Car il y a loin de la coupe aux lèvres

10 juillet 2018


Vendredi, c’est le jour du match (comme ils disent). La serveuse du Son du Cor, qui avoue ne pas s’intéresser au foute mais quand c’est la Coupe du Monde, obligé quoi, est complètement émoustillée. Elle porte du bleu blanc rouge sur les paupières (elle a dû s’y prendre à deux fois, la faute au miroir). Elle fait accrocher un drapeau en façade. Elle pousse la musique à fond.
Une cliente lui demande si vraiment ce n’est pas possible de mettre un peu moins fort.
-Non, faut bien soutenir les bleus.
J’arrive quand même à lire. Un autre client explique que tous les bus passant près du O'Kallaghan's seront détournés pendant le match car il y a eu des débordements la fois précédente. Les hurlements et chants patriotiques, que du jardin je pensais venir du Bar des Fleurs, devaient provenir de ce temple de la bière pourtant séparé de chez moi par deux rues et de nombreux bâtiments.
A seize heures j’y suis au jardin, subissant la nuisance. Chaque but de l’équipe de France déclenche le cri du troupeau, suivi une minute plus tard de celui d’une voisine qui regarde ça sur ordinateur avec son compagnon muet.
Jouez claque-sons résonnez pétards on a gagné on a gagné.
Le lendemain au Son du Cor on parle d’un qui s’est fait gazé par les Céhéresses en sortant de faire ses courses chez U Express à côté du O'Kallaghan's. Ceux-ci répondaient à des jets de bouteilles. Faute de bus à bloquer, les énervés ont grimpé sur des toits de voitures et vidé des extincteurs. On essaiera de faire mieux mardi soir contre la Belgique.
Certains sont contents que ce ne soit pas le Brésil car, c’est bien connu, il vaut mieux affronter un petit pays qu’un grand. Ils feraient bien de se souvenir du match Etats-Unis/Vietnam et de ce qui est arrivé aux pays arabes quand ils ont joué contre Israël en mil neuf cent soixante-sept. Il y a bien sûr des contre-exemples.
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Doivent être contents les proches de ce nouveau bar à bière rouennais élégamment nommé Le Môme qui Pisse. Il possède deux entrées, rue Ganterie et rue de la Poterne. Sur les portes un message révélateur : « Pensez aux voisins, soyez sympas ».