Cinq vide greniers parisiens (Butte aux Cailles, Charonne, Pyrénées, Montholon, Saint-Ouen)

16 juin 2015


Ce dimanche est l’un des mieux fournis de la saison en vide greniers à Paris et c’est donc de fort bon matin que je traverse la capitale en direction de la Butte aux Cailles dans le Treizième, un lieu autrefois parcouru en même circonstance avec celle chez qui je dors (nous y avions fait un bon repas en terrasse). Ce quartier de boboïtude affirmée est toujours soumis aux dessins bébêtes de Miss Tic. Certaines rues anciennes à pavés y échappent, pas celles où l’on déballe. Beaucoup de livres ici et là parmi lesquels je trouve L’autre fille d’Annie Ernaux, ouvrage de peu d’épaisseur consacré à sa sœur morte avant sa propre naissance (NiL Editions). Pendant que je le paie (cinquante centimes), un quidam s’adresse au vendeur de livres d’à côté pour lui demander le numéro de téléphone d’un autre : « Je lui ai acheté un coffret de dix petits livres de poésie pour dix euros, or j’ai vu à la maison qu’ils sont numérotés. J’ai regardé sur Internet et ils valent soixante-dix euros. Si j’arrive à les vendre, j’aimerais lui filer un petit billet. » Comme on est vertueux ici, ce n’est pas à moi que viendrait une telle idée.
Je rejoins ensuite la place de la Nation pour aller à Charonne, l’un des deux plus importants vide greniers du jour, dont je parcours les allées rectilignes en regardant des deux côtés à la fois. Parmi les vendeurs, je découvre l’homme aux livres d’Algérie d’hier à qui je souhaite une journée fructueuse. Là aussi, je trouve des livres dont, m’attendant en évidence sur le trottoir, le Pascin de Gaston Diehl (Flammarion). Un peu défraîchi, il devient mien pour deux euros.
L’autre plus important vide grenier du dimanche est celui de la rue des Pyrénées et adjacentes et que vois-je m’attendant sur le trottoir ? Pascin, le magicien du réel, le copieux catalogue de l’exposition ayant eu lieu au Musée Maillol en deux mille sept. En excellent état, il me coûte le même prix que l’autre.
Je déjeune sur place, à la terrasse de la brasserie Les Rigoles d’un steak tartare, frites, salade et câpres avec un quart de côtes-du-rhône (dix-sept euros vingt). J’ai bonne vue sur l’extrémité du déballage, regardant qui passe et écoutant le jeune couple de la table voisine. Ils en sont au moment où l’amour ne se suffit plus à lui-même, parlent d’aménagements dans la maison qu’ils vont acheter. Je ne la sens pas motivée par cette histoire d’escalier à refaire et lui envoie des ondes mentales : « Tire-toi pendant qu’il en est encore temps ».
Mon erreur du jour est d’aller par plusieurs métros à Montholon dans le Neuvième où le « grand vide grenier » annoncé n’occupe que deux côtés du square et une courte rue. Je n’y trouve rien et peux enfin faire usage de mon mauvais esprit à l’égard de l’association de charité qui l’organise : « Vous appelez ça un grand vide grenier ? L’an prochain, annoncez un petit vide grenier, on peut être honnête même si on est du Secours Populaire ». Les deux darnes haussent les sourcils sans me répliquer quoi que ce soit.
Après une pause en mon logis, je repars à pied jusqu’à l’arrondissement voisin pour un ultime vide grenier, celui de l’avenue de Saint-Ouen, dont je n’attends pas merveille et cela se confirme. Peu de livres hormis toute une table sans grand intérêt que le vendeur propose à dix euros pièce.
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Conseil d’une vendeuse à un curieux :
-Si vous ne savez pas ce que c’est, il vaut mieux ne pas l’acheter car vous ne saurez pas vous en servir.
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Un vendeur à propos d’un téléphone :
-C’est à la grand-mère. Il est encore fonctionnel et il est collector.
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Encore une journée où j’aurai réussi à ne pas acheter un billet de tombola aux pompiers.