrive enfin ce connard ! », ajoute-t-il quand se présente le métro.
Je descends à Théâtre des Arts et rejoins pédestrement le quartier Saint-Eloi. Peu de monde est présent pour parcourir les allées de ce petit vide-grenier dispersé autour de la place Henri le Quatrième dont des emplacements restent inoccupés. Je l’ai connu plus glorieux et y ai fait aussi de bonnes affaires certaines années. Là, pas un livre ne peut me tenter et j’ai tôt fait de le quitter.
En rentrant chez moi, je croise une bruyante laveuse de rue qui montre que les employés de la Métropole ne sont pas en congé en ce jour férié et que rien ne change dans certains domaines. Elle est conduite par un homme à la peau blanche et celui qui marche à côté en lavant les pavés avec de l’eau sous pression a la peau noire. Jamais on ne verra l’inverse, un homme noir dans l’habitacle et un homme blanc s’épuisant en marchant à ses côtés.
*
Grand carillonnage à la Cathédrale en fin d’après-midi. Habemus papam. Ce que je craignais est arrivé. Je suis désormais plus vieux que le Pape.
A moins que son Dieu juge bon de le rappeler à lui rapidement, ce sera mon dernier Pape.
Me voici sur place à sept heures trente, descendu à l’arrêt Provinces en compagnie d’une dizaine de femmes à foulard et chariot. Tous les exposants sont installés et déjà assaillis par une foule composée à soixante-dix pour cent de personnes ayant des origines. Je parcours comme je peux les six allées parallèles se partageant l’avenue et les deux ou trois excroissances perpendiculaires dont celle où se situent le Théâtre Charles Dullin, lequel est en travaux, et le restaurant La Table de Sacha qui profite de ce vide-grenier pour vendre de la bière, sur ses grandes ardoises : « Garderie pour maris ».
Sont proposées des marchandises ayant pour point commun que jamais je ne les achèterai. Je ne vois pas le moindre livre susceptible de m’intéresser. Il m’est pourtant arrivé de faire ici de belles découvertes. Quel choc de croiser là cette fille qui était si belle il y a un quart de siècle quand elle fréquentait en même temps que moi la terrasse des Floralies, revue il y a quelques années, devenue prof et toute ridée. Cette fois, je la découvre en plus terriblement grossie. Elle continue de s’habiller dans le style néo-baba qui était le sien et cela devient tragique. Autre rencontre, celle d’une vendeuse de fringues que je côtoyais au Socrate quand j’avais le droit d’y aller, autour de laquelle se pressent les acheteuses. Elle tient ordinairement boutique au centre-ville de Rouen. Aujourd’hui, elle se livre à des soldes sauvages. A défaut de livres, j’aurais aimé trouver des ramettes de papier pour me servir d’emballage quand j’en vends mais rien.
Il est huit heures trente quand je vais attendre le métro du retour à la station John Fitzgerald Kennedy près d’une publicité Lacoste avec Adèle Exarchopoulos. Elle est si mal connue qu’il faut écrire son nom sur l’affiche pour que certains (dont moi) sachent que c’est elle. Quand j’allais encore au cinéma, je l’ai bien aimée dans La Vie d’Adèle, le film d’Abdellatif Kechiche, qui ensuite a eu des soucis (il ignorait la coordinatrice d’intimité). Un mal habillé porteur de sacs Aldi emplis de fringues en sort une paire de chaussures en s’exclamant « Balenciaga ! Ça vaut le coup les foires à tout ». Foires à tout, c’est ainsi qu’on appelle les vide-greniers dans cette province. « Ah, il arrive enfin ce connard ! », ajoute-t-il quand se présente le métro.
Je descends à Théâtre des Arts et rejoins pédestrement le quartier Saint-Eloi. Peu de monde est présent pour parcourir les allées de ce petit vide-grenier dispersé autour de la place Henri le Quatrième dont des emplacements restent inoccupés. Je l’ai connu plus glorieux et y ai fait aussi de bonnes affaires certaines années. Là, pas un livre ne peut me tenter et j’ai tôt fait de le quitter.
En rentrant chez moi, je croise une bruyante laveuse de rue qui montre que les employés de la Métropole ne sont pas en congé en ce jour férié et que rien ne change dans certains domaines. Elle est conduite par un homme à la peau blanche et celui qui marche à côté en lavant les pavés avec de l’eau sous pression a la peau noire. Jamais on ne verra l’inverse, un homme noir dans l’habitacle et un homme blanc s’épuisant en marchant à ses côtés.
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Grand carillonnage à la Cathédrale en fin d’après-midi. Habemus papam. Ce que je craignais est arrivé. Je suis désormais plus vieux que le Pape.
A moins que son Dieu juge bon de le rappeler à lui rapidement, ce sera mon dernier Pape.