Une montgolfière rouge dans le ciel bleu au-dessus de Colmar, c’est la première chose que je vois ce samedi en sortant peu après sept heures et ça me met de bonne humeur (autant que je peux l’être). La deuxième chose que je vois, c’est une cigogne sur son nid au sommet du bâtiment dont le rez-de-chaussée est occupé par le Café du Marché. Comment ne l’avais-je pas encore vue ? « Elle vient tous les ans faire ses petits », me dit celui qui fait l’ouverture du troquet et qui m’apporte un « rallongé » qui accompagnera mon pain au chocolat de chez Éric Colle.
Il y a deux autres clients au Café du Marché. Le patron (si c’est lui) est volubile et curieux. Il a du mal à comprendre que je voyage seul, sans famille, sans amis. Pour un peu, il me plaindrait. Aux deux autres, il dit du mal d’un absent qui fait son petit tour, vient ici boire deux bières puis rentre chez lui. « Il a pas de vie. » Je me garde bien de lui demander quelle est sa vie à lui L’autre jour, l’expresso était à un euro trente, aujourd’hui le rallongé est à deux euros. Aucun prix n’est affiché mais je ne pose pas de question.
C’est le jour du Marché Saint-Joseph qui s’épanouit autour de l’église du même nom. Ce marché est le plus réputé de la ville, vanté par ma logeuse comme par mon vieux Guide du Routard. J’en fais le tour. Producteurs locaux et camionnettes à nourritures exotiques. Les prix des premiers ne sont pas donnés, dix euros les cinq cent grammes de cerises.
Arrivé au centre de la ville, je vais au hasard. Je passe devant la très belle Maison Pfister, joyau de l’époque Renaissance, oriel et peinture murale. J’entre dans la cour du Weinhof qui abrite un remarquable grenier médiéval du quatorzième siècle (propriété privée). Je découvre une cigogne en haut de la Collégiale et, sur une maison quelconque, une plaque commémorative attestant qu’ici naquit la musicienne Marie Bigot de Morogues que Beethoven et Haydn admirèrent, qui prodigua ses conseils à Schubert enfant, qui donna des leçons à Felix et Fanny Mendelssohn et mourut à Paris « au printemps de sa vie » (trente-quatre ans). Je ne pense pas qu’elle soit connue de beaucoup d’amateurs de musique dite classique.
Je rejoins la Petite Venise et entre dans le Marché Couvert. J’en fais le tour, trouvant ainsi comment on fait pour atteindre cette terrasse remarquée l’autre jour au-dessus de la rivière Lauch. Elle a nom Terrasse du Marché. En contrebas, un couple de colverts et un banc de poissons comptent sur la charité des mangeurs de croissants pour se nourrir. « Vous savez ce que c’est, ces poissons ? » demandé-je à la serveuse. « Des che…, che … quelque chose, je sais plus, faut que je demande à mon boss. » Peut-être des chevesnes, me dis-je. Sur le pont, une jeune femme de rose vêtue se fait belle avec l’aide d’une autre puis est filmée par un professionnel qui la fait marcher sur le quai avec ses talons aiguilles. Peu après, un branlotin descend dans l’eau sous les yeux de ses peutes, à moins que ce soit eux qui l’y envoient. « Ah, sa mère de fils de pute, c’est froid ! », s’écrie-t-il. Il cherche les pièces jetées dans la rivière par des touristes. Au garde-corps sont accrochés une multitude de cadenas d’amour. Il en trouve aussi au fond. Je paie mon expresso un euro quatre-vingts à la serveuse qui ne me reparle pas des poissons.
Vers dix heures, je me transfère au Café Rapp. J’inaugure le nouveau mobilier de la terrasse, le trouve confortable et rejoins Balzac et Madame Hanska : Chère, je serai à Châlons, comme je l’ai promis, ne vous inquiétez pas, j’y serai avant vous, et je vous donnerai la main pour descendre de voiture. Un bicycliste avec dans son panier avant deux petits chiens à lunettes de soleil rondes et bleues boit sa bière à une table haute sans descendre de son engin, succès garanti.
C’est à la Brasserie Jupiter, près de la Collégiale, que je déjeune d’un rösti alsacien (pommes de terre, emmental, lardons, crème, saucisse) à quinze euros quatre-vingt-dix. Mes deux voisins boivent chacun un café et se partagent une flamme. Ça fait déjà peu pour un. Alors que mon rösti pourrait presque en nourrir deux.
Ce samedi, dans un des beaux bâtiments de la ville, a lieu la réunion de la Légion d’Honneur du Haut-Rhin. Celle-ci terminée, les participants défilent au milieu de la foule de touristes dans leurs vêtements trop neufs un peu démodés sur lesquels sont accrochées leurs médailles. Certaines sont petites. D’autres semblent fausses. A côté d’eux marchent leurs femmes qui ne sont pas médaillées.
*
Place Saint-Joseph, la Librairie Cave à Vin Le Chat Perché, vraie librairie et vraie cave à vin.
*
Dans la rue qui va de cette place au passage sous les voies ferrées près de la maison rose en ruine, deux grands cafés fermés depuis longtemps, qui auraient pu faire mon bonheur : Café Restaurant Peter et A la Ville de Montbéliard. « Fermeture définitive. Lily a rendu son tablier et prend sa retraite », est-il écrit sur la porte du premier.
Il y a deux autres clients au Café du Marché. Le patron (si c’est lui) est volubile et curieux. Il a du mal à comprendre que je voyage seul, sans famille, sans amis. Pour un peu, il me plaindrait. Aux deux autres, il dit du mal d’un absent qui fait son petit tour, vient ici boire deux bières puis rentre chez lui. « Il a pas de vie. » Je me garde bien de lui demander quelle est sa vie à lui L’autre jour, l’expresso était à un euro trente, aujourd’hui le rallongé est à deux euros. Aucun prix n’est affiché mais je ne pose pas de question.
C’est le jour du Marché Saint-Joseph qui s’épanouit autour de l’église du même nom. Ce marché est le plus réputé de la ville, vanté par ma logeuse comme par mon vieux Guide du Routard. J’en fais le tour. Producteurs locaux et camionnettes à nourritures exotiques. Les prix des premiers ne sont pas donnés, dix euros les cinq cent grammes de cerises.
Arrivé au centre de la ville, je vais au hasard. Je passe devant la très belle Maison Pfister, joyau de l’époque Renaissance, oriel et peinture murale. J’entre dans la cour du Weinhof qui abrite un remarquable grenier médiéval du quatorzième siècle (propriété privée). Je découvre une cigogne en haut de la Collégiale et, sur une maison quelconque, une plaque commémorative attestant qu’ici naquit la musicienne Marie Bigot de Morogues que Beethoven et Haydn admirèrent, qui prodigua ses conseils à Schubert enfant, qui donna des leçons à Felix et Fanny Mendelssohn et mourut à Paris « au printemps de sa vie » (trente-quatre ans). Je ne pense pas qu’elle soit connue de beaucoup d’amateurs de musique dite classique.
Je rejoins la Petite Venise et entre dans le Marché Couvert. J’en fais le tour, trouvant ainsi comment on fait pour atteindre cette terrasse remarquée l’autre jour au-dessus de la rivière Lauch. Elle a nom Terrasse du Marché. En contrebas, un couple de colverts et un banc de poissons comptent sur la charité des mangeurs de croissants pour se nourrir. « Vous savez ce que c’est, ces poissons ? » demandé-je à la serveuse. « Des che…, che … quelque chose, je sais plus, faut que je demande à mon boss. » Peut-être des chevesnes, me dis-je. Sur le pont, une jeune femme de rose vêtue se fait belle avec l’aide d’une autre puis est filmée par un professionnel qui la fait marcher sur le quai avec ses talons aiguilles. Peu après, un branlotin descend dans l’eau sous les yeux de ses peutes, à moins que ce soit eux qui l’y envoient. « Ah, sa mère de fils de pute, c’est froid ! », s’écrie-t-il. Il cherche les pièces jetées dans la rivière par des touristes. Au garde-corps sont accrochés une multitude de cadenas d’amour. Il en trouve aussi au fond. Je paie mon expresso un euro quatre-vingts à la serveuse qui ne me reparle pas des poissons.
Vers dix heures, je me transfère au Café Rapp. J’inaugure le nouveau mobilier de la terrasse, le trouve confortable et rejoins Balzac et Madame Hanska : Chère, je serai à Châlons, comme je l’ai promis, ne vous inquiétez pas, j’y serai avant vous, et je vous donnerai la main pour descendre de voiture. Un bicycliste avec dans son panier avant deux petits chiens à lunettes de soleil rondes et bleues boit sa bière à une table haute sans descendre de son engin, succès garanti.
C’est à la Brasserie Jupiter, près de la Collégiale, que je déjeune d’un rösti alsacien (pommes de terre, emmental, lardons, crème, saucisse) à quinze euros quatre-vingt-dix. Mes deux voisins boivent chacun un café et se partagent une flamme. Ça fait déjà peu pour un. Alors que mon rösti pourrait presque en nourrir deux.
Ce samedi, dans un des beaux bâtiments de la ville, a lieu la réunion de la Légion d’Honneur du Haut-Rhin. Celle-ci terminée, les participants défilent au milieu de la foule de touristes dans leurs vêtements trop neufs un peu démodés sur lesquels sont accrochées leurs médailles. Certaines sont petites. D’autres semblent fausses. A côté d’eux marchent leurs femmes qui ne sont pas médaillées.
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Place Saint-Joseph, la Librairie Cave à Vin Le Chat Perché, vraie librairie et vraie cave à vin.
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Dans la rue qui va de cette place au passage sous les voies ferrées près de la maison rose en ruine, deux grands cafés fermés depuis longtemps, qui auraient pu faire mon bonheur : Café Restaurant Peter et A la Ville de Montbéliard. « Fermeture définitive. Lily a rendu son tablier et prend sa retraite », est-il écrit sur la porte du premier.